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Congrès des maires

Maire, un costume très chargé

Avec 44% de nouveaux maires élus, le paysage communal isérois a été singulièrement bouleversé au printemps dernier. En découvrant l'étendue de leurs responsabilités, les nouveaux édiles ont parfois eu des surprises. Retours d'expérience.
Maire, un costume très chargé

Lendemain d'élection. Un jour comme un autre pour un grand nombre d'élus, une plongée dans les eaux glacées de la réalité pour les autres. En Isère, 44% des 533 maires ont passé la main au printemps dernier : plus de 200 nouveaux élus ont ainsi endossé un rôle que certains connaissaient de loin pour avoir été adjoints, mais que d'autres ont totalement découvert. « Comme tous les gens neufs, les nouveaux élus sont très enthousiastes, mais ils ont vite pris conscience de l'immensité de tout ce qu'il y a à faire, surtout dans les petites communes où il y a moins de services techniques », témoigne Geneviève Billet, directrice et responsable de la formation à l'association des maires de l'Isère (AMI).

Organisation du conseil municipal, gestion du personnel, budget, question d'urbanisme, querelles de voisinage : la « vraie vie » d'un maire est loin de ressembler à un long fleuve tranquille. Et plus la commune est petite, plus l'équation est compliquée à résoudre : il y a moins de moyens, moins de personnel, « il faut beaucoup donner de sa personne », confie LilianeTerol, première magistrate d'Arzay (200 habitants). Gérard Seigle-Vatte, élu à Paladru (1 130 habitants), ne la contredira pas : « Ce que je mesure, c'est qu'il faut de la disponibilité, de l'écoute et de la diplomatie. L'important, c'est la proximité, partager le quotidien avec les gens de la commune. Il faut faire preuve de pédagogie, parce que les gens sont souvent très sensibles, ils réagissent très vite. »

Comme une PME

Mais l'écoute et la pédagogie ne font pas tout. Bien que doté de pouvoirs importants, le maire est soumis à grand nombre d'obligations en tant qu'agent de l'Etat (sous l'autorité du préfet) et qu'agent exécutif de la commune. Titulaire de pouvoirs propres, il exerce des fonctions en tant qu'officier d'état civil et officier de police judiciaire (sous le contrôle du procureur de la République). Il est notamment chargé de maintenir l'ordre public et d'assurer les « polices spéciales » (circulation, baignade...). A cela s'ajoute son rôle de chef de l'administration communale, autrement dit de supérieur hiérarchique des agents de la commune. « Ce sont des pouvoirs très étendus que l'on ne mesure pas forcément avant d'être élu, témoigne Cécile Anglade, ancienne adjointe à Saint-Ismier et formatrice pour le compte de l'AMI. Parfois, le prédecesseur peut expliquer des choses et déminer le terrain. Mais déclarer un immeuble insalubre quand on n'y connaît rien ou faire interner une personne d'office, cela ne va pas de soi. C'est une responsabilité énorme. Certains sont désarçonnés par l'ampleur de ces pouvoirs. Ce que je leur explique en formation, c'est qu'être maire, c'est une charge, pas un métier. Cela ne veut pas dire être agent du Trésor, médecin ou policier : c'est normal qu'ils ne sachent pas tout. Par contre, il faut du bon sens, de l'écoute et ne pas hésiter à faire appel à quelqu'un de plus expérimenté. »

Les nouveaux élus (de g. à d. Gérard Seigle-Vatte, Thierry Cleyet-Marel, François Boucly et Christian Guttin) s'accordent à dire que le "métier" de maire exige écoute et disponibilité.

Du bon sens et de l'esprit pratique, François Boucly en a à revendre. Ancien cadre dans une grosse société, le nouveau maire des Abrets (3 500 habitants) était habitué à manager de grosses équipes d'ingénieurs, s'est ainsi retrouvé à la tête d'une petite « entreprise publique » d'une trentaine de personnes. L'adaptation n'a pas forcément été simple : « Il a fallu gérer les plannings, composer avec les souhaits de chacun, et faire en sorte que les agents s'épanouissent dans leur boulot de façon à ce qu'ils aient envie de donner un peu d'eux-mêmes à la commune. » Le jeune élu évoque « une expérience humaine incroyable », mais prenante : «  Moi qui avais fait le choix de quitter l'industrie pour m'occuper de mes enfants, je me suis vite rendu compte que concilier vie familiale et vie de la commune était très difficile. »

Où s'arrête le pouvoir de police?

Outre la délicate question des relations humaines, avec les personnels comme avec les administrés, les nouveaux élus ont rapidement découvert la technicité du métier. Si certains, comme Gérard Seigle-Vatte, ont pu s'appuyer sur leur expérience professionnelle pour gérer les affaires de la commune, il arrive toujours un moment où ça « coince » un peu. Questions juridiques ou foncières, règles de sécurité ou d'urbanisme, élaboration du PLU, passation de marchés, préparation du budget, contrats de droit public... autant de domaines qui requièrent des compétences que les maires fraîchement élus n'ont pas forcément. « J'avoue que j'ai des faiblesses sur le plan juridique, reconnaît l'un d'eux. Mais je n'ai pas hésité à recourir à un cabinet d'avocats ou à un réseau de compétences, comme celui offert par ma communauté de communes pour résoudre un certain nombre de questions. » En dépit d'une solide expérience de premier adjoint de La Bâtie-Divisin, Thierry Cleyet-Marel s'est lui aussi retrouvé confronté à la complexité du métier : « Il faut tout connaître, tout découvrir et... accepter la lourdeur de la machine. »

Nombreux sont les élus qui pointent également l'ambiguïté que sous-tendent les fameux « pouvoirs » de police administrative. « Où s'arrête le pouvoir de police du maire ?», soulève Gérard Seigle-Vatte, évoquant le durcissement des relations entre les gens depuis une vingtaine d'années et la multiplication des conflits de voisinage. François Boucly se pose la même question :  « Moi, la seule formation que j'ai demandée, c'est celle sur les pouvoirs de police du maire : où démarrent-ils ? Où s'achèvent-ils ? Comment réagir en situation de catastrophe ? C'est quelque chose de très important : notre responsabilité est en jeu. Personnellement, je veux bien engager la mienne, j'ai été élu pour cela, mais je veux savoir où je mets les pieds. Je ne suis pas sûr que tout le monde, les anciens comme les nouveaux élus, soit bien conscient de son niveau de responsabilité et sache où se trouve la limite de l'action. » A voir le succès des formations dispensées par l'association des maires de l'Isère (une bonne trentaine depuis le printemps), les nouveaux élus ont en tout cas rapidement compris que le "métier" ne s'improvisait pas.

Marianne Boilève

Cliquez ici pour consulter l'article annonçant le congrès des maires le 11 octobre

 

Formation sur mesure

A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Pour répondre aux besoins des nouveaux élus, l'association des maires de l'Isère (AMI) a rapidement mis sur pied une formation taillée sur mesure. Intitulée "les clés de la réussite du mandat", cette formation d'une journée passe en revue « l'ensemble des fondamentaux du cadre et du rôle d'élu communal et intercommunal ». Elle décrypte l'environnement du mandat (partenaires insitutionnels, rôle des collectivités territoriales, le maire employeur...), les moyens d'action (organisation de la commune, moyens financiers, contrats...) ainsi que les conditions d'exercice du mandat (responsabiltité, attribut de la fonction, formation...). Plus de 150 personnes, essentiellement des adjoint et des conseillers municipaux, ont suivi cette formation dispensée par Cécile Anglade, ancienne adjointe elle-même : « Je leur explique la façon de se comporter avec la population, les rapports avec les services de la mairie et différents aspects techniques. Quand ils veulent se lancer dans un nouveau projet par exemple, il est inutile de toujours réinventer l'eau chaude : il suffit parfois d'aller voir comment ont fait d'autres communes. » Rassurante, la formatrice insiste sur la nécessité de « se sortir de ses inquiétudes » : « Les autres communes ont pu avoir les mêmes interrogations et trouver des solutions auxquelles on n'a pas pensé. »
Autres gros sujets de préoccupation : les conflits d'intérêt et... l'intercommunalité. « De nombreux élus se posent la question des rapports avec ce grand "machin" un peu éloigné qu'est l'intercommunalité, assure Cécile Anglade. Il faut alors leur expliquer que ça va être la vraie révolution de leur mandat. »Là encore, les besoins de formation sont énormes, mais toutes les communes ne sont pas logées à la même enseigne. Certaines avouent ne pas avoir les moyens fincanciers de se payer des journées de formation. « Chez nous, certains élus y sont allés et ont payé de leur poche », déclare Jacqueline Denolly, maire de Pajay (1 110 habitants). En effet, si la loi assure que les élus ont droit à une formation adaptée à leur fonction (article L.2123-12 du code général des collectivités territoriales), celle-ci n'est pas prise en charge dans les communes de moins de 3 500 habitants.
MB