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Compagnonnage

Le charpentier prend de la hauteur

Camille Recorbet a été lauréat du championnat européen des jeunes charpentiers. Compagnon, charpentier, formateur, organisateur, il déploie un parcours complet.
Le charpentier prend de la hauteur

Il n'a pas 30 ans et affiche déjà plusieurs vies. Charpentier, originaire du Beaujolais, fils d'éleveur, Camille Recorbet a choisi de s'installer en Isère auprès de sa compagne. En 2006, au cours de son tour de France, il est reçu compagnon à la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment (FCMB) de l'Isère, à Echirolles. Il découvre alors le milieu des concours, dont le championnat européen des jeunes charpentiers, dans lequel le pôle est très impliqué. Le compagnon passe les présélections puis est retenu pour la compétition qui, cette année-là, se déroulait au Luxembourg. « Chaque pays est représenté par trois candidats. A l'entraînement, nous réalisons des maquettes où il faut soigner tous les détails : le tracé, le rembarrèrent, la taille des pièces, le montage... », précise-t-il. A cette époque, le jeune homme qui a déjà passé plusieurs années sur le tour de France, se partage entre son employeur, la Charpente contemporaine à Saint-Nazaire-les-Eymes, la FCMB à Echirolles pour les cours du soir et du samedi matin, les entraînements en vue du championnat et enfin, la réalisation de son chef-d'œuvre. « Ce n'est pas vécu comme une contrainte, et l'activité est très concentrée sur une période allant de septembre à la Saint-Joseph, la fête des charpentiers au mois de mars », explique le passionné.

« Un formidable réseau »

L'esprit d'équipe, une mentalité davantage placée sous le signe de la convivialité que de la compétition, une manifestation festive : Camille garde un très bon souvenir de son championnat où il s'est classé troisième en individuel et deuxième par équipe. C'est aussi un expérience inestimable pour un jeune charpentier qui complète ainsi son parcours de formation par la parfaite maîtrise des gestes ancestraux. Il boucle son tour de France en 2007, devient formateur à Echirolles pendant trois ans, puis chef d'équipe dans une entreprise de construction de maisons à ossature bois, s'inscrit en parallèle en tant qu'auto entrepreneur et finalement crée sa propre entreprise, Esprit charpente, à Voreppe en 2013. « J'ai toujours envisagé de créer ma société. Je me suis laissé le temps de me constituer une clientèle, de voir si je pouvais vivre de ce métier et si cela me plaisait avant de changer de statut », explique le créateur d'entreprise. Mais il le reconnaît : le compagnonnage apporte un formidable réseau et il n'est jamais à court de boulot. « Nous ne sommes jamais seuls, nous pouvons toujours faire appel à un collègue pour du prêt de main-d'œuvre ou de matériel. » Les liens restent forts entre le compagnon et sa fédération. Parallèlement à son métier, il a coatché à son tour et pendant plusieurs années l'équipe de France des jeunes charpentiers en vue du championnat européen, puis s'est consacré à l'organisation de la compétition qui se déroule à Grenoble en 2014 dans le cadre du Salon du bois.

 Deux devis

Son activité professionnelle s'équilibre entre des chantiers de construction de maisons neuves (charpente ou ossature bois) et de rénovation. Il affectionne également la réalisation de bâtiments agricoles et leurs lots de triangulations alléchantes. Les carnets de commandes sont correctement remplis, le bouche-à-oreille fonctionne bien et Esprit charpente draine une clientèle 50 km alentour. Camille Recorbet entend atteindre un chiffre d'affaires de 150 000 euros sur son premier exercice et envisage de recruter un salarié. « Mais c'est un métier où l'on subit une tension sur les prix et où règne une certaine concurrence. Je suis obligé d'affiner tous les postes de dépense », explique le charpentier. Il a pour habitude de toujours proposer deux devis : en bois locaux et en bois qualifiés, produits et transformé en Europe du nord. « En fonction des délais, je peux travailler avec du bois de Chartreuse en débit sur liste », indique le jeune homme. Mais pour l'heure, la plupart de ses réalisations sont faites avec du bois d'importation. « Je travaille avec un logiciel sur des bois qualifiés et des sections précises », poursuit le charpentier qui peut commander à J-1 ces bois d'importation. D'autant qu'il ne dispose pas de local, donc pas de stock. « Mais tout cela dépend des stocks, des prix, du service, des chantiers », modère-t-il. Le calcul des marges au plus près est bien entendu un gage de pérennité pour une entreprise naissante, mais Camille Recorbet veut aussi donner une image irréprochable de sa société : du véhicule au chantier, tout doit être impeccable. « Il est important de se démarquer, reprend-il. Je passe une formation pour que l'entreprise soit qualifiée RGE c'est à dire reconnue Grenelle de l'environnement. Ce statut permettra bientôt aux clients de bénéficier de crédit d'impôt sur les dépenses liées à l'isolation. »

Isabelle Doucet