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Filière laitière

Les JA veulent booster les OP

En invitant les entreprises laitières à les rencontrer, les jeunes agriculteurs de l'Isère souhaitent dynamiser le dialogue entre producteurs et collecteurs.
Les JA veulent booster les OP

Les JA 38 veulent prendre leur avenir, laitier en particulier, en main. Ils ont donc invité les acteurs industriels de la transformation mi-août pour définir des pistes conduisant à une meilleure rémunération des producteurs laitiers. Autour de la table se trouvaient également de jeunes producteurs de différents secteurs du département.

Une qualité acquise

Le constat est un peu lourd : quand Sébastien Poncet, président des JA Isère pose la question « croyez-vous en l'avenir laitier de l'Isère ? », les réponses ne fusent pas. Didier Villard, un des deux représentants professionnels de l'OP Danone, estime que « si l'on continue à livrer dans les mêmes conditions, face à des cours mondiaux, nous aurons tous du mal à nous en sortir ». Le responsable professionnel reconnaît que « même s'il y a encore une marge de progrès sur le coût de revient, elle est restreinte ». « La qualité du lait, les laiteries l'ont déjà depuis longtemps, constate Sylvain Monnet, de l'Union laitière de la fruitière de Domessin. Elles n'ont plus besoin de faire des efforts de prix dessus ».

Sylvain Monnet (au centre), représentant de l'OP de Domessin, estime que les collecteurs ne font plus d'effort pour rémunérer la qualité du lait.

Cette qualité, aujourd'hui, plus personne ne la remet en cause. Thierry Benoît, chargé de l'approvisionnement sud-est à l'Etoile du Vercors-Lactalis (seul représentant non producteur présent à la réunion) acquiesce : « vous êtes de vrais professionnels, vous avez un savoir-faire exceptionnel et il serait dommage que cette compétence se perde ». C'est là que le bât blesse. Malgré toutes les vertus que tous les maillons, notamment ceux en aval de la chaîne, reconnaissent à la production iséroise ou régionale, le prix n'est pas à la hauteur du travail réalisé ou des investissements consentis. « 40% des volumes de Lactalis sont exportés, justifie Thierry Benoît. Cela entraîne une dépendance forte à ces marchés. Une surproduction nous affaiblit ».

Didier Villard et Stéphane Tirard représentaient respectivement l'OP Danone et celle de Sodiaal.

Un modèle familial solide

« Si nous sommes si bons, pourquoi nous compare-t-on à nos voisins », s'interroge Sébastien Poncet. « Je suis persuadé que la crise laitière arrange bien l'ensemble des laiteries, avance Didier Villard, car la situation va éliminer des producteurs et pousser à la concentration des exploitations. C'est ce que cherche les collecteurs : de gros points de ramassage ». « N'ayons pas peur du modèle d'exploitation familiale que nous avons défendu jusque-là, souligne Jean-Michel Bouchard, responsable de la section laitière de la FDSEA. Le recul nous permet d'affirmer qu'une exploitation avec 1 UTH pour 40 vaches laitières tient la route », tandis qu'un jeune agriculteur avance que le point d'équilibre d'une exploitation se situe à 800 000 litres, au-delà les charges ne sont plus compensées par une économie d'échelle. Thierry Blanchet, producteur livrant à l'Etoile du Vercors, estime pour sa part, que la « prise en main par Lactalis de la production du saint-marcellin, va déposséder les producteurs de leur IGP car désormais la multinationale fait ce qu'elle veut en la matière ».

Thierry Benoît était le seul représentant non producteur d'une entreprise laitière, L'étoile du Vercors-Lactalis.

Gestion des volumes par les OP

Et le nœud du problème ne résiderait-il pas dans une gestion repensée des volumes ? Deux réflexions ont émergé de la discussion. La première met le doigt sur la reprise en main de la gestion des volumes. Un plan européen d'urgence va être mis en place pour tenter de diminuer conjoncturellement des surproductions européennes. Les modalités devraient être connues très prochainement et être appliqué dès la mi-septembre. Jean-Michel Bouchard préconise d'utiliser ce levier pour favoriser la cessation d'activité laitière de producteurs en grande difficulté proche de la retraite ou pour réorienter des exploitations qui n'auraient aucun avenir économique dans la poursuite de cette production. Mais ce n'est pas sur cette action ponctuelle que compte les JA. « Ce sont encore les entreprises laitières qui gèrent les volumes. Ne serait-ce pas aux OP de travailler ensemble pour gérer les volumes ensemble ? », s'interroge Aurélien Clavel, vice-président national des JA. L'idée paraît séduisante. Au lieu de laisser chaque OP face à chacune des entreprises laitières, les volumes pourraient être gérés à une échelle plus large inter entreprises.

Besoin de confiance

La deuxième réflexion porte sur la nécessité de retrouver une réelle confiance entre les différents partenaires des OP. Aujourd'hui, chacun se regarde en chien de faïence, et n'accorde aucune confiance à son interlocuteur. « Il faut passer outre cette méfiance, estime Sébastien Poncet, car au final des installations laitières en dépendent ». Sous-entendu, si la production s'amenuise, l'avenir des laiteries peut être compromis. Des intérêts communs lient donc ces partenaires. Mais les JA en verraient bien un acteur de plus : la distribution, afin d'appréhender de manière globale les relations entre les uns et les autres. Les transformateurs rejettent totalement cette idée. Ce n'est pas un bon point pour le rétablissement de la confiance, à tel point que les JA écoute d'une oreille attentive les propositions de Lidl qui aurait constitué une cagnotte pour reverser un complément de prix directement aux producteurs, afin qu'il ne soit pas happé par les acteurs de la transformation. « Coup marketing et de pub », grince-t-on de ce côté-là. Peut-être mais il est révélateur de l'ambiance que veulent modifier les JA.

Jean-Marc Emprin