Les noix veulent occuper le terrain

Jusque-là, tout va bien, et vraisemblablement cela devrait durer. L'assemblée générale de la coopérative Coopénoix, tenue la semaine dernière à Chatte est éloquente. Toutes les mines sont réjouies et les discours positifs ... mais prudents quand même. « Les résultats de la récolte 2012 sont satisfaisants, indique Pierre Gallin-Martel, le président de la structure de Vinay. Ils mettent en évidence un déficit chronique et structurel entre l'offre et la demande ». L'Union européenne consomme 180 000 tonnes de noix et n'en produit que 90 000. « Un tel décalage entre l'offre et la demande est tout à fait exceptionnel », se réjouit-il, en tempérant aussitôt que « s'il représente un atout à court terme au niveau des prix de vente, ce déficit de production pourrait à plus long terme, devenir une faiblesse en ouvrant la porte aux importations ». Alors, la coopérative exerce une veille attentive de la concurrence et préconise d'occuper les terrains de la production et de la commercialisation. « La veille stratégique sur le marché mondial de la noix met en évidence la concurrence internationale et nous permet d'anticiper l'avenir », insiste le président Gallin-Martel. Un des points les plus importants et relevant de sa responsabilité, est l'incitation à planter toujours plus. En 2012, le niveau de plantation a atteint 5% des surfaces de vergers, soit un à deux points de plus que les années précédentes. « Mais cela reste insuffisant face aux manquements constatés ces dernières années, martèle-t-il. Il faut planter encore davantage ! ». Et de prévenir : « Si nous ne plantons pas, d'autres régions françaises ou d'autres pays dans le monde ne feront pas cette erreur. A terme, nous risquons de perdre notre place sur les marchés ! ». Alors, l'incitation financière orientée jusque-là uniquement vers les jeunes agriculteurs, doit être étendue par la coopérative à tous ses adhérents : un prêt à taux zéro pendant dix ans, venant compléter les aides des pouvoirs publics. Les variétés de l'AOP doivent être privilégiées en tant que valeurs sûres, mais des variétés nouvelles offrant une qualité régulière en noix sèches, ou moins sensibles aux aléas climatiques ou aux accidents sanitaires ne doivent pas être oubliées. « Cette diversification est un élément clé dans l'amélioration de la rentabilité des exploitations », souligne Pierre Gallin-Martel. Si le président insiste tant c'est que « la récolte aussi bonne soit elle, ne nous autorise pas un développement auprès d'une nouvelle clientèle », commente Marc Giraud, directeur de la coopérative. Les stocks sont quasi nuls, et la coopérative réduite à servir en priorité ses clients les plus fidèles. C'est confortable à court terme, mais handicapant dans une vision de développement économique et de présence sur les marchés à long terme, comme le souhaitent les dirigeants de la coopérative.
Objectifs ambitieux
Pour appuyer ses producteurs, la coopérative a élargi ses compétences techniques en créant un poste de responsable technique (Franck Michel) et s'est adjoint les services de Clémence Bazus, en remplacement de Jean-Marc Luciano. Objectifs : renforcer la présence de la coopérative auprès des producteurs pour mieux répondre à leur attentes. « Nous voulons permettre à chaque producteur de gagner au minimum quelques centaines de kilos de noix supplémentaires à l'hectare, d'améliorer sa marge et son revenu », affiche, ambitieux, le président.
La coopérative est attentive évidemment à ses marchés et souhaite coller à leurs exigences toujours plus grande. Ainsi, elle s'est équipée d'une casseuse/énoiseuse afin de rapatrier cette activité de Moldavie dans son site de Vinay et va mettre en place un tri aval à cette machine (en 2014 ou 2015).
Commercialement, elle gère désormais une quarantaine de références dont huit marques de distributeurs (MDD), représentant au final un tiers des volumes vendus. « Ces MDD sont désormais incontournables, constate Pierre Gallin-Martel. Certes, elles grignotent une part du marché qui pourrait revenir à notre marque, mais elles présentent l'intérêt d'être stables ».
Enfin dans la réponse aux marchés, la coopérative se félicite de l'accord commercial avec la structure drômoise Valsoleil, « dont l'apport complémentaire conditionné à Saint-Donat, renforce notre capacité commerciale en particulier dans le cas d'une mise en marché rapide du produit », avance Marc Giraud.
Jean-Marc Emprin
Un éventail de qualité
Plusieurs démarches qualité sont suivies au sein de la coopérative Coopénoix :- La première, la certification IFS (garantie sur la qualité et la traçabilité), exigée par les distributeurs et clé des marchés européens.- La démarche Global gap est suivie par une vingtaine de producteurs et répond aux critères de référencement des principaux acheteteurs européens de fruits et légumes. Elle met en jeu des pratiques culturales destinées à réduire les impacts sur l'environnement et prend en compte la santé et la sécurité des agriculteurs. - 58 producteurs sont certifiés en bio. Leur production atteint 540 tonnes en 2012, « en développement cohérent avec le marché ».- L'ensemble des coopérateurs est soumis dès la récolte 2013 au dispositif PFI (production fruitière intégrée), et a pour but de répondre aux exigences d'Ecophyto 2018.
Bonnes perspectives pour 2013
Le contexte mondial demeure favorable à la production de noix. L'absence de stocks de noix en coque et en cerneaux se confirme. La parité dollar/euro devrait permettre à la filière française de maintenir des prix par calibre proche de 2012. La récolte s'annonce bonne en volumes (+ 16%) avec toutefois des calibres inférieurs à ceux constatés en année normale.Des problèmes sanitaires importants ou des incidents climatiques concernent quelques communes.Le retard de maturité nécessite deux mois, septembre et octobre, ensoleillés.