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Rencontre

Les JA en butte contre les retards de paiement

Les JA de l'Isère ont rencontré l'équipe renouvelée de la DDT de l'Isère pour des échanges à bâtons rompus et un discours vérité sur les retards de paiement.
Les JA en butte contre les retards de paiement

« En crise depuis 2015 car les prix du lait et de la viande ne sont plus rémunérateurs, les exploitants reçoivent un coup de massue avec les gros retards de paiement sur la PAC »s, déclare Sébastien Poncet, le président des JA Isère à une équipe largement renouvelée de responsable de la DDT de l'Isère, dont Bertrand Dubesset, directeur adjoint, Luc Lebreton, responsable du service agriculture et développement rural et Thierry Froissard, en charge des projets d'exploitation et du développement rural. Ces trois fonctionnaires ont en commun d'avoir tous été chefs d'exploitation.

Priorité aux JA

Le président des JA de l'Isère souligne l'absurdité du système PAC entre absence de logiciels et mise en place des ATR, les fameuses avances de trésorerie remboursable, « dont seulement 1 600 ont été payées sur les 2 900 dossiers ». Il pointe les problèmes de PCAE, l'aide aux bâtiments, en présentant le cas de Fabien Ageron, éleveur en bovin lait de Saint-Antoine-l'Abbaye chez qui se déroulait la rencontre. « C'est encore pire que la PAC », se désole ce dernier. Installé depuis une dizaine d'années, il a fait une demande de PCAE en août 2015. Après un refus pour dossier incomplet, une subvention de 97 110 euros lui a été accordée en mars 2016 sur un total de dépenses de 338 461 euros. « J'ai toujours rien reçu », explique-t-il. Les travaux sont achevés depuis longtemps. « J'ai tout emprunté », reprend-il en se félicitant de ne pas avoir recouru au court terme.
Les responsables de service de la DDT reconnaissent que la situation est extrêmement tendue. « Les outils, nous ne les avons pas », déplore Thierry Froissard. En cause, les logiciels d'instruction des dossiers, qui ne sont pas les mêmes que ceux de paiements, qui n'ont pas été développés à temps. Les JA connaissent le couplet, ce qui les intéresse c'est de savoir quand ils seront payés. « La priorité est de payer les JA », assure Thierry Froissard qui admet « une logique de pompier » avec seulement deux personnes pour instruire les dossiers et des renforts qui ne seront pas là avant le printemps 2018. Il rappelle néanmoins que la France a été mise en demeure par l'Europe de régler cette situation sous peine de pénalités. Le fonctionnaire renvoie la complexité de la situation française au résultat des négociations avec les partenaires, dont la FNSEA. Il s'explique : la prise en compte des particularités des territoires, comme les zones de montagnes, est le résultat d'une application de la PAC à la Française. C'est plus équitable, mais c'est plus long à instruire que dans d'autres pays.

Les contrôles font partie de la PAC

En présence des élèves de BTSA de la MFR de Chatte, les fonctionnaires ont brossé dans ses grandes lignes l'histoire de la PAC et pourquoi on arrivait aujourd'hui dans une impasse.
« Pendant longtemps, la PAC s'est traduite par le soutien au prix des produits », indique Bertrand Dubesset. Puis la politique a évolué vers un système de gestion par ferme, allant « de plus en plus vers le détail, avec de plus en plus de critères, dans le cadre d'un système intégré de gestion et de contrôle ». Face aux JA réticents, il a fortement conseillé d'accepter les contrôles « qui font partie de la PAC », bien que reconnaissant leur caractère « insupportable » quand la partie en face ne respecte pas ses engagements et ne verse pas l'argent. « C'est pénible et violent, mais l'enjeu, ce sont toutes les aides à l'exploitation ». Pas de quoi calmer l'amertume des JA. « On ne travaille qu'en pensant à ça, au contrôle PAC », reprend Fabien Ageron. Les exemples de situations absurdes sont légion. Depuis les agents qui consacrent une demi-journée à vérifier que des arbres arrachés à la demande d'un propriétaire sont bien justifiés, jusqu'au ray-grass en SIE qu'il faut ou non laisser pousser, en passant par les ATR qui sont calculées sur la base d'un historique inexistant pour les JA ou encore le classement en zone vulnérable de Saint-Antoine-l'Abbaye « où il n'y a pas de noyer, pas de culture, note Sébastien Ageron. Il faudra nous expliquer où il y a des nitrates ».
Les JA dépeignent un portrait amer de l'installation en Isère aujourd'hui. « On envoie les jeunes au casse-pipe, résume Fabien Ageron. Je fais quoi avec les 40 000 euros qu'il me manque pour payer mon bâtiment alors que les banques ne veulent plus me prêter ? » Pour 600 euros par mois, ils n'en peuvent plus. « Dans les stages 21 heures*, il n'y a déjà plus d'éleveurs, renchérit Pierre-Jean Dye. En revanche, des maraîchers bio, des fermes pédagogiques, il y en a à la pelle. Il en faut certes, mais pour entretenir les paysages, il faut aussi des gens comme nous. Y compris pour le Tour de France ! Sans paysan, il n'y aurait que des bois et on ne verrait pas les vélos sur la route ! »

« Ne rien dire ? »

Autre gros dossier présenté par Sébastien Poncet, celui du loup, criant en Isère. Pour les JA, le délai d'attente pour les constatations consécutives aux attaques est trop long. Ils font part des craintes partagées par l'ensemble des éleveurs : les attaques se multiplient, ont lieu aux abords des villages, ne sont plus cantonnées aux alpages. Ils demandent que « l'administration nous aide en étant plus réactive ». Sans quoi, ils avancent la tentation de « tirer et ne rien dire » ? Le directeur adjoint de la DDT a rappelé que les seuls changements possibles sont le résultat de politiques nationales et que la règle est le respect des quatre niveaux de tirs et l'application de mesures de protection. C'est encore un thème qui fait bondir les JA qui trouvent les contrôles sur les mesures de protection trop sévères. Les discussions ont aussi porté sur l'hybridation du loup, thème sur lequel il existe des études contradictoires.
Sans grande latitude d'action, le haut fonctionnaire a pu seulement assurer les jeunes agriculteurs que les tirs pourraient se poursuivre tant que le quota national n'est pas atteint. Sur le deuxième pilier de la PAC, il a affirmé que le rééquilibrage de l'ICHN ne se ferait pas au détriment des zones de montagne. Enfin, il a demandé aux JA, avec le concours de la chambre d'agriculture, de bien faire remonter les documents après installation afin d'éviter toute difficulté.

Isabelle Doucet

Le Gaec de l'Alambic

Deux associés, père et fils, le père prenant sa retraite dans un an.
50 VL, 500 000 litres de production, livraison à la fromagerie Alpine en IGP saint-marcellin. Pâturages autour de l'exploitation.
SAU de 100 ha dont 20 de céréales et 10 ha de noyers, le reste est en fourrages.
Installation du robot de traite en 2016.

 

*Créer ou reprendre une installation en agriculture