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Veau de Pentecôte

Le veau fait recette

Lancée il y a quelques années par l'interprofession bouchère, le veau de Pentecôte n'a pas encore trouvé sa place dans le calendrier des traditions culinaires. Sa production n'en requiert pas moins une grande technicité.
Le veau fait recette

« Le veau de Pencôte ? Ça s'est un peu perdu. Ce qui fait beaucoup, c'est quand il y a la pub à la télé. Si les clients ne voient pas "Bravo, le veau!", ils zappent. » Comme nombre de ses collègues, Stéphane Miège, boucher à Echirolles, n'a plus de demande pour la Pentecôte depuis quelques années. Car, loin d'être une tradition comme l'agneau pascal, le veau de Pencôte ne répond à aucune consigne religieuse particulière : ce n'est qu'une belle opération de promotion montée par l'interprofession bouchère à la fin des années 90 pour relancer la consommation de viande de veau. Pourquoi à la Pencôte ? Parce qu'un dicton populaire voudrait qu'« à la Pentecôte, le veau perd une côte ». On lit ça et là qu'autrefois, la plupart des veaux naissant à la fin de l'hiver, ils étaient abattus trois ou quatre mois plus tard ; le marché se trouvait alors saturé, d'où une baisse des cours. Difficile de faire la part des choses entre la fable et le fait historique. La seule certitude, c'est que certains esprits avisés en ont profité pour fabriquer une nouvelle tradition gastronomique à grand renfort de marketing.

Renaissance gourmande

En soi, cette « renaissance gourmande », comme la qualifie les promoteurs de l'opération cette année, n'a rien de choquant. Elle permet au contraire de mettre un coup de projecteur sur une filière à la peine, en dépit d'un savoir-faire reconnu. En France, l'élevage de veaux de boucherie occupe près de 6 000 éleveurs, essentiellement concentrés dans six régions (1), dont 150 dans le secteur rhônalpin. Mais les éleveurs ne conduisent pas tous leur atelier de la même façon. Entre celui qui produit lui-même ses veaux de lait et celui qui travaille pour un intégrateur, les contraintes et les modes opératoires sont sensiblement différents.

Pour être commercialisés comme tels, les veaux doivent recevoir pendant une période de cinq à six mois, date moyenne de leur abattage (2), une alimentation à base de lait et de produits laitiers, avec un complément de fibres végétales. « Pour faire un joli veau bien blanc, c'est beaucoup de travail et ça demande un réel savoir-faire », explique Cédric Miège, qui élève des bêtes pour la boucherie de son frère, mais fait venir ses veaux du Limousin car « produire du veau, c'est un vrai métier ». Propos confirmé par Bruno Mouret, éleveur de blondes d'Aquitaine à Pierre-Châtel, qui a produit un excellent veau de lait pendant plus de quinze ans. « J'ai cessé la production l'an dernier parce que cela représentait trop de travail et trop d'astreintes : j'étais sur deux sites et je n'arrêtais pas de courir, raconte l'éleveur. Faire du veau, c'est intéressant et ça peut être très rentable, à condition de ne pas le faire avec n'importe quoi ni n'importe comment. » Et Bruno de détailler l'extrême technicité de l'atelier, depuis la sélection du veau à la naissance pour « obtenir un beau rendement à la découpe », jusqu'à la maîtrise du sanitaire, en passant par la traite des vaches et la distribution du lait entier aux veaux, deux fois par jour, cinq à six mois durant. 

Cahier des charges précis

Un travail sensiblement différent de celui d'un éleveur sous contrat avec un intégrateur comme les frères Drevon. « Nous achetons les veaux à dix jours et les mettons en pension chez des éleveurs pendant 140 jours », explique René Drevon, fondateur de l'entreprise familiale qui produit environ 1 300 veaux par semaine. Triés par grosseur, les veaux sont mis en place le même jour dans les fermes (une centaine en Rhône-Alpes, dont une quarantaine en Isère) et élevés en semi-liberté, sur paille, par lots de 50 à 400 animaux selon les exploitations, en respectant un cahier des charges bien précis. L'entreprise fournit l'alimentation (poudre de lait, paille hachée et céréales floconnées), effectue un suivi régulier et rémunère les éleveurs de 80 à 110 euros par tête (3).

L'entreprise Drevon est leader régional du veau en intégration. 
(Crédit :  Drevon)

Si la « méthode Drevon » n'a rien à voir avec l'élevage intensif ou industriel, elle n'en est pas moins étudiée pour permettre à l'entreprise de maîtriser ses coûts et s'assurer d'importants débouchés dans « de nombreuses enseignes de distribution » qui profitent de la Pencôte pour organiser des opérations de promotion sur le veau. « Ça représente un petit pic d'activité pour nous », reconnaît René Drevon qui a encore vendu 400 bêtes à Intermarché il y a quelques jours. Le marché est tendu, mais comme la filière est très bien organisée, les cours se maintiennent. « Ce qui constitue notre force, c'est que nous ne produisons que ce que nous vendons », indique Eric Chavrot, président de Dauphidrom qui, avec Sicarev, est l'un des plus gros acteurs du marché français. Ce qui ne l'empêche pas de redouter la concurrence des intégrateurs venus d'Europe du Nord.

Petits ou gros, locaux ou nationaux, les intégrateurs ne courent cependant pas dans la même catégorie que les éleveurs qui fournissent du « haut de gamme » pour la boucherie traditionnelle. « Un veau de lait bien élevé, c'est du pur, c'est du lourd, assure Cédric Miège. Nous, on tue du limousin à 180 kg. Là, vous avez du veau avec un gros filet, de beaux morceaux. C'est le produit de l'année d'une vache. Du haut de gamme. Une fois que vous y avez goûté, vous ne voulez plus manger autre chose ! » Ce n'est pas le même prix non plus...

Marianne Boilève

(1) Bretagne, Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, Pays de la Loire, Auvergne-Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.

(2) Au-delà, les bêtes ne sont plus considérées comme veaux.

(3) La rémunération tient compte du travail et des charges de l'éleveur (eau, électricité, paille...).

Petit grill entre amis

Poêlée, rôtie ou préparée au barbecue, la viande de veau se prête à toutes les fantaisies culinaires. Seul impératif : ne pas trop la faire cuire. En effet, en dehors des plats mijotés (sauté, blanquette, osso-buco, paupiettes...), le veau ne supporte pas la sur-cuisson. « Il doit être servi rosé pour préserver sa chair moelleuse et savoureuse, sauf bien sûr dans les quelques recettes où il est confit, mais ce type de recette est moins printanier », explique David Toutain, jeune chef parisien récompensé d'une étoile au Michelin en 2015. Pour réussir une côte ou un tendron de veau au barbecue par exemple, il est conseillé de placer le morceau de viande au centre de la grille, installée en position basse, afin de le saisir : c'est ainsi qu'une belle croûte se forme et protège la viande d'une chaleur trop forte. La cuisson se poursuit à la périphérie de la grille, où la chaleur est moins intense, ou en remontant la grille en poisition haute. Bon appétit!

 

Recette
Saltimboccas de veau à l'huile de sauge
Pour 4 personnes
Préparation 10 minutes
Cuisson : 20 minutes
4 escalopes de veau de lait pas trop épaisses
4 tranches fines de jambon cru
8 grandes feuilles d’épinards
12 feuilles de sauge
5 cuil. à soupe d’huile d’olive
Sel et poivre
Préchauffer le four à 180 °C (Th. 6).
Laver les feuilles d’épinards et les équeuter, laver les feuilles de sauge et les sécher.
Etaler les escalopes, recouvrir chacune d’elles d’1 tranche de jambon et de 2 feuilles d’épinard, les rouler sur elles-mêmes et les ficeler.
Faire chauffer 2 cuil. à soupe d’huile d’olive dans une poêle et colorer les rouleaux de veau à feu vif, les saler et les poivrer. Les placer dans un plat allant au four et les cuire 20 minutes au four en les arrosant régulièrement avec le jus de cuisson.
Pendant ce temps, faire chauffer le reste d’huile d’olive avec les feuilles de sauge et, dès qu’elles commencent à colorer, couper le feu et les laisser infuser dans l’huile.
Badigeonner les saltimboccas de veau d’huile à la sauge, les couper en 4 et les servir décorées avec les feuilles de sauge frites et accompagnées de pâtes fraîches.