Le lait, c'est pas du bidon!

Qu'il est loin le temps où Pierre Mendès-France vantait les bienfaits du lait au point d'en instituer la consommation à l'école ! Depuis, la réputation du précieux liquide a mal tourné. Scientifiques, médecins et spécialistes en tout genre ont mis en cause les mérites du lait et de ses produits dérivés. A en croire certaines controverses, leur consommation pourrait augmenter le risque de pathologies diverses (otites, problèmes respiratoires...), de diabètes (1), de cancer, voire être à l'origine d'une fragilisation osseuse chez les personnes vieillissantes en consommant de grandes quantités (2). C'est oublier un peu vite que les produits laitiers, sources principales de calcium, jouent un rôle-clé dans la constitution et l'entretien du squelette et des dents. « Le calcium est important pendant la croissance, souligne le docteur Diana Cardenas, du service d'hépato-gastroentérologie et nutrition de l'hôpital Antoine Béclère, à Clamart (Hauts-de-Seine). Il permet aussi d'entretenir les os tout au long de la vie. » Le calcium intervient également dans certains phénomènes vitaux comme le renouvellement des cellules, la contraction musculaire, la coagulation sanguine ou la pression artérielle. D'où la recommandation généralement admise d'un apport quotidien de 400 à 500 mg, soit trois produits laitiers par jour.
Trucs qui grattent
L'intérêt des produits laitiers ne s'arrête pas à leur teneur en calcium. Le lait contient en effet des sels minéraux, des oligo-éléments et des vitamines en pagaille. On y trouve du phosphore et du potassium (qui permettent, entre autres, à nos cellules de fonctionner), du sodium, du zinc, de l'iode, du sélénium, du magnésium, des vitamines du groupe B, de la vitamine A et de la vitamine B. Le lait et les produits laitiers sont également riches en « protéines de bonne qualité », indispensables au renouvellement des tissus musculaires et des phanères (cheveux, ongles, poils...), ainsi qu'à la formation osseuse ou à certains processus physiologiques, rappelle le professeur Eric Fontaine, chercheur à l'Inserm (site de La Tronche) et directeur adjoint du centre de recherche en nutrition humaine. Ils contiennent aussi des acides aminés, indispensables au bon fonctionnement de l'organisme. « Si vous avez déjà mangé un vieux comté ou un vieux beaufort d'alpage, explique le professeur Fontaine, ces petits trucs qui grattent, ce ne sont pas des cristaux de sel, ce sont des acides aminés qui cristallisent et qui donnent ce goût salé. C'est parfaitement bon pour notre organisme. » Dans le cas des fromages à pâte dure, ces petits amas d'acides aminés (la tyrosine en l'occurrence), ne signent pas seulement signe un affinage réussi : ils jouent un rôle important au niveau du système nerveux, en permettant de contrôler notamment l'appétit ou le stress.
Diminution des risques cardiovasculaires
Plus surprenant, une étude a récemment montré que les produits laitiers protègent des maladies du cœur, alors qu'ils sont souvent accusés d'augmenter les risques de maladies cardiovasculaires... Réalisée dans trois régions françaises (Lille, Strasbourg et Toulouse) sur une cohorte de plus de 3 000 personnes des deux sexes, l'étude Mona Lisa-Nut (3) met en évidence le fait que la consommation de produits laitiers, associée à un bon équilibre alimentaire (plus de fruits, de légumes et de pain, mais moins d'alcool), est « significativement négativement corrélée au risque d'hypertension artérielle, de dyslipidémie (augmentation du « mauvais cholestérol » ou des triglycérides), de syndrome métabolique, ainsi qu'au risque de décès par maladie cardiovasculaire dans les dix ans qui suivent ». Quant au fromage, que l'on en mange peu ou beaucoup, il n'est pas associé aux facteurs de risques cardio-vasculaires. De toute façon, résume le professeur Fontaine en savoyard assumé, « honnêtement, c'est moins grave de manger du fromage que de fumer ! »
Marianne Boilève
(1) L'ingestion de protéines de lait de vache chez l'enfant semble favoriser le diabète de type 1 (diabète insulino-dépendant) chez les sujets à risque, mais la consommation de laitage (surtout de yaourts) a un rôle « protecteur » contre celui du type 2 (le plus fréquent).
(2) Les résultats d'une étude suédoise publiée en 2014 « pourraient remettre en cause la validité des recommandations » à consommer du lait pour prévenir les fractures liées à l'ostéoporose, mais les chercheurs précisent bien que leurs observations doivent être considérées « avec prudence ».
(3) Monitoring national du risque artériel-nutrition.
Misez sur la variété !

Allergie ou intolérance au lactose ?
Il n'est pas rare d'entendre des convives refuser de goûter un gratin ou un entremets au prétexte qu'ils sont « allergiques au lactose ». Dans la plupart des cas, cette « allergie » correspond en fait à une mauvaise digestion du glucide présent dans le lait (le lactose). « La digestion de ce glucide dépend de la lactase, une enzyme présente dans l'intestin dès la naissance et qui peut diminuer chez certaines personnes avec l'âge », explique le docteur Diana Cardenas, dans La nutrition, 100 questions/réponses pour mieux se nourrir (éditions Ellipses). Cette intolérance au lactose, qui se manifeste par des douleurs abdominales, des ballonnements ou des diarrhées, ne concerne pourtant pas tous les produits laitiers. Comme le rappelle le professeur Fontaine, « le lactose n'existe pratiquement plus dans les yaourts et très peu dans le fromage, du fait du processus de fermentation ». Les yaourts et les produits laitiers fermentés sont en effet mieux tolérés, car les bactéries qu'ils contiennent ont déjà transformé une partie du lactose et continuent de produire de la lactase (qui favorise la digestion du lactose).En revanche, certains individus sont bel et bien allergiques aux protéines du lait, notamment les caséines et la bêta-lactoglobuline. Cette réaction du système immunitaire, qui se manifeste très tôt dans l'enfance et se conjugue souvent avec d'autres allergies alimentaires, disparaît dans 90% des cas entre trois et six ans. Chez l'adulte, l'allergie à la protéine de lait est exceptionnelle.
MB