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Prédation

Lalley voit le retour du loup

Une attaque de loups à 300 mètres du village. Des cadavres gisant dans les prés à l'entrée de la commune. C'est le cauchemar que revit Lalley, dans le Trièves.
Lalley voit le retour du loup

Le bilan animal est lourd : une douzaine de brebis tuées, un bélier également, une dizaine de brebis mordues et qu'il faudra euthanasier. « Moi, je n'en ai pas le courage », s'excuse presque Robert Giraud, éleveur à Lalley, victime pour la deuxième fois en deux ans d'une attaque nocturne de loup(s?), à moins de 300 mètres des maisons, vendredi 12 octobre. Ceci dit, il est le dernier des éleveurs ovins du village. Et l'homme en a pris un coup au moral. « Comprenez bien : un bélier de deux ans en pleine force de l'âge que j'ai acheté 400 euros, la plupart des brebis de deux ou trois ans, donc en plein début de maturité sexuelle. Les pertes de reproduction sont énormes. D'autant plus qu'il faudra ajouter les avortements pour celles qui avaient été prises par le bélier ou celles qui stressées vont passer leur tour. En plus, les prochaines naissances d'agnelles seront réservées à la reconstitution du troupeau. Autant de bêtes que je ne vendrai pas. Donc qui ne me procureront pas de revenus. Et les agnelles, il leur faut deux à trois ans avant de pouvoir agneler. Il faut que j'attende... »

Cette brebis éventrée était toujours vivante plusieurs heures après l'attaque attendant le constat de l'expert.

Indispensables ovins

Cette liste à la Prévert des conséquences d'une attaque de loup est implacable. A 63 ans, Robert Giraud se pose donc des questions. Surtout après une telle attaque. Mais natif du village, il sait aussi que s'il n'y avait plus de troupeau ovin, les paysages se transformeraient vite. « Regardez, dans ces pentes, il ne peut y avoir que des moutons. On tient encore devant la broussaille et la forêt, mais il faut y être tout le temps. Les églantiers, c'est moi qui les coupe, les brebis n'y touchent pas ». Son troupeau de 400 brebis qu'il mène avec sa femme est donc important pour le village. « Cet été, on a eu deux attaques à l'alpage du Jocou. Une non reconnue, une reconnue. Les dégâts étaient modestes. Là, nous sommes à côté du village. Ce n'est pas normal. »

Le bélier de deux ans acheté 400 euros (à gauche) figure pari les victimes.
L'éleveur reconnaît que sa vie a changé depuis l'arrivée du loup. « Nous avions eu une attaque sévère au Jocou en 2003, mais nous avions eu plusieurs années tranquilles ensuite. Nous sommes vraiment concernés depuis cinq ou six ans. Avant, nous pouvions prendre un peu de repos, laisser le troupeau quelques jours sans garde spécifique. Cela nous faisait du bien. Depuis que la présence du loup est permanente, nous ne partons plus. Nous sommes toujours là, aux côtés de nos bêtes. La qualité de vie n'est plus la même. »

Catastrophe inéluctable

Une dizaine de bêtes ont été touchées à la gorge et ont été euthanasiées, car par expérience l'éleveur sait qu'elles ne s'en remettent pas.         Le maire, M. Picot et Robert Giraud   

Michel Picot, maire du village, constate aussi son impuissance. « J'ai le sentiment de l'arrivée progressive d'une catastrophe inéluctable. Le loup n'est plus sur notre territoire, c'est nous qui occupons le sien. Ce retour implique le recul de l'homme mais ce n'est pas notre destinée. » On sent l'édile démuni et mûrissant une colère sourde : « l'appareil administratif et ses considérations statistiques sont une vue de l'esprit et un pur scandale. Nous, nous vivons au quotidien cette présence. Je ne suis ni pro, ni anti-loup. Je constate surtout que nous ne recevons aucun appui. Il n'y a pas de prise en charge du problème. Le tir de défense est inopérant, cela n'a aucun sens. On va pas poster des gens des nuits entières en attendant sa venue hypothétique. D'autant plus qu'aujourd'hui, la préfecture nous a demandé de lever le pied. 41 loups sur le quota autorisé de 43 ont été tués. L'Etat souhaite faire le point... »

Jean-Marc Emprin