Les éleveurs bientôt dépassés par la demande

L'engouement des consommateurs pour le lait bio pourrait dépasser, cet été, les capacités de la production française. C'est ce que craignent les éleveurs français et les observateurs de la filière. La faute aux nouvelles conversions à l'agriculture biologique qui, ces dernières années, ne sont plus assez nombreuses pour faire face au dynamisme du marché du lait bio. « De 2012 à 2014, il y a eu un ralentissement des conversions, qui s'est ressenti sur la progression de la collecte en 2014-2016 », explique Laurent Faurray, chargé de mission à l'interprofession laitière (Cniel). En 2014, la collecte de lait avait tout de même progressé de 7,7 %. Mais l'année était exceptionnellement favorable à la pousse de l'herbe, sur laquelle repose particulièrement la production laitière bio, très herbagère. En revanche, en 2015 et 2016, la collecte de lait bio ne devrait progresser que de 2 % par an, prévoit le Cniel. C'est insuffisant pour satisfaire la croissance du marché du lait bio. En effet, en janvier et février, la consommation de lait bio pour le beurre et le lait conditionné a progressé de 8-9 % (en volumes), de 12 % pour la crème, 6 % pour le fromage – seul l'ultra-frais recule. De là à dire qu'il n'y aura pas assez de lait bio français en 2015, il y a un pas.
Une progression en escalier
Les éleveurs craignent que le déficit ne ralentisse le développement des ventes de lait bio : « La bonne dynamique du marché va être freinée : le transformateur ne trouvera pas les volumes suffisants, et les produits seront moins mis en avant dans les rayons », regrette Patrice Lefeuvre, président de Lait bio de France (association de groupements de producteurs). La filière redoute par-dessus tout une croissance « en escalier », durant laquelle se succèdent périodes de surplus et de déficit. « Le développement de la bio sera d’autant plus fort qu’il sera régulier », estime Patrice Lefeuvre. « C’est dommageable, mais les éleveurs se tournent vers la bio quand il y a une crise. Depuis 2000, la production progresse toujours en escalier, et ça nous dépite un peu », confie Éric Guihery, secrétaire national lait à la Fnab. Si des tensions apparaissent sur le marché, cela ne devrait pas intervenir avant l’été : la période printanière est favorable à la pousse de l’herbe, mais la période estivale devrait jouer un rôle de révélateur. Les consommateurs français ne sont d’ailleurs pas les seuls à apprécier le lait bio : « La coopérative danoise Arla a annoncé récemment qu’elle recherchait 250 millions de litres de lait bio supplémentaires dans les deux ans à venir (soit l’équivalent de la moitié de la collecte française en 2014, ndlr), pour approvisionner le marché asiatique », rapporte Karine Sidler, vice-trésorière de Lait bio de France.