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Innovation

Les propriétaires au service de l'agriculture

L'association foncière agricole qui est née à Crolles au mois de mai dernier est une première dans le département. Aussi, les questions des propriétaires fonciers sont encore nombreuses.
Les propriétaires au service de l'agriculture

« Il n'y a pas d'autres exemple d'association foncière agricole en Isère », indique Philippe Lorimier, maire de Crolles, lors de la première assemblée générale de l'AFA des coteaux de Crolles qui s'est déroulée le 13 juin dernier à Crolles.

La ville, qui s'est développée grâce à la microélectronique, prouve aujourd'hui sa capacité d'innovation en agriculture avec la création de cette AFA.

« C'est un juste retour, poursuit le maire. Car le territoire s'est développé sur des surfaces agricoles au bénéfice de l'économie. »

La prise de conscience des élus date d'une décennie. « Nous sommes attentifs aux équilibres entre les surfaces urbanisées, l'activité économique, l'activité agricole et les surfaces naturelles », ajoute l'élu. Il était temps...

Le projet de l'AFA concerne 74 hectares situés en zone de coteaux et 187 propriétaires. Les plus petites parcelles font quelques mètres carré, les plus grandes à peine 3 000 m2.

En mettant ces petits morceaux de foncier bout à bout, la municipalité espère « laisser la chance à des exploitants qui le demandent à l'AFA, de travailler sur des surfaces intéressantes ».

Consommation foncière

Jean-Claude Darlet, le président de la chambre d'agriculture de l'Isère dresse d'ailleurs un constat sévère de la consommation de foncier de ces dernières décennies, menée « de façon désorganisée et non gérée », pointant notamment la vallée du Grésivaudan.

Il énonce quelques chiffres : « Dans les années 2000, entre 1 500 et 2 000 hectares par an ont quitté l'agriculture pour le résidentiel en Isère. Les exploitants agricoles sont propriétaires de 20% de leur foncier et ne sont donc pas les seuls responsables. »

En 2004, la charte signée par la chambre d'agriculture, l'association des maires de l'Isère et le département est venue mettre fin « à la consommation frénétique de foncier ».

Aujourd'hui, ce sont encore 400 hectares qui quittent l'agriculture chaque année en Isère.

Pour Jean-Claude Darlet, la création d'une AFA permet d'éviter que les terrains ne se transforment en friches avec des forêts sans valeur ; elle offre la possibilité de se regrouper pour valoriser des parcelles ouvertes car plus faciles à travailler ; enfin, elle relève d'un acte citoyen car ces surfaces servent de zone tampon entre la forêt et le bâti, favorisant la protection contre les incendies. C'est aussi des endroits où se développe la biodiversité.

« Votre terrain prendra plus de valeur qu'il n'en perdra », a-t-il déclaré en direction des propriétaires fonciers encore réticents.

Droits du propriétaire

Le chantier de création de l'AFA a été mené par Nelly Gros, adjointe crolloise à l'agriculture.

Au terme de deux ans de travail, un comité de pilotage ouvert à tous, les partisans comme les opposants au projet, a permis d'écrire les statuts et le règlement de l'association.

L'élue tient à rassurer l'ensemble des propriétaires : « Les statuts de l'AFA ne modifient pas les droits du propriétaire. »

Le principe repose sur la location d'une parcelle par l'exploitant, par l'intermédiaire de l'AFA.

Le règlement intérieur précise que « toute proposition de bail à un exploitant sera soumise à l'autorisation du propriétaire ».

Pour autant, c'est l'activité du propriétaire foncier qui prime pour peu que celui-ci satisfasse aux obligations légales de lutte contre les incendies par débroussaillage. « Nous ne sommes pas là pour récupérer du terrain », insiste Nelly Gros.

 

Philippe Lorimier, maire de Crolles, Nelly Gros, adjointe en charge de l'agriculture et Jean-Claude Darlet, président de la chambre d'agriculture.


Lors de la réunion, les interrogations étaient encore nombreuses chez les propriétaires fonciers, auxquels ont répondu les élus et Hervé Weisbrodt, le conseiller de la chambre d'agriculture.
Certains se sont plaints de ne pas avoir reçu les pièces constitutives de l'enquête.

Il leur a été répondu qu'un travail de fourmi avait été mené pour identifier tous les propriétaires, certains n'ayant été connus que tardivement, d'où leur rattachement au projet après coup. Ils sont invités à se faire connaître et surtout, peuvent consulter l'ensemble des documents en ligne.

Agriculture biologique

D'autres s'inquiétaient de la nature des cultures susceptibles d'être implantées.

Dans les statuts, il est précisé que l'orientation se ferait vers des cultures moindres consommatrices d'intrants.

Celles déjà en place sont invitées à aller « vers une agriculture respectueuse de la nature et de l'environnement. Mais il y a des tolérances pour l'entretien des clôtures, précise Nelly Gros. En revanche, pour toute nouvelle activité, il est demandé d'aller vers une agriculture biologique. »

Un propriétaire se préoccupait de ce que pouvait devenir sa prairie.

Il a été rassuré car « il n'y a aucune raison de transformer une exploitation qui fonctionne, a répondu Nelly Gros. L'objectif est la reconquête des friches et il y a bien assez de travail ! »

L'élue l'a répété : « Il n'y a aucune raison de remettre en question ceux qui exploitent déjà leurs propres parcelles. »

Le conseiller de la chambre d'agriculture Hervé Weibrodt a également reprécisé que le propriétaire était libre de revendre ses parcelles, qu'il n'y avait aucune raison pour qu'une AFA soit endettée et encore moins pour que cette situation puisse bloquer une quelconque transaction.

Il a précisé que les propriétaires ne sont soumis à aucune charge.

Pour l'heure, l'AFA bénéficie d'aides publiques. Pour autant, Nelly Gros note que des engagements peuvent être envisagés pour défricher des zones ou ouvrir des accès.

Déboisement

Quant aux cultures pérennes, Jean-Claude Darlet a vivement conseillé de recueillir une autorisation du propriétaire « écrite et précise », avant de planter.
Sur la question du bornage, le principe étant d'ouvrir des parcelles et de constituer des tènements exploitables, le futur plan de gestion se réfèrera au plan cadastral sans ajouter de complexité.

Enfin, un propriétaire foncier restait dubitatif quant aux injonctions de la collectivité concernant le déboisement et le reboisement.

Le maire a répondu que le PLU avait changé et que depuis 2009, on était passé d'un classement de l'espace boisé pour l'ensemble du coteau « à quelque chose de plus raisonnable. Cela n'a pas de sens de classer des taillis de robinier faux acacia. Il y a au-dessus de l'AFA un espace boisé classé constitué d'une chênaie qui stoppe les blocs ».

Philippe Lorimier en a profité pour rappeler que la commune allait poursuivre la construction de la digue pour prévenir les risque de chute de blocs, mais que les terrains situés en-dessous qui ne sont pas constructibles, le resteraient.

Isabelle Doucet

Une enquête publique

La création de l'AFA a fait l'objet d'une enquête publique et d'une consultation.
Sur les 187 propriétaires, 43 ont émis un avis défavorable, représentant 16 hectares. Les 144 autres, représentant 58 hectares, ont donné un avis favorable ou ne se sont pas prononcés (ce qui vaut pour accord).
Conformément à la règle des 2/3 des propriétaires pour la moitié des surfaces, le préfet a déclaré la création de l'association par arrêté du 15 mai 2017.

 

 

Quelles cultures ?

Les cultures pressenties sont le pâturage intersaison, la plantation de chênes truffiers, la viticulture, le maraîchage ou encore la culture du safran, le tout en agriculture biologique.