Le cheval du Vercors de Barraquand veut être reconnu comme race

Les dés sont jetés. Depuis trois ans qu'ils peaufinent leur dossier de reconnaissance de la race, les éleveurs de l'association nationale cheval du Vercors de Barraquand viennent de passer un cap. Le 20 janvier dernier, ils ont défendu la cause de leur petit protégé à la robe baie devant les agents du « Bureau de l'élevage et des activités équestres » à Paris. Le grand oral passé, Sylvain Piltant, éleveur à Sassenage et président de l'association, affiche soulagement et sérénité : « On s'attendait à des inquisiteurs, mais pas du tout. Ils se sont montrés bienveillants envers notre démarche et nous ont même donné des billes pour préparer notre passage devant la commission nationale d'amélioration génétique. »
Race menacée
Cette audition parisienne est l'aboutissement d'une vingtaine d'années de travail qui ont conduit au dépôt, en novembre 2016, d'une demande de reconnaissance officielle de la race du cheval du Vercors de Barraquand. L'association en a profité pour demander son habilitation en tant qu'organisme de sélection. Par cette démarche, les éleveurs entendent non seulement officialiser une nouvelle race de cheval de territoire, mais aussi assurer la pérennité de leur filière. « La reconnaissance représente un levier économique important, explique Sylvain Piltant. Si la race est reconnue, de nouvelles portes vont s'ouvrir. En tant qu'éleveurs, nous pourrons notamment mieux valoriser nos chevaux sur un marché aujourd'hui très compliqué. Nous pourrons également intégrer de nouveaux réseaux, avoir accès aux concours de race et prétendre à certains soutiens, comme la prime due au titre de la protection des races menacées (PRM). »
Aujourd'hui en effet, si beau soit-il, le cheval du Vercors de Barraquand ne vaut pas grand chose. Les éleveurs peuvent tout au plus faire valoir « l'origine constatée » de leurs bêtes pour attester leur filiation. « C'est un peu comme avec une IGP, explique Nathalie Gravier, élue à la chambre d'agriculture de la Drôme en charge de la filière équine. Aujourd'hui, les chevaux du Vercors n'ont qu'une valeur bouchère : l'appellation n'a pas de valeur légale, donc pas de valeur économique. Le fait d'être reconnus va leur permettre d'exister en tant que tels. C'est un vrai levier qui va amorcer un cercle vertueux pour la filière, qu'il s'agisse des acteurs de l'élevage, du tourisme ou des centres équestres. »
« La reconnaissance ne permettra peut-être pas de les vendre plus cher, mais de les vendre mieux », pronostique Jean-Louis Barraquand, descendant de la famille d'éleveurs qui a contribué à l'essor de la race. François Lejeune, éleveur à Vassieux-en-Vercors, parle même d'une « remise à niveau » qui permettra aux professionnels de « se positionner sur le marché des petits chevaux de loisirs, de type mérens ou camargue ». Il mise aussi sur l'aspect « rareté » et l'étiquetage « race à faible effectif » pour stimuler la demande. « Avec ce cheval, nous défendons une notion de patrimoine et jouons sur l'ancrage des gens dans leur territoire », insiste-t-il.
Génotypage obligatoire
Aux yeux des éleveurs, cette dimension territoriale est essentielle. L'association a d'ailleurs engagé tout une dynamique locale pour monter et défendre son dossier de reconnaissance. Du nord au sud du Vercors en passant par la plaine de la Crau où la famille Barraquand s'est installée, les éleveurs ont frappé à toutes les portes. L'accueil a partout été favorable. Institutions (chambre d'agriculture, Parc du Vercors, Suaci...), éleveurs, amateurs, passionnés, collectivités territoriales, élus locaux et régionaux, tout le monde a répondu présent. Ou presque. Un soutien précieux, car le dossier de reconnaissance, lourd et complexe, s'est parfois apparenté à un parcours du combattant, fait remarquer Aurélie Gachon, chargée de mission à l'Apap. L'association d'éleveurs a dû définir le standard de la race et se doter des outils nécessaires à sa gestion (création du stud-book, désignation d'une commission et d'un corps de juges).
Reconstituer les lignées
En parallèle, les éleveurs ont minutieusement recensé les chevaux, reconstitué les lignées et monté un programme d'élevage rigoureux, comprenant l'obligation du génotypage et du contrôle de la filiation. Un travail colossal qui force l'optimisme des experts. « La reconnaissance, moi, j'y crois ! », déclare Valérie Gravier, qui a accompagné les éleveurs à Paris. « C'est une vraie race qui a une véritable identité, confirme André Barbara, délégué de l'IFCE en charge de la filière chevaux de territoire. De mon point de vue, elle a plus qu'un bon espoir d'être reconnue, du fait de son authenticité et de sa rusticité fabuleuse. » Verdict dans quelques mois.
Marianne Boilève