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Restauration collective

Les cantines à l'heure du bio et du local

Pour mettre plus de bio et de local dans leur restauration collective, des élus de la Capi et des Vals du Dauphiné sont allés à la rencontre de ceux qui font le lien avec les agriculteurs locaux.
Les cantines à l'heure du bio et du local

« Les haricots verts bio, ce ne sont pas les mêmes. Pour la semoule, les pâtes, on ne voit pas de différence, en revanche, sur les légumes, ça se sent vraiment »,

constate Thérèse Manuzzi, agent de la cantine, qui a préparé pendant 20 ans les repas aux écoliers de Rochetoirin.

Depuis quatre ans, la restauration scolaire a été confiée à un prestataire extérieur, mais la responsable de cantine veille au grain.

Et puis la mairie s'est fait accompagner par la chambre d'agriculture de l'Isère et l'Adabio pour l'introduction de légumes bio et locaux en restauration collective.
Que ce service soit en gestion directe ou concédée, la qualité de la restauration collective relève souvent de l'exercice d'équilibriste pour les collectivités.
« C'est fade, c'est cuit à l'eau, cela n'a pas de goût », se désole ainsi Chantal Poulet, deuxième adjointe à la vie scolaire à Saint-Didier-de-la-Tour, qui cherche « à faire mieux ».

Qualité et proximité

Au moment de renouveler les appels d'offres, les élus en profitent pour interroger les bénéficiaires sur leurs attentes et trouver le prestataire capable de composer une assiette qui satisfait aux exigences de qualité, au goût des enfants et au budget de la collectivité et des parents.
Ces réflexions sociétales trouvent un écho dans la loi sur l'équilibre dans le secteur agricole et alimentaire, qui prévoit que, d'ici 2022, 50% des produits soient issus de l'agriculture biologique ou répondent à une démarche de développement durable.
« L'objectif de 50% est difficile à atteindre, nous ne sommes pas encore à 20%, mais nous travaillons sur la qualité et la proximité », détaille Jean-Charles Gallet, maire de Saint-Victor-de-Cessieu et vice-président des Vals du Dauphiné à la stratégie durable.

« C'est un territoire riche de productions, il faut développer ces filières »

Dans cette commune, 170 repas sont servis au quotidien et le maire assure que seule une gestion rigoureuse permet de s'inscrire dans une démarche de qualité.

La cuisine en gestion directe permet d'asseoir cette ambition. Pour trouver des producteurs locaux, la mairie fait appel à la plateforme Recolter et aux centrales d'achat capable de proposer du bio.

« Nous travaillons aussi avec de nombreux producteurs bio et locaux de la région, précise le maire. C'est un territoire riche de productions, il faut développer ces filières. »

Si les producteurs « jouent le jeu », de l'autre côté de la chaîne, il importe également que les enfants soient sensibilisés au « bien manger ».

« La nourriture, c'est de l'éducation pour nous », explique Charles Gallet qui a fait du bien-être à l'école une question politique.

 

Dominique Cailleboue, responsable cuisine à La Tour-du-Pin et Jean-Charles Gallet, maire de Saint-Victor-de-Cessieu et vice-président des Vals du Dauphiné

 

Pour contenir les coûts matière, la mairie travaille aussi sur le « non-déchet ». « Nous travaillons à la portion. Les enfants mangent à volonté mais de petites portions ».

Les autres pistes de réflexion sont l'introduction de protéines végétales ou la réduction du nombre de plats « pour mieux investir dans la qualité ».

Il estime cet « effort social » à 30 000 euros pour cette collectivité de 2 200 habitants.

Un peu plus pour mieux

« Nous avons réalisé un sondage auprès des parents, qui étaient assez partants pour payer un peu plus pour avoir mieux », explique Chantal Poulet.

A Saint-Didier-de-la-Tour, le ticket de cantine coûte 3,25 euros, ce qui en fait un des prix les plus bas de la communauté de communes.

Le village de 2 056 habitants connaît une certaine pression démographique et la population est de plus en plus sensible à la question de la production locale.

Il faut dire que la Ferme de la Cassole, récemment passée en bio, fait figure de vitrine en organisant un marché de producteurs tous les vendredis après-midi, lequel attire beaucoup de monde.

« Il y a des choses à faire », déclare l'élue tout en reconnaissant que la route est encore longue. « Pensez, cinq enfants sur dix ne connaissent pas le concombre. »

Si elle participe à ces journées d'échange sur l'approvisionnement bio et/ou local organisées par les communautés de communes des Vals du Dauphiné et de la Capi, c'est « pour en savoir plus. J'aimerais trouver un prestataire qui fait un peu plus de bio et un peu plus de local, au moins une fois par semaine ». Tout simplement.

Sans plateforme, pas de lien

« Il existe trois plateformes en Isère, qui sont Isère A saisonner, Mangez Bio Isère et Récolter. Elles sont les seuls interlocuteurs en charge de la gestion des approvisionnements, des démarches administratives et de la logistique. Elles représentent une vraie opportunité car beaucoup de départements ne sont pas structurés et maillés de cette façon. C'est un élément facilitateur dont il faut se saisir, déclare Nicolas Giotto de l'Adabio. Sans plateforme, il n'y a pas de lien entre les agriculteurs et la restauration collective. »

Autre avantage souligné par le chargé de mission : les sociétés de restauration collectives (SRC) connaissent très bien ces plateformes qui peuvent répondre à de petites commandes.

Et le champ des possibles est très large en Isère où les productions sont diversifiées.

Or, l'Adabio pointe plusieurs freins : la rédaction des appels d'offres, le manque de cohérence entre les objectifs des communes et leur budget, et aussi, la faible visibilité de l'offre locale.

Il donne quelques conseils, à l'image de l'accompagnement de la commune de Rochetoirin, pour s'assurer de prestations satisfaisantes en gestion concédée : un cahier de charges descriptif ; une homogénéisation et une massification de la demande (au besoin en mutualisant avec d'autres communes) et la prévision de modalités de contrôles.

Des marchés de gré à gré

En gestion directe, ce qui est le cas de La Tour-du-Pin dont la cuisine confectionne 10 000 repas par an, les conseillers préconisent de se rapprocher du groupement d'achat Erea Vaucanson qui connaît bien l'offre locale et permet de réaliser des économies d'échelle.

Pour éviter de passer par des appels d'offre, les collectivités peuvent aussi diviser les lots et passer des marchés de gré à gré sur trois ans.

Les conseillers ont effectué quelques simulations pour introduire davantage de produits locaux et bio dans les repas servis aujourd'hui avec pour résultat un gonflement de la facture.

Alors d'autres pistes sont là aussi étudiées comme la gestion des déchets ou un service plus individualisé en fonction des publics.

« C'est une question de volonté politique », insiste Nicolas Ghiotto.

Relocaliser les flux

Mélanie Hovan, conseillère à la chambre d'agriculture de l'Isère, souligne l'intérêt de l'introduction du bio et local dans la restauration collective en tant que moteur de la relocalisation des flux agricoles sur un territoire, de contribution au maintien et à l'installation d'agriculteurs et de renforcement de l'activité des plateformes comme Recolter ou Mangez bio Isère.

Surtout, elle suggère aux collectivités de ne pas opposer agriculture biologique et conventionnelle, considérant que toutes les exploitations sont dans des démarches de progression.

Elle précise aussi combien la définition d'un produit local peut diverger entre un fournisseur, qui s'inscrit à l'échelle de la France, et les opérateurs locaux qui considèrent un rayon de 80 km. Enfin, elle rappelle que circuit court signifie qu'il y a un intermédiaire maximum, sans considération géographique.

Isabelle Doucet
Plateformes

« 70% de nos approvisionnements viennent de l'Isère »

Au cœur du dispositif d'approvisionnement de la restauration collective, les plateformes iséroises Mangez bio Isère, Isère A Saisonner ou Récolter ont su se créer une place incontestée sur le segment du bio et/ou du local.
Lorsque Lydéric Motte, le directeur de Mangez bio Isère, rappelle les chiffres de l'entreprise, ils sont exponentiels.
Créée il y a 12 ans, la plateforme installée depuis deux ans au MIN réalise 4 millions d'euros de chiffre d'affaires pro forma et échangera près de 1 000 tonnes de marchandises en 2018. 
« 70% de nos approvisionnements viennent d'Isère, le reste, des départements alentour »
, explique le responsable.
Une concurrence positive
Si Mangez bio Isère évolue dans un créneau spécifique, il n'en demeure pas moins en concurrence sur les appels d'offres en matière de restauration collective.
« Nous avons de réelles contraintes tarifaires », explique Lydéric Motte. De sorte que la plateforme a fait le choix de proposer un prix de vente par produit, même s'il y a plusieurs fournisseurs par référence.
Les frais de structure (collecte, logistique, livraison, administration) représentent 18% du prix de vente.
Les produits transitent dans les locaux du MIN dans les chambres froides ou les entrepôts.
l'origine des produits : une information essentielle pour les élus et les gestionnaires de restauration collective.

Désignant un pochon de compote en vrac, le directeur de Mangez Bio Isère souligne combien les unités de transformation locales sont indispensables à la cohérence de filières bio et locales.
Les clients de Mangez bio Isère sont à 60% des établissements scolaires. Sur les marchés publics, la ville de Grenoble, avec ses 10 000 repas par jour, est le premier client de la plateforme, mais aussi tous les collèges de l'Isère et de nombreuses cuisines centrales, les plus importantes comme les plus modestes.
« Avec les lycées, c'est plus compliqué », constate le directeur.
Le marché se développe doucement avec les crèches, notamment celles de Grenoble qui sont livrées à vélo.
La structure traite aussi avec la restauration concédée. « Il y a une concurrence positive entre les prestataires, une émulation qui passe par le bio et le local », déclare Lydéric Motte.