Accès au contenu
Sport

Le foot des gens heureux

Fortement implantés en milieu rural, les clubs de foot remplissent aussi une mission d’animation des territoires que les dirigeants ont dû intégrer dans leurs projets de club.
Le foot des gens heureux

La pizza géante, la brocante, la tombola, c’est le club de foot. En Isère, une commune sur deux a son club. Un ancrage territorial qui oblige ces associations à assurer un rôle qui va bien au-delà de l’engagement sportif.

« La force du club, ce sont ses bénévoles », affirme Michel Cleyet Marel, le président du club Vallée du Guiers FC, qui compte 478 licenciés entre Isère et Savoie, des dizaines de bénévoles et organise des événements réunissant régulièrement plusieurs centaines de personnes dans les villages. C’est un des plus gros clubs du district et la plus grosse association du territoire, ce qui implique une certaine responsabilité sociétale. « On doit être exemplaire », reprend le président.
Le fiasco de Knysna durant la coupe du Monde de football de 2010, où l’équipe de France a donné une image déplorable d’elle-même, a écorné durablement l’image du foot.

Depuis, poussés par les instances fédérales, les clubs s’engagent dans des projets qui dépassent la performance sportive pour prendre en compte les questions d’éducation, de santé et de citoyenneté. La carotte de la labellisation, qui couvre trois critères qualitatifs (accueil-fidélisation, encadrement et éducation) permet aux clubs de gagner des points dans l’attribution de dotations et de subventions.

Un terrain synthétique

Pour répondre aux attentes sociétales, le sport le plus populaire est donc obligé de se structurer. Cela passe par la montée en compétences de l’encadrement des joueurs. « Notre objectif est de présenter de nouveau le label jeunes dans le cadre du programme éducatif fédéral », confirme Mathieu Bouhet, co-président de LCA (Grand-Lemps, Colombe, Apprieu).

 

Le club LCA compte sur ses éducateurs pour monter en compétences.

 

Le niveau d’encadrement et de performance sont les deux conditions d’attractivité des clubs, dont le souci, pour assurer leur pérennité, est d’avoir suffisamment de joueurs par classe d’âge.

Du coup, en milieu rural, les fusions sont allées bon train. C’est le cas de LCA en 2007 et du Vallée de Guiers FC il y a deux ans. Les clubs y gagnent en effectifs et en infrastructures.

Les élus considèrent d’un bon œil ces rapprochements, qui permettent de rationaliser la gestion des équipements. « Les élus nous font confiance, reprend Michel Cleyet-Marel, et nous avons aujourd’hui en construction un terrain synthétique que partageront le foot, les autres associations et le collège. »

Le synthétique, c’est le graal de tous les clubs de foot. Le financement d’un tel stade nécessite la mobilisation de nombreux partenaires publics ou privés. Car certains clubs ont l’avantage de savoir fédérer un tissu d’acteurs économiques autour d’eux. Le sponsoring représente 10 à 20% du budget associatif, voire plus quand une grosse entreprise du territoire aide au financement d’un équipement local ou prend en charge le budget réception.

Des footballeuses

Autour d’un club dynamique, c’est tout un bassin de vie qui entre en mouvement. Le Vallée du Guiers FC travaille ainsi avec les écoles du secteur, organisant tournois, séances de foot et favorisant l’accès au foot féminin dans le cadre de l’appel à projet « Mon euro 2016 ».

Le club, qui s’est affranchi des districts départementaux pour réunir les communes d’Aoste, Chimilin, Granieu, Romagnieu et Saint-Genix, compte un quart de filles parmi ses licenciés. L’engouement vient vraisemblablement de l’exemple du foot féminin lyonnais, les filles de l’OL étant championnes de France. « Ma fille joue depuis deux ans, elle est mordue, indique David Gerbier, un producteur laitier qui a aussi usé ses crampons pendant des années à Chimilin.

Il parle du foot comme des ses « meilleures années », mais depuis qu’il a découvert de foot féminin, c’est autre chose. « Il y a moins de cinéma que chez les hommes et elles jouent de mieux en mieux ». Les filles sont tellement moteur qu’une classe à horaires aménagés (CHA) a été ouverte cette année au collège de Saint-Genix pour accueillir les footballeuses du secteur… et les footballeurs.

 

Les U14 du LCA : le foot féminin a le vente en poupe

Ambiance village

Le club de foot de l’AS Serezin-de-la-Tour a quant à lui créée un centre aéré ouvert à tous en marge de la structure sportive. « Le foot, c’est un rapprochement avec Cessieu, 130 licenciés, soit 10% de la population », rapporte son maire Oliver Chanel qui est aussi vice-président de la Capi en charge des sports.

 

Olivier Chanel, maire de Sérézin-de-la-Tour et vice-président de la Capi en charge des sports.

 

Dans les petits clubs, l’ambiance village et le côté terroir sont souvent recherchés, par les bénévoles comme les joueurs qui sont autant de bandes de copains. C’est le cas du Club de La Bâtie-Divisin où joue Richard Duvert… depuis 30 ans ! « Le vendredi soir, c’est le moment de relâche, indique l’exploitant agricole. Je ne pense plus au boulot et c’est pour ça que je continue encore, pour voir les collègues, jouer en vétéran et partager un bon casse-croûte. »

Il retrouve une équipe soudée depuis des dizaines d’années qui a partagé des moments de gloires. « Nous fêterons les 50 ans du club en juin et nous attendons 300 personnes », poursuit Richard Duvert.

Et sûrement qu’à l’occasion de l’Euro 2016, joueurs et bénévoles se retrouveront dans les locaux du club pour regarder les matchs ensemble. « Dans les équipes d’adultes, 60 à 70% des joueurs viennent de l’extérieur car ils recherchent l’esprit village qu’ils ne trouvent pas dans les grands clubs », confirme l’élu de la Capi.

Petits ou gros clubs, si les Bleus se distinguent lors de l’Euro 2016, leurs dirigeants s’attendent à voir leur nombre de licenciés s’arrondir à la rentrée.

Isabelle Doucet

Le sport isérois en chiffres* :

245 000 licenciés, 3 000 clubs
Les réservoirs de licenciés toutes disciplines confondues : Pays viennois, Capi, Vallons-de-la-Tour, Pays voironnais, agglomération grenobloise, Haut-Grésivaudan, Vercors, et Oisans.
Le foot compte à lui seul près de 31 320 licenciés (chiffre 2016) et le tennis plus de 20 000. A côté, le rugby, c’est environ 6 000.
Le nombre de clubs se réduit en raison des fusions interclubs (245 en 2010).
Toutes disciplines confondues, la répartition homme/femmes s’établit à 60%/40%
Le foot était en 2010 le sport le moins féminisé. Le tiers de ses licenciés est dans la catégorie 21-35 ans. Il y a autant de jeunes que d’adultes licenciés.
(Chiffres de l'étude menée par le Conseil général de l'Isère en 2010, en cours de révision)

 

 

Quand l'Euro finance les équipements

« Un petit bijou ». C'est ainsi que Daniel Chabert, coordinateur du club de foot du Manival*, qualifie le terrain synthétique de Saint-Ismier inauguré en novembre dernier. « Cela faisait longtemps que nous le voulions (depuis 2004), mais aujourd'hui, nous ne sommes pas déçus. Nous avons un très bel équipement ».
L'infrastructure, qui comprend le terrain et son gazon synthétique, le respect des normes handicapés, l'éclairage aux leds, et les gradins, a coûté un million d'euros. Elle a été financé par le Sizov*, le département, la région et la Fédération française de football, qui, anticipant les futures recettes que génèrera l'Euro, a apporté 75 000 euros d'aide.
Le terrain synthétique de foot est utilisé tous les jours par le club du Manival et par le lycée horticole de Saint-Ismier.
Pour le dirigeant, cette installation était devenue une nécessité, pour remplacer l'ancien stabilisé, en complément du terrain en herbe, qui ne peut pas être systématiquement utilisé. « Mais il a fallu composer avec les autres projets à mettre en œuvre, la recherche de financements, le jeu des appels d'offre, les changements d'élus ». Aujourd'hui, Daniel Chabert ne boude pas son plaisir. Les entrainements n'ont jamais autant été fréquentés. Toutes les équipes ont réalisé d'excellentes performances cette saison. Et le nombre de licenciés ne cesse d'augmenter (472 cette année). « Tout est lié. Plus d'entrainements, plus de travail, plus de résultats c'est un engrenage. Le terrain synthétique a créé une nouvelle dynamique ».
Partager
« Quand on parle de terrains de foot, on aborde un vaste débat, tant l'identité des clubs est affiliée à leur terrain », expose Hervé Giroud, vice-président du District de l'Isère. « Cela n'empêche pas qu'il y ait de plus en plus de rapprochement de clubs. Car, financièrement, c'est de plus en plus compliqué. Les fusions de clubs permettent de partager les frais liés à l'entretien des installations », affirme Vincent Saragaglia, du comité de direction du District.
* Le club du Manival regroupe les cinq communes du canton dépendant du Sizov (Syndicat Intercommunal de la zone Verte du Grésivaudan) : Biviers, St Ismier, Montbonnot Saint Martin, St Nazaire les Eymes et Bernin.
IB