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Circo'Tour

« Les enfants des cantines d'aujourd'hui sont les consommateurs de demain »

Députée dans la 7ème circonscription, Monique Limon a fait le tour de plusieurs acteurs économiques en lien avec le secteur de l'alimentation pour recueillir leurs propositions. Ce Circo'Tour a commencé chez un traiteur pour la restauration collective et s'est achevé chez un transformateur de fruits.
« Les enfants des cantines d'aujourd'hui sont les consommateurs de demain »

Après les bancs du lycée, le terrain. Le lourd, le vrai. Comme tous les députés de l'Isère engagés dans la démarche, Monique Limon a entrepris d'arpenter sa circonscription, pour collecter non les doléances de ses concitoyens, mais leurs bonnes idées et leurs retours d'expérience.

Première étape de ce « Circo'Tour », le traiteur Guillaud, dans la zone du Rival à La Côte-Saint-André. Spécialisée dans la restauration collective, l'entreprise fournit chaque jour 16 000 repas, essentiellement pour des écoles primaires situées entre l'Isère et le Nord Drôme.

Dans l'univers impitoyable de la restauration scolaire, le traiteur, qui se targue d'être « 100% privé », fait figure d'ovni.

Quand la députée lui demande s'il a des propositions concrètes pour améliorer la production et redonner de la valeur aux producteurs, Frédéric Guillaud devient intarissable.

« Nous travaillons à 80% avec des producteurs locaux, explique-t-il. C'est un choix. Soit on a une grosse force commerciale et on descend les prix, soit on assume d'être les plus chers. Mais ce n'est pas pour autant qu'on ne travaille pas : je passe mon temps à expliquer aux élus que si on prend du lait ou des fraises de Pologne, dans dix ans, il n'y a plus de champs, de prairies ni d'éleveurs autour de nous. » Et ça marche.

Concilier rentabilité et qualité

Face à l'élue, le traiteur démontre par  A + B qu'il est possible de concilier qualité, éthique (pour lui, le « bien manger » est synonyme de gaspillage limité : « Sur 120 repas de cantine, on est à 1,2 kilos de reste », assure-t-il), et rentabilité économique.

L'entreprise connaît en effet une forte progression depuis 2012, date de son installation à La Côte-Saint-André, et entretient une relation commerciale équitable avec une soixantaine de producteurs locaux.

« Quand je vais voir un agriculteur, la première chose que je lui dis, c'est que je veux qu'il vive de ce qu'il produit. Je pourrais m'agrandir plus, mais il est hors de question que les producteurs travaillent à 100% pour moi. »

 

Pour Frédéric Guillaud, traiteur pour la restauration collective, il est tout à fait possible de concilier approvisionnement local, équité et rentabilité.

 

Après un démarrage très classique en 1990, Guillaud traiteur s'est lancé dans l'approvisionnement local il y a une dizaine d'années.

« Les débuts ont été très difficiles, raconte l'entrepreneur. J'allais voir les producteurs en disant que j'avais besoin de 2 000 faisselles. Personne ne pouvait me fournir une telle quantité et il n'existait aucun réseau. Aujourd'hui, ça commence. »

Le traiteur s'appuie notamment sur le Pôle alimentaire Isère Rhône-Alpes-Auvergne, une association de producteurs et de transformateurs locaux dont le siège est à Crémieu.

Le credo de Guillaud : le local et la qualité se paient, mais les économies se récupèrent en bout de chaîne (50 % de perte pour les carottes surgelées, 10% pour les carottes fraîches... et moins de gaspillage dans les assiettes).

« Dites leur à vos collègues... »

Frédéric Guillaud bombarde Monique Limon d'idées et de réflexions issues de sa pratique de terrain. Développement des outils de production capables en fournir - en quantité - des denrées issues de la production locale (viande, charcuterie, produits laitiers, légumes locaux de quatrième gamme...), fédération et structuration des filières, accompagnement de la bio locale par les chambres d'agriculture...

« Dites leur à vos collègues qu'au lieu de mettre obligatoirement 20% de bio dans les menus, il vaut mieux inciter au bio ou au local. L'importation de produits bio, pour moi, c'est 20% moins cher. Je peux le faire. Mais je ne vois pas l'intérêt d'aller chercher ailleurs ce que je peux trouver ici ! »

Fromage au goût de la vache

L'expert ès cantine scolaire suggère également de revoir la règle des cinq composants dans les menus : « A la maison, on ne le fait pas. Si on arrête avec ça dans les cantines, ça évite le gaspillage et ça laisse plus de temps aux enfants pour terminer leur repas : ils ne sont plus obligés de choisir entre le yaourt et la compote. »

Et le traiteur de conclure : « Les enfants d'aujourd'hui sont les consommateurs de demain : chez nous, ils aiment le fromage parce qu'il a goût de la vache. Et les parents, ravis, vont chez le producteur le week-end, car les enfants leur ont parlé du fromage à la cantine... »

 

« Les industriels en prennent beaucoup »

Monique Limon prend note, sourit, apparemment convaincue. Puis remonte dans sa voiture, direction Saint-Jean-de-Bournay.

Là, une toute autre réalité l'attend : le Gaec de la Combe Rasat, 90 vaches à la traite, livre à Sodiaal.

« Aujourd'hui, le lait n'est pas payé au prix où devrait être, dénonce Céline Gerin. Les industriels en prennent beaucoup... Et puis vous ne trouvez pas que c'est aberrant de recevoir des primes alors qu'on devrait vivre du fruit de notre travail ? » D'un coup, Monique Limon est plongée dans un tout autre univers.

Marianne Boilève

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