Le biogaz s'étend dans la Bièvre

La grande Bièvre se prépare à la méthanisation agricole. Quatre projets sont dans les tuyaux, même si encore balbutiants « Il y a beaucoup d'exploitations agricoles dans la Bièvre. La méthanisation leur permet de réaliser leurs mise aux normes environnementale. Elles n'en ont souvent pas les moyens ou ne désirent pas s'engager seules, explique Roland Levet-Trafit, président de l'association Agri Biogaz en Dauphiné et exploitant, qui réunit les initiatives de méthanisation dans la Bièvre. C'est une façon de diversifier les revenus et d'être producteur d'énergie renouvelable. » Assurer l'avenir, celui de l'agriculture tout en faisant un geste pour la planète sont des éléments fédérateurs pour tous ces agriculteurs. « Il n'y a encore rien de définitif », répète le président de l'association. Si quatre sites sont pressentis, à Saint-Jean-de-Bournay, Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, La Côte-Saint-André et à Champier-Mottier, les collectifs sont encore dans la phase de prise de décision.
Par et pour les agriculteurs
Surtout, les acteurs ne veulent brûler aucune étape, conscients que le sujet peut encore être sensible. Atout majeur, ils disposent du soutien de la communauté de communes Bièvre Isère communauté (BIC) qui a incrit la méthanisation dans son tout nouveau plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI). La chambre d'agriculture de l'Isère intervient également en appui. « Nous avons procédé à une pré-étude afin de voir où des agriculteurs pouvaient être intéressés. C'est ainsi que se sont dessinés quatre groupes, mais sans contours très précis », poursuit Roland Levet-Trafit. La communauté de communes est alors intervenue pour financer les études de faisabilité, afin d'accompagner les agriculteurs et pour qu'ils n'engagent pas de frais inutiles si les projets étaient classés sans suite. Début janvier 2019, les résultats ont conclu à la faisabilité des projets, identifiant quatre localisations. « Ce sont des projets uniquement agricoles. Nous étions tous d'accord autour de cette condition : pas de déchets agroalimentaires ni de stations d'épuration. Ce sont des projets d'agriculteurs pour les agriculteurs », relève Roland Levet-Trafit. Créée il y a un an, l'association Agro Biogaz en Dauphiné leur permet de travailler ensemble, d'avoir un référent identifié en relation avec les interlocuteurs des différentes instances (collectivités, bureau d'études, chambre d'agriculture etc.). La dimension des projets varie entre 10 000 et 30 000 tonnes d'effluents d'élevage et de cultures intermédiaires. La zone de collecte ne dépasse par un périmètre d'une dizaine de kilomètres, de même que le secteur d'épandage. « Ceci pour une question de rentabilité. Au-delà, les coûts de transport sont trop importants », indique le président d'Agri Biogaz en Dauphiné. C'est la raison pour laquelle la recherche d'un emplacement est stratégique et le fruit d'un compromis. Les projets réunissent entre 8 et 12 agriculteurs pour un investissement autour de cinq millions d'euros. Trois sont en injection, le biogaz étant directement injecté dans le réseau. Pour le quatrième, celui de Champier, la réflexion est en cours en l'absence de réseau de gaz.
Sécuriser les revenus
« Il y a beaucoup d'incertitudes, confirme Nicolas Coicaud, éleveur à Saint-Jean-de-Bournay et référent du groupe saint-jeannais. Nous ne savons pas encore si nous pourrons mener le projet au bout. » La réflexion n'est pas seulement financière. Au-delà de l'enjeu économique, la méthanisation implique un changement de pratiques et un saut dans l'inconnu. « Nous avons plus d'interrogations que de certitudes ». Pourtant, le jeune éleveur pense que l'avenir du métier passe par ce type d'initiative. « Nous sommes dans un tunnel fermé au niveau des prix. Si l'on veut qu'il y ait encore de l'élevage dans les années à venir et parce que nous aimons nos bêtes, il nous faut trouver un moyen de sécuriser nos revenus. A cela s'ajoute la gestion des effluents, des mises aux normes et des épandages. Il est donc intéressant de faire d'une pierre plusieurs coups. La crise est passée par là et nous en sommes toujours affectés. Soit on accepte de produire à ce niveau-là, soit on arrête. Mais je suis jeune et j'ai envie de continuer. » Il met en avant la dimension collective d'un tel projet. « C'est du béton qui rapporte à tous, une énergie verte qui tire dans le bon sens. » Mais les agriculteurs du groupe se donnent le temps de laisser mûrir un projet qui engage durablement. « Le point fort, c'est le soutien de la communauté de communes », ajoute le référent.
Valoriser les couverts
A La Côte-Saint-André aussi, le groupe est aussi en pleine réflexion. « L'étude de faisabilité vient de se terminer. Elle montre que le projet est viable, mais elle sera caduque dans un an », explique Adrien Raballand, le directeur de l'exploitaiton agricole du lycée de La Côte-Saint-André et membre du groupe local. L'heure est donc à la prise de décision pour le collectif. « Il faut regrouper les agriculteurs qui sont partants, puis déposer le permis de construire », reprend le responsable de la ferme. Le site pressenti sera sûrement localisé sur l'axe où passe le réseau de gaz entre La Côte-Saint-André et La Dauphinoise. « Ce rapprochement de la ferme expérimentale est utile d'un point de vue pédagogique », ajoute Roland Levet-Trafit.
Ce dernier, producteur laitier à La Frette, élu local et défenseur des initiatives collectives portées par le monde agricole comme la Gamme paysanne dont il est un des pionniers, fait partie du groupe de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs. Il réunit onze agriculteurs pour un projet de 30 000 tonnes d'effluents d'élevage et de Cive. Le site devrait être localisé à proximité de l'aéroport et du parc photovoltaïque. « Si nous ne rencontrons pas d'embûches, nous espérons déposer le permis de construire avant la fin de l'année pour une mise en service fin 2020 », fait valoir le président d'Agri Biogaz en Dauphiné. Le montage financier n'est pas encore ficelé. « Nous souhaitons le maximum de financement agricole ». Avec un emprunt possiblement sur 15 ans, le retour sur investissement serait attendu sur neuf ans. Dans ce secteur, toutes les exploitations de la plaine sont en zone vulnérable et une grande partie en zone de captage, de sorte que l'implantation de couverts est obligatoire. « Autant les valoriser », ajoute l'agriculteur.
Acceptation sociétale
Mais il sait aussi que les enjeux sont ailleurs, notamment dans l'acceptation sociétale, apprenant des difficultés rencontrées à Apprieu. La démarche a fait l'objet d'une information à l'ensemble des conseils municipaux. « Il y a encore des a priori très ancrés et très éloignés de la vérité. A cela s'ajoute une crainte de la nouveauté », constate Roland Levet-Trafit. C'est la raison pour laquelle le volet communication a été confié à la communauté de communes. Avec l'évolution des projets viendra le temps des réunions publiques, chaque groupe étant désireux d'apporter l'information la plus juste aux habitants des communes. La réussite de tels projets passe aussi par le bon foncitonnement du groupe, ce à quoi l'année à venir sera profitable pour les quatre collectifs.
Isabelle Doucet
Filière verteUne dizaine de projets de méthaniseurs agricoles en Isère
Au-delà du chantier d’Apprieu, qui devrait être livré au printemps, une dizaine de méthaniseurs devraient sortir de terre en Isère à court terme. La plupart sont des projets en injection, le biogaz étant réinjecté dans le réseau.Dans la Boucle-du-Rhône, le projet d’Aoste s’est scindé en trois projets, deux agricoles et un industriel avec le fabricant de charcuterie. Les deux petits collectifs d’agriculteurs implanteront les méthaniseurs à Veyrins-Thuellin et à Pressins. En cours de construction, un projet à deux Gaec à Saint-Victor-de-Morestel devrait être opérationnel avant la fin de l'année. Quelques projets agricoles individuels sont aussi en cours d'études, un groupe à La Varèze et Saint-Louis-Energie à Anthon. Enfin, un gros projet agricole devrait réunir 32 exploitations à Eyzin-Pinet. Le dossier ICPE est en cours de dépôt. En général, les projets réunissent 7 à 12 agriculteurs pour une unité qui oscille entre 77 Nm3/h et 120 Nm3/h, correspondant à l’alimentation de 500 foyers chauffés au gaz minimum.Pour accompagner ces projets un comité départemental et une charte départementale méthanisation Isère favorise la concertation, sécurise les plans d'approvisionnement, s'assure des compétences adaptées aux projets, de la valorisation agronomique du digestat, de la viabilité économique et de l'efficience énergétique.(1) Le normo mètre cube ou Nm3 correspond à la quantité de gaz contenue dans un m3