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Filière

Le saint-marcellin creuse son sillon

Les producteurs de saint-marcellin réunit en OP se sont engagés dans plusieurs chantiers, sur les prix, la contractualisation et la valorisation de leur lait.
Le saint-marcellin creuse son sillon

Le prix du lait payé par le consommateur est sept fois supérieur au prix auquel il est acheté au producteur.

C'est sur la base de ce constat que la jeune OP des producteurs de saint-marcellin est allée à la rencontre de tous les acteurs de la filière.

A l'occasion de l'assemblée générale qui s'est tenue à Saint-Marcellin le 14 mars dernier, Jean-Michel Bouchard, président de l'OP fait la démonstration : le saint-marcellin est acheté 35 centimes pièce au producteur pour être revendu environ 1,60 euros pièce, soit 20 euros le kilo.

« A 35 centimes, nous arrivons juste à couvrir nos charges. A 45 centimes, ce serait mieux sans répercussion sur le consommateur. »

Aujourd'hui, les primes ne dépassent pas 30 euros/1  000 litres pour un lait entièrement transformé.

Quel prix pour le lait ?

Discuter, négocier, échanger : l'union, qui réunit des producteurs de l'Isère et de la Drôme, n'a pas ménagé sa peine en 2016.

« Les négociations sur les prix sont très difficiles », déclare Jean-Michel Bouchard.

La grille de l'observatoire des prix pour 2016 va de 274,53 euros de prix de base chez Lactalis SE à 390 euros à la coopérative des Entremonts. Vercors lait paye 340 euros, Danone 296 euros, La Fromagerie Alpine 288,75 euros, La fruitière Domessin 284,50 euros, Valcrest 279,18 euros et Sodiaal 276,72 euros.

Les prix annoncés pour 2017 partent à 309 euros, mais risquent chuter aux alentours de 300 euros au printemps.

Jean-Michel Bouchard souligne la visibilité apportée par la laiterie du Châtelard et la Fruitière Domessin qui lissent leurs prix sur six mois, respectivement à 307 et 310 euros de prix de base. D'un autre côté, il ne perd par espoir « de trouver des partenariats avec la grande distribution ».

Lait cru et bio

Au final, les industriels « se calent sur Sodiaal et s'alignent sur le moins disant », regrette le producteur.

Pourtant, les industriels du secteur, à l'image de l'Etoile du Vercors et de la Fromagerie alpine, semblent s'intéresser au développement du petit fromage sur des gammes de saint-marcellin au lait cru et en bio.

L'Etoile du Vercors devrait même mettre en place une action de sensibilisation auprès des producteurs sur les risques pathogènes. L'idéal serait que l'entreprise consente un effort pour accompagner les producteurs en ce sens.

Le paysage a changé du côté de Valcrest, qui après avoir été absorbé par Eurial vient d'être rachetée par Agrial, une coopérative de dimension nationale implantée dans le nord de la région. La collecte s'établit à 40 millions de litres de lait de vache et 9 millions de lait de chèvre.

 

Jean-Michel Bouchard, président de l'OP saint-marcellin.

 

Ce changement de statut rend incompatible, pour les producteurs laitiers, leur qualité de coopérateur et celle de membre d'une OP.

« Vous resterez invités au CA et à l'AG de l'OP, a insisté Jean-Michel Bouchard. Nous ne sommes pas nombreux, il faut se serrer les coudes. » Il a fortement incité les adhérent d'Agrial à devenir administrateurs de leur nouvelle coopérative.

Contractualisation

Le 1er avril prochain, conformément à la loi Sapin II, les producteurs de saint-marcellin devront avoir établi un contrat-cadre entre leur laiterie et leur organisation professionnelle.

Alors que 80% des producteurs français bénéficient déjà d'un contrat, la pratique est très peu répandue dans le secteur.

« Il est important d'avoir un contrat bien ficelé et juridiquement valable pour avancer », rappelle Jean-Michel Bouchard.

Un groupe de 15 éleveurs travaille à l'élaboration des conditions générales de vente, calquées sur les préconisations de la FNPL.

Elle seront envoyées à la laiterie qui proposera un contrat-cadre, lequel fera l'objet d'une discussion avec les producteurs.

Pour les laitiers, c'est l'occasion de remettre les choses à plat. Les volumes seront négociés entre l'OP et les laiteries, et la répartition effectuée par l'OP.

Les négociations sur les prix tiendront compte à 50% des coûts de production et à 50% du mix produit. La facturation sera à la charge de l'OP.

Isabelle Doucet

 

Développement / Les producteurs de saint-marcellin recherchent d'autres débouchés pour valoriser leur lait.

Un saint-félicien plus gros que prévu

« Depuis l'obtention de l'IGP saint-marcellin en 2013, il reste 40% du lait qui n'est pas valorisé », rapporte Jean-Michel Bouchard, président de l'OP saint-marcellin.
D'où l'idée d'engager un travail sur la possibilité de reconnaissance du saint-félicien, un fromage proche du saint-marcellin et produit localement.
Cette mission a été confiée à Thomas Huver, conseiller FDSEA spécialisé dans la filière lait.
Il a commencé par renconter l'INAO pour définir les lignes du projet, puis fait le tour de toutes les laiteries. « Toutes ne sont pas intéressées, constate Thomas Huver. Deux gros opérateurs se montrent réticents.» Les raisons invoquées sont souvent la crainte d'une superposition des contraintes, ou de logistique. 
En revanche, les représentants du saint-marcellin ont rencontré trois producteurs ardéchois, découvrant que la production de saint-félicien s'étend bien au-delà des départements de l'Isère et de la Drôme. Son périmètre de production est bien supérieur à celui du saint-marcellin.
Que les entreprises s'investissent

« Avec le recul, nous nous apercevons que c'est un projet d'une autre ampleur, presque régional » , indique Thomas Huver.
L'animateur de la FDSEA réunit également une bibliographie pour rassembler des éléments de preuve.
Nul ne sait combien il faudra de temps pour que le dossier aboutisse, mais ceux qui le portent espère qu'au moins la moitié des entreprise s'investisse.
Les obstacles sont encore nombreux, à l'image de cet ancien label rouge qui empêche la superposition des signes de reconnaissance et qu'il conviendra de faire tomber.
En attendant, les producteurs de l'OP saint-marcellin projettent de déposer une marque auprès de l'INPI "Lait du Dauphiné".
Ils sont toujours en recherche de partenaires pour réaliser l'embouteillage. La création d'une chaîne rhônalpine serait dans les tuyaux. Une fois de plus, l'implication des producteurs est attendue.