Le bois au rythme du temps

C'est tout neuf, c'est tout beau. On ne regrette pas d'avoir opté pour le bois pour recouvrir sa maison. Cette matière noble et recyclable donne un sentiment de proximité avec la nature. Mais quelques années plus tard, c'est la désillusion : la couleur a changé, le bois a foncé, pour tirer vers le gris. « Ah ça pourrit... génial ! » peut-on penser. En réalité, le grisaillement ne reflète pas une alteration des qualités mécaniques du bois. Ouf ! C'est déjà ça. Mais où est passé le bois à la couleur chaude qu'on avait commandé ?
Accepter le vieillissement du bois
Le bois, contrairement aux matériaux composites, est issu du vivant. « Le bois vieillit, comme nous, et il faut l'accepter » déclare Frédéric Scorcione, charpentier, lors d'une matinée d'échanges organisée à Crolles par l'interprofession Créabois Isère le 6 juillet sur le thème du bardage. Le grisaillement est dû à l'action conjuguée du soleil, de la pluie et de la pollution atmosphérique. Le ruissellement de l'eau délave le bois de ses molécules lessivables, dont les molécules colorées. Le bois prend alors une patine grise. « C'est un matériau hétérogène, s'accordant avec la complexité esthétique du paysage. Le bâtiment est ainsi marqué par le temps, il évolue au rythme des saisons », explique Serge Gros, directeur du CAUE, conseil architecture urbanisme environnement de l'Isère, également présent lors de la matinée Créabois. Ainsi, le choix du bardage bois doit être assumé avec toutes ses conséquences. Le grisaillement peut-être recherché, comme dans le cas de l'Ecocentre de la commune de Crolles.
« Le bardage bois était une volonté des commerçants, indique Anne Foulon, l'architecte du bâtiment. Il permet d'intégrer de manière plus harmonieuse des centres commerciaux ou des bâtiments techniques dans le paysage ». Pour les plus réticents vis-à-vis de l'évolution chromatique du bardage, le mieux est de ne pas choisir le bois, bien qu'il soit possible de le traiter pour limiter la patine naturelle. « Attention aussi à ne pas confondre bardage et structure. Un bâtiment en bois peut être recouvert d'un autre matériau, si le bardage bois ne plaît pas », précise Guénaëlle Scolan, directrice de Créabois.
Anticiper la patine
Choisir un bardage, c'est d'abord choisir une essence. Le douglas reste une référence en Isère, et permet de favoriser la production locale. De classe 3, il est utilisable en extérieur et ne nécessite pas de traitement, tout comme le mélèze, le chêne et le châtaignier. L'esthétique du bardage et son évolution peut aussi et surtout être influencée par l'architecture du bâtiment. Pour anticiper un changement de couleur plus ou moins homogène du bardage, « il faut se mettre à la place de la petite goutte d'eau qui va glisser sur la façade, et se demander où elle pourra stagner », conseillent certains professionnels. Après avoir repéré ces endroits, l'architecte doit trouver un moyen d'éviter ce phénomène de stagnation. En pied de façade, c'est la règle des 20 centimètres, à titre indicatif : une latte de bois placée à moins de 20 centimètres de sol risque d'avoir une trop grande humidité en cas de ruissellements ou de neige, et de vieillir plus vite. Les rebords – appuis de fenêtres, débords de toits... - favorisent une évolution hétérogène, car le bois protégé des intempéries vieillit plus lentement, contrastant avec le bois exposé. Coupler un bardage bois à des panneaux de couleurs composites peut aussi être une solution architecturale pour vivifier l'ensemble.