Les producteurs isérois lancent les Assises du lait

« L'enjeu, c'est de garder des hommes et du lait au sein de nos territoires qui sont peu compétitifs. » Jérémy Jallat n'y va pas par quatre chemin. Installé dans le Vercors, le jeune éleveur veut « ramener du prix et de la valeur ajoutée dans les cours de ferme ». Mais le secrétaire général des JA38, élu sur la liste Avançons ensemble les pieds sur terre, n'est pas du genre à se payer de mots. Comme nombre de ses collègues, les crises du lait à répétition et la guerre des prix, il en a assez : il veut des solutions pérennes. « Le problème, c'est que les entreprises privées préfèrent là où c'est plus vert, comme en Bretagne ou en Normandie, car chez nous, dans nos territoires de montagne ou de piémont, la collecte est plus chère », relève-t-il, avant d'ajouter : « Autant se servir de cette faiblesse comme d'une force et profiter du bassin de consommation dont nous disposons pour satisfaire une demande locale à fort pouvoir d'achat. »
200 millions de litres de lait en Isère
Bien sûr, cela ne peut se faire sur un claquement de doigt. Surtout si l'on se souvient que certaines laiteries, comme Sodiaal, ont récemment testé des démarches de segmentation destinées à mieux payer les producteurs. Les démarches ont été mises en place, les laiteries ont passé du volume, mais les éleveurs en attendant toujours le retour... Ils veulent donc reprendre la main, un peu à l'image des producteurs du massif Central qui ont lancé la marque Mont Lait. Pour Jérôme Crozat, éleveur collecté par Danone et président de la FDSEA, l'objectif à terme est d'atteindre les 200 millions de litres de lait produits en Isère. Il s'en livrait 180 millions en 2013 (174 millions en 2017) : le défi est réaliste.
Miser sur le local
Pour y parvenir les réseaux FDSEA-JA imaginent différentes pistes. Celles-ci devraient être présentées et discutées lors des prochaines Assises du lait, programmées dans les semaines qui suivront les élections à la chambre d'agriculture. « L'idée n'est pas de tout bouleverser, mais de procéder par étapes », rassure Jérémy Jallat, pour qui l'important est de « remplacer chaque éleveur qui part à la retraite par un jeune ». Encore faut-il rendre attractifs le métier et la rémunération. « On ne va pas tout résoudre par l'agriculture bio : chacun fait son choix, convient le jeune éleveur, lui-même installé en bio. Mais on peut miser sur le local en consommant localement le lait produit localement. C'est peut-être un rêve, mais il faut avoir de l'ambition ! »
Lait isérois
Ambition d'autant plus raisonnable qu'elle est partagée par le président du Département. Au cours des Etats généraux de l'alimentation et de nouveau lors du lancement de la marque Is(h)ere, Jean-Pierre Barbier avait en effet laissé entendre qu'il était prêt à mettre des billes dans un outil de production destiné à embouteiller, voire à transformer du lait isérois. Chez les professionnels, le projet séduit et mûrit doucement, mais chacun a en tête de préserver des équilibres fragiles et de mainteir les outils existants (collectes et les laiteries). Ils n'en trouvent pas moins dommage que Vercors Lait aille faire embouteiller son lait dans le Loiret pour que les briques reviennent ensuite alimenter les supermarchés isérois...
Valeur et installation
Sur ce dossier, les JA s'affichent ouvertement comme force de proposition. A l'échelle régionale, ils travaillent actuellement sur un projet consistant à lier valeur et installation. « Notre idée est de créer une association ouverte à tous les jeunes installés, de façon à ce qu'ils s'engagent sur cinq ans à fournir un certain volume qui serait payé à un prix rémunérateur, résume Yannick Girin, des JA Aura. Le but, ce n'est pas de changer de laiterie, mais de s'approprier des volumes correctement payés et de communiquer de façon positive sur cette manière d'installer des jeunes. » Un nouvelle dynamique qui devrait trouver un écho chez des consommateurs qui s'affichent, eux, de plus en plus responsables.