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Transition alimentaire et agricole

Le bassin grenoblois mise sur « le produire local pour consommer local »

En 2015, six territoires du bassin grenoblois ont engagé une « stratégie agricole et alimentaire inter-territoriale » pour ré-ancrer localement leur système alimentaire. Objectif : accompagner les changements des pratiques alimentaires et d’équité sociale, mais aussi préserver la biodiversité autant que le foncier agricole.
Le bassin grenoblois mise sur « le produire local pour consommer local »

C'est dans l'air du temps. Aiguillonnées par les attentes et les initiatives citoyennes d'un côté, par la nécessité de concilier politique agricole et développement durable de l'autre, de nombreuses collectivités réinscrivent l'alimentation à leur agenda. « Les villes ont depuis longtemps abandonné leur alimentation à des acteurs privés, explique Caroline Brand, docteur en géographie à l'université Grenoble-Alpes. Aujourd'hui, des failles ont été mises à jour dans le système, et des pratiques alimentaires émergentes interrogent les relations entre espaces urbains et ruraux, en ré-agençant les géographies des systèmes de production et de consommation. » Ebranlés par des crises à répétition, les consommateurs veulent en effet du sain, du local, du fermier, du label, du circuit court, bio si possible. Les pouvoirs publics l'ont bien compris, qui ont développé tout un arsenal pour soutenir les circuits de proximité, les filières locales, la mise en place d'outils de transformation, le soutien à la production bio, les marques territoriales.

Selon les enquêtes, les consommateurs isérois veulent du sain, du local, du fermier, du label, du circuit court, bio si possible. Les pouvoirs publics ont développé tout un arsenal pour soutenir les circuits de proximité, les filières locales, la mise en place d'outils de transformation, le soutien à la production bio et les marques territoriales. L'abattoir du Fontanil, le Min de Grenoble et la marque Is(h)ere ont ainsi pu bénéficier du soutien des collectivités.

Le Département de l'Isère et la plupart des territoires ont engagé depuis longtemps des politiques en faveur du développement de l'agriculture, de sa diversification et de la mise en place de circuits de proximité à grand renfort de chartes, Scot, Psader, et d'outils de maîtrise du foncier, de type Zap ou Paen. Avec un seul mot d'ordre : « Produire local pour consommer local ».

Stratégie inter-territoriale

C'était une première étape. Les collectivités territoriales ont depuis saisi les opportunités offertes par le cadre législatif en matière de santé, de nutrition et d'alimentation pour engager des politiques innovantes et ambitieuses. Il y a quatre ans, six territoires du bassin grenoblois ont  poussé la logique jusqu'à élaborer une « stratégie agricole et alimentaire inter-territoriale », déclinée autour de cinq enjeux majeurs : préservation du foncier et installation de nouvelles exploitations, soutien aux équipements pour développer les circuits de proximité et l'activité du territoire, sensibilisation des acteurs et des consommateurs aux changements de pratique, développement des produits locaux et biologiques dans la restauration collective, mise en cohérence des enjeux de protection de l'environnement avec les pratiques agricoles.

Promotion du bien manger

Depuis 2015, les six territoires sont ainsi parvenus à « développer un certain nombre d’actions en coordonnant [leurs] efforts pour protéger [les] espaces agricoles, développer des filières alimentaires  territoriales et mieux faire connaître les produits des territoires », explique Françoise Audinos, vice-présidente de la métropole grenobloise en charge de l'agricutlure. Sur le terrain, on a ainsi vu fleurir les initiatives en faveur de l'approvisionnement local, la lutte contre le gaspillage et la promotion du « bien manger ».

 

Zoom sur les initiatives départementales et territoriales

- La marque Is(h)ere décolle dans les rayons
- Les cantines à l'heure du bio et du local
- Coublevie : ouverture d'un magasin de producteurs soutenu par la collectivité- Viandes agropastorales : les éleveurs joue la carte du local
- La Chartreuse veut remettre en production ses variétés locales

Envies d'agir

Surfant sur des « envies d'agir » locales, plusieurs collectivités se sont lancées dans la construction de projets alimentaires de territoire (PAT) locaux en vue de développer « une approche globale prenant en compte l'ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire ». En coopération avec la Drôme et l'Isère, les acteurs locaux ont fait émerger « Vers une alimentation couleur Royans-Vercors », un plan d'actions partagé entre les élus, les écoles, les agriculteurs, les parents, les commerçants, les restaurateurs et les associations, le tout porté par le parc du Vercors et la communauté de communes du Royans-Vercors, en partenariat avec la chambre d'agriculture de la Drôme.

Organisé e juin 2018 par les communes de Seyssins et Seyssinet-Pariset, le Safari des produits locaux s'est déroulé sous la forme d'une déambulation avec les habitants, accompagnés par un comédien. « Ce guide touristique un peu spécial leur a présenté différents lieux de notre territoire dans lesquels ont peut trouver des produits locaux, explique Fanny Crouzet, du Service développement durable de Seyssinet-Pariset.
Ce format décalé nous a permis de toucher un public bien plus varié que sur un format conférence !». 
(Crédit photo : Fanny Crouzet). Forum participatif sur la construction du Projet alimentaire territorial de Seyssins-Seyssinet-Pariset, en octobre 2018.
(Crédit photo : Fanny Crouzet)

Dans la métropole grenobloise, les communes de Seyssins et de Seyssinet-Pariset proposent depuis 2017 une démarche participative dans le but d'articuler production et demande locales avec les questions de santé-nutrition, de culture, d'éducation et d'accessibilité. Ce PAT micro-local s'est décliné en plusieurs phases (enquête auprès des habitants, diagnostic auprès des acteurs de l'alimentation : agriculteurs et producteurs, commerçants, restauration collective, monde de la santé...), qui ont abouti à la mise en place d'actions concrètes (forums, ateliers de travail thématiques, spectacles déambulatoires...) destinées à « sensibiliser le plus grand nombre au bien-manger ».

Cultiver la transition

Ces deux initiatives ne sont pas sans préfigurer l'évolution de la stratégie agricole et alimentaire portées par les six territoires du bassin grenoblois en un projet alimentaire inter-interritorial (PAiT). Plus qu'une reconnaissance nationale, via une labellisation, l'objectif des élus est d'inscrire la démarche dans le temps, et donc de lui éviter les aléas de la politique partisane. Car les élections approchent, et rien ne garantit que les futures équipes partageront les mêmes visions. Or les élus d'aujourd'hui tiennent à ce que, demain, leurs territoires aient les moyens de « cultiver une transition alimentaire résolument engagée » qui concerne désormais 237 communes réparties entre trois départements : l'Isère, la Drôme et la Savoie.

Marianne Boilève