Les élus isérois crient au loup

Il y avait foule dans la petite salle du conseil municipal de Saint-Pierre-de-Chérennes jeudi dernier en début d'après-midi. Les maires des communes alentour* avaient convié les éleveurs pour leur assurer de leur soutien et pour envisager ensemble des solutions.
Alors que les attaques se poursuivent dans le Trièves, les Coulmes dans le Vercors sont à leur tour le théâtre d'agressions de la part du loup. La bête a même été vue au petit matin par Jérôme Mure-Ravaud, polyculteur-éleveur à Presles.
Mais c'est chez sa voisine, Florence Sirand-Pugnet, elle aussi éleveuse de brebis à Presles, que le prédateur a commis de gros dégâts : 14 bêtes tuées en trois jours. Réunion d'urgence donc, mais pour faire quoi ?
Risque aux personnes
Organisée par le vice-président du conseil départemental Bernard Perazio, la réunion a débuté par un temps d'échanges où les élus ont pu prendre la mesure du caractère récurrent des attaques de loups depuis une poignée d'années.
Bernard Perazio s'est donné pour mission « d'être facilitateur » et « d'alerter l'administration ». Il espère « obtenir des tirs d'abattage sur des bêtes qui n'ont rien à faire avec l'activité humaine. Nous avons le choix : maintenir la présence de cette espèce sur le secteur et transformer le Vercors en zoo ou bien considérer que l'activité humaine passe avant et qu'il est urgent de stopper ce type de prédateur.»
Le vice-président du Département a souhaité rencontrer le préfet à ce sujet. D'autant que les dossiers s'accumulent sur le bureau du représentant de l'Etat : Chichilianne, Gresse et maintenant Presles.
« Nous ne sommes plus sur les hauts plateaux du Vercors, mais le loup est proche des zones habitées, sur des routes que fréquentent les transports scolaires », reprend l'élu départemental. Il souhaite « changer le niveau du débat ».
« La problématique n'est plus au niveau de la question de la biodiversité, mais il y a risque d'atteinte aux personnes. Le maire est responsable de la sécurité publique de sa commune. C'est la raison pour laquelle nous allons prendre des arrêtés en mairie ». Les élus s'accompagneront de juristes pour la formulation d'un arrêté type commun afin de rendre leur décision inattaquable en justice. L'esprit est celui de la prévention des risques aux personnes.
Mobilisation des maires
Dans la semaine, le président de la communauté de communes de la Bourne à l'Isère, au nom des élus du conseil communautaire, avait demandé au préfet et aux services de l'Etat de prendre « toutes les mesures permettant d'assurer la protection du cheptel ovin, y compris par dérogation aux directives du plan loup ». Les élus réclamaient également « une gestion fine de la population des loups (...) indispensable au maintien de l'élevage en alpage, seule alternative à l'élevage intensif. »
Les maires ont également décidé de se rapprocher de leurs homologues du Trièves et des communes des Villard en Oisans, très mobilisés sur la question du loup, qui organisent les rencontres européennes du loup, le 19 août en Belledonne.
Isabelle Doucet
* André Romey maire de Saint-Pierre-de-Chérennes, Michel Villard maire de Presles, Jean-Yves Pillet, maire de Malleval-en-Vercors et Gérard Guillet, adjoint à Saint-André-en-Royans
Après l'attaque
« Moi, je n'ai pas pu »
« Lorsque je suis montée vendredi dernier (ndlr 4 juin) j'ai vu une brebis vivante, qui portait des morsures et des griffures. Elle ne tenait plus debout, raconte Florence Sirand-Pugnet, éleveuse de brebis à Presles. Plus loin, il y avait des cadavres, un dévoré, un égorgé et un sur lequel il manquait un gigot. Le garde de l'ONCFS les a comptées, il y avait onze brebis. Lorsqu'il est monté l'après-midi, il y avait déjà les vautours qui avaient attaqué les cadavres ».
L'exploitante est épuisée, elle raconte que depuis les attaques, elle ne fait « que ça », surveiller ses brebis.
« Le loup est revenu dans la nuit de samedi à dimanche et a encore prélevé deux brebis, puis une dans la nuit de dimanche à lundi. Depuis, je les rentre dans la bergerie tous les soirs. Mais elles mangent moins parce que des brebis, ça mange le soir, lorsque l'herbe est fraîche. Et puis quand je les ressort, il faut que je les pousse pour qu'elles entrent dans le parc. Elles sont stressées. »
L'éleveuse ne sait pas encore comment elle sera indemnisée par l'administration. « Il y avait six brebis encore vivantes. J'ai demandé à mon mari de les assommer. Moi, j'ai pas pu. Il y en avait une qui s'était fait dévorer la cuisse ».
Pour demander des tirs de défense, Florence Sirand-Pugnet devrait installer des clôtures électriques. « Mais comment fait-on dans les coteaux ?» Interroge-t-elle. Et puis, le loup, il sautera par dessus.
Le visage fermé par la lassitude et le dépit, l'éleveuse se demande, au mois de juin, « comment tenir jusqu'à l'automne dans ces conditions ».
Elle dit aussi sa peur : « Si un loup attaque en journée alors que je suis présente pour surveiller les bêtes je crains qu'il veuille défendre sa proie et me saute dessus. »ID