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Documentaire

Le lait entre déchéance et outrance

Le lait entre déchéance et outrance

Un choix de société est-il facile ? C'est un peu ce que pose comme question le documentaire diffusé par Arte reportage intitulé « Eleveurs, le dernier tabou » samedi prochain. Ce film n'apporte aucune réponse, mais trace à grands traits (un peu appuyés) deux réalités de l'élevage en France : d'un côté, la misère vécue par certaines petites exploitations, qui, depuis la crise laitière de 2009, ne s'en sortent plus. Le documentaire démarre sur l'exemple d'une ferme dans laquelle l'éleveur laissait mourir ses vaches et a fait l'objet d'une intervention des autorités sanitaires pour arrêter le massacre. Mais l'opprobre n'est pas jeté sur l'éleveur que l'on sent un peu perdu, dans une situation qu'il ne contrôle plus. Un autre exemple met en scène une figure iséroise : Max Josserand, appelé à intervenir dans une exploitation dans l'Ain, dans laquelle l'exploitant vit avec soulagement la fin d'un calvaire. Le célèbre maquignon local est dépeint comme une vraie bouée de sauvetage pour des « braves gars », comme il le dit lui-même, qu'il aborde avec toute l'humanité dont il est capable. Même la troisième exploitation laitière en perdition, qui a arrêté à temps, et vend ses bêtes aux enchères, illustre avec perfection tout l'attachement sentimental, l'abnégation que chacun des éleveurs a mis dans son métier, pendant souvent des dizaines d'années, mais qui à un moment donné, coulent à pic. L'émotion d'hommes, bourrus mais sensibles, n'est jamais loin. 

Réussites industrielles

En contrepoint, des exemples de « réussites », sont livrés à la réflexion des télespectateurs : des fermes de 850 ou 1 000 vaches existent et tournent déjà en Allemagne, montré comme le pays champion économique de la production laitière européenne. Ces « exploitations », avec des productions de neuf millions de litres de lait, confinent à la PME industrielle, dans laquelle le dirigeant n'est plus qu'un gestionaire des ressources humaines, tandis que le travail auprès des vaches est réalisé par des salariés, derrière des rototraite d'un débit de 300 vaches à l'heure. Des vaches qui ne sortiront jamais de leur stabulation. Accolé, qui rapporte l'équivalent de deux centimes d'euros par litre de lait, un méthaniseur. 150 000 euros par an annoncé, de quoi assurer un minimum de rentrées financières stable dans cette entreprise. Mais de telles structures basées sur une concentration des élevages et une densité animale importante, restent des systèmes fragiles dans lequel le risque sanitaire est omniprésent. Alors, la Confédération paysanne, filmée lors de son action médiatique dans l'unique ferme de 1 000 vaches en cours de construction en France a-t-elle eu raison ? Présenté comme cela, le documentaire pourrait être pris comme un manifeste en faveur des prises de position de ce syndicat. Mais en réalité, en grossissant le trait, ce reportage pose de vrais questions tant aux acteurs professionnels de la filière, qu'aux consommateurs et aux citoyens. Car on peut toujours mettre en avant des dogmes, mais ils doivent être confrontés aux réalités économiques et sociétales. En quelques mots, Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture pris à partie le rappelle... sans donner de réponse.

« Eleveurs, le dernier tabou » de G. Le Gouil et J.L. Bodinier, Arte reportage, 6 septembre à 18h35. 

Jean-Marc Emprin

Beaucroissant

Quel avenir pour le lait ? 

Venez nous retrouver aux universités de TD, vendredi 12 à Beucroissant, pour une table ronde qui traitera de l'économie des territoires isérois dans quinze ans. La question de la présence de la filière laitière y sera forcément abordée. Le documentaire d'Arte peut nourrir la réflexion de chaque acteur qui se sent concerné par l'avenir de son territoire.
A Beaucroissant le 12 septembre à 15 heures, salle des fêtes au centre du village.