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Collectivités

Les communes face aux limites de la loi Notre

Près d'un millier de maires et leurs adjoints des communes de l'Isère étaient réunis en congrès samedi à La Tour-du-Pin. Au cœur de ce temps fort de la vie des collectivités, l'application de la nouvelle organisation territoriale fait débat.
Les communes face aux limites de la loi Notre

L'Isère et ses 521 communes est-elle un département vertueux au regard de la réforme territoriale et de son dernier volet, la loi Notre ?

Pour le préfet, Lionel Beffre, « il reste une marge de progression en Isère » et il estime qu'il « reste des fractures de territoires qui justifient la poursuite de l'action commune ».

Les EPCI* à fiscalité propre sont passés de 29 à 19 et le représentant de l'Etat souligne la création de Vienne Condrieu Agglomération depuis le 6 octobre dernier, la deuxième communauté de communes interdépartementale du département.

Mais, depuis le 1er janvier 2015, seules onze communes nouvelles ont vu le jour. Et il n'existe qu'un dossier de fusion pour 2017, celui des communes d'Ornacieux et Balbins.

 

Qui est prêt à étudier l'idée d'une fusion ?

 

Lorsque Daniel Vitte, le président de l'association des maires de l'Isère a posé la question à ses homologues réunis en congrès samedi dernier à La Tour-du-Pin, ils étaient plusieurs dizaines à se dire « prêts à étudier la chose ». « Oui, mais pas n'importe quelle fusion », s'est aussitôt ému un maire dans la salle.

Adapter au nouveaux modes de vie

Car se pencher sur la question du « Paysage isérois avec la loi Notre », c'est un peu ouvrir la boîte de Pandore.

Transfert des compétences, développement des EPCI, regroupements communaux, révision des schémas départementaux de coopération intercommunale, la nouvelle organisation territoriale de la République serait pourtant la nécessaire « adaptation des intitutions aux nouveaux modes de vie », selon  Didier Locatelli, le directeur du cabinet de conseil en études marketing et communication New Deal à Grenoble. Il s'agit notamment « d'adapter l'organisation territoriale à la métropolisation » et non l'inverse.

La pierre d'achoppement, pour les élus de terrain, c'est bien entendu la ressource.

Michel Rival, maire de Nivolas-Vermelle s'inquiète : « Comment avoir une assurance et une action sur ces ressources ? » Il cite en exemple la taxe professionnelle et la taxe d'habitation. « Les élus n'auront plus la main dessus ».

 

Michel Rival, maire de Nivolas-Vermelle.

 

Autant de sujets sur lesquels le gouvernement sera interpelé via l'Association des maires de France (AMF).

« Les collectivités sont mises en tension avec des demandes de plus en plus importantes et une baisse des recettes, confirme Rémi Le Fur, enseignant chercheur du laboratoire Pacte de l'université Grenoble Alpes. Ce qui pose la question de la pérennité du modèle. Faut-il accroître la contribution par habitant à l'action publique ? »

Il cite l'exemple du covoiturage comme une forme d'évolution de l'action publique en milieu rural portée par les habitants.

Le bon périmètre

Un brin iconoclaste, Didier Locatelli déclare que « l'Etat dote assez généreusement les territoires ». Il pointe la clause de compétence générale, source de redondances et de dépenses publiques.

Il explique que les communes ont encore dans leurs caisses 100  milliards d'euros. « Il existe donc des ressources pour continuer à développer les territoires en matière de services et de politique de solidarité sans être dans l'accroissement de la dépense. » Un message qui passe difficilement auprès des élus des petites communes. Le consultant confirme que ce sont les plus grosses communes qui se montrent le plus dépensières.

Les débats ont largement porté sur la recherche du bon périmètre pour engager une action territoriale cohérente. Une quête sans fin, selon les experts, qui conseillent « des réponses plus souples comme les partenariats pour gérer les enjeux périphériques à l'intercommunalité ».

Didier Locatelli voit dans la commune nouvelle une possible réponse pour l'avenir des communes. Avec un constat : les extensions des périmètres intercommunaux abaissent le pouvoir des villes-centre. En tous les cas « il n'y a pas de réponse simple à des situations complexes », rappelle Rémi Le Fur. 

« On a l'impression d'éloigner la proximité », regrette Daniel Vitte. Et si l'Isère est restée frileuse dans sa recomposition intercommunale, c'est peut-être parce que les élus ont mesuré les limites et certaines incohérences du système ainsi que l'absence d'économie d'échelle.

Isabelle Doucet

*EPCI :  établissement public de coopération intercommunale

 

Discours / Le président du département et le préfet de l'Isère ont fait des allocutions très attendues des élus isérois.

« Ce qui compte, c'est le service au citoyen »

Jean-Pierre Barbier, le président du département de l'Isère a pointé devant les 900 élus réunis à La Tour-du-Pin, certaines conséquences de l'application de la loi Notre à l'échelle du département. Ainsi, le transfert de la compétence transport à la région oblige le département à se défaire de la SEM VFD et de ses 400 salariés : une opération complexe avec des conséquences humaine peu anticipées.
Il souligne l'importance de la qualité des relations entre collectivités pour poursuivre toute action de proximité.
Le département de l'Isère consacre ainsi un budget de 8,5 millions d'euros pour le développement de l'agriculture et 20 millions d'euros dans l'économie en dépit du transfert des compétences à la Région.
« Ce qui compte, c'est le service au citoyen », insiste-t-il. Au-delà des grandes métropoles, c'est dans la mise en œuvre de sa politique de solidarité territoriale que le département permet aux territoires interstitiels de fonctionner encore.
Le président du département a défendu ardemment les collectivités locales « qui doivent voter des budgets à l'équilibre entre ressources et dépenses », qui sont « capables de faire des économie, car (nous sommes ) responsables ».
Le président du département et les conseillers départementaux élus communaux.

Il s'inquiète de la suppression des clauses de financement d'urgence dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018 et du risque de mise en difficultés des départements vertueux comme l'Isère, en raison du principe de péréquation horizontale, qui impose la solidarité avec les départements en difficulté.
Autre sujet sensible, celui de la protection de l'enfance. « Comment faire pour qu'il n'y ait plus personnes dans la rue en décembre ? On ne peut pas donner de contraintes aux collectivités sans leur donner les moyens de répondre. »
Dégel
Pour le préfet de l'Isère, Lionel Beffre, il y a « urgence à rationaliser l'organisation territoriale ». La prochaine étape sera le transfert de la compétence milieux aquatiques et prévention des inondations vers les syndicats ou les EPCI.
Il a incité les collectivités à poursuivre leurs efforts dans la réduction des dépenses de fonctionnement.
En ce qui concerne les investissements, le fonds de soutien à l'investissement public local (FSIL) s'élève en Isère à 13,6 millions d'euros en 2017.
Quant à la DETR*, elle est portée à 11,3 millions d'euros en direction des zones rurales.
Le préfet a aussi déclaré que « gel des crédits ne veut pas dire suppression » et que la fin de l'année serait une période de « dégel » pour « compléter les programmes lancés en 2017 ».
Il souligne d'ailleurs que l'Isère a signé dix contrats de ruralité, dotés de 4,2 millions d'euros.
Par ailleurs, hormis les 40 000 emplois promis en France pour pallier la suppression de plus de 150 000 emplois aidés, Lionel Beffre préconise de recourir à la main d'œuvre que représente le service civique « encore timide en Isère », qui favorise l'insertion sociale des jeunes de 16 à 25 ans.
Enfin, sur l'épineuse question des aires d'accueil des gens du voyage, il a rappelé qu'un schéma serait achevé début 2018, destiné à rendre fluides les aires qui ont été utilisées pour la sédentarisation. La solution passera forcément par la recherche de nouvelles aires (de passage ou de sédentarisation).
ID
*DETR : dotation d'équipement des territoires ruraux