Les députés ont voté l'interdiction des néonicotinoïdes

Les députés ont voté, dans la soirée du 17 au 18 mars, un amendement au projet de loi sur la biodiversité en deuxième lecture introduisant l'interdiction des néonicotinoïdes à partir du 1er septembre 2018. Le débat dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale aura duré plus de deux heures. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, explique qu'un arrêté fournira « des réponses concrètes aux exploitations agricoles confrontées à la brusque apparition d'un ravageur ». Cette interdiction devrait soulever de nouveau des débats lors de la deuxième lecture au Sénat du projet de loi biodiversité. De fait, les sénateurs avait déjà supprimé l'interdiction en première lecture.
« Position ambitieuse »
« Je suis satisfaite que les débats sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, (...) aient pu aboutir à une position ambitieuse », a réagi Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie, au lendemain du vote en deuxième lecture du projet de loi biodiversité. L'objectif de protéger les abeilles est aussi porté par le ministère de l'Agriculture, mais le débat sur l'interdiction des néonicotinoïdes divise au sein du gouvernement. Car le ministre de l'Agriculture estime, dans un courrier adressé aux parlementaires quelques jours auparavant, que cette interdiction « doit se conduire (...) au niveau européen, et en tenant compte des alternatives agronomiques disponibles ».
Pour le ministre de l'Agriculture, « l'urgence est désormais l'évaluation des solutions de substitution au regard de leur efficacité pour la lutte contre les ravageurs ». Opposé à une interdiction « brutale » au 1er janvier 2017, le ministre a considéré que le report à 2018 permettra d'évaluer les alternatives. Ainsi, il a saisi « dès aujourd'hui l'Anses à cet effet ». Sur la base de cet avis, la France saisira la Commission européenne « afin que les restrictions éventuelles puissent s'appliquer dans l'ensemble de l'UE ».
Décision absurde
Du côté des professionnels, les réactions n'ont pas tardé. « Contre l'avis du gouvernement, les députés viennent de voter (...) l'interdiction (...) des néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018. Pour l'AGPB, l'AGPM, la CGB et la FOP, cette décision est absurde, dramatique et contre-productive », indique un communiqué en date du 18 mars. La mesure vient « handicaper » les agriculteurs concernés en « créant une nouvelle source de distorsion de concurrence face à leurs voisins européens ». Le même jour, la FNSEA s'interroge : « Où sont les engagements de Manuel Valls du 3 septembre réitérés le 17 février de règles similaires entre les producteurs français et les autres producteurs européens ? » Coop de France s'est aussi positionnée de ce côté du débat et « déplore vivement » la décision des députés. Les sénateurs doivent encore examiner en deuxième lecture le projet de loi sur la biodiversité. Les représentants des grandes cultures en appellent aux sénateurs pour « revenir (...) à la rédaction équilibrée et pragmatique qu'ils avaient su trouver sur ce sujet ».
L'UFS (union française des semenciers) considère pour sa part que la recherche et le développement « ne pourront aboutir à de nouvelles solutions efficaces (...) qu'elles soient biolgogiques ou génétique, d'ici le 1er septembre 2018. » Par ailleurs, l'UFS a rappelé que cette interdiction « n'est pas la solution au déclin de populations d'abeilles, qui est un phénomène multifactoriel ». L'organisation espère que les sénateurs reviendront sur cette interdiction lors de la deuxième lecture qui doit avoir lieu avant l'été.
Soutenir les alternatives
Seules la Confédération paysanne et l'Union nationale de l'apiculture française ont pour l'instant fait part de leur satisfaction. « Cette décision doit être le signal d'un changement d'axe des politiques publiques en direction d'une véritable agroécologie paysanne », a déclaré le syndicat agricole minoritaire, le 18 mars, qui rappelle que les alternatives existent : « Il faut mettre en place une politique de soutien à leur développement ». L'Unaf (syndicat apicole) a pour sa part souligné que « c'est une vraie satisfaction, mais pas une victoire ».
Source : Agra