Maisons de services au public, derniers remparts contre la désertification

« C'est une excellente bonne nouvelle », lance Serge Perraud, le maire de Roybon. La bourgade des Chambaran n'était plus habituée aux annonces positives.
Le maintien du bureau de poste et sa transformation en Maison de services au public (MSAP) sont une bouffée d'oxygène.
« Ce fut un combat pour que La Poste ne parte pas définitivement. Nous sommes arrivés à nos fins. » On sent de l'âpreté dans les propos du maire qui ajoute : « Tout est compliqué dans les territoires. »
Même soulagement à Saint-Hilaire-du-Touvet, sur le plateau des Petites Roches, où la transformation de La Poste en MSAP permet le maintien du service public.
« La situation est un peu particulière », reconnaît cependant le nouveau maire, Philippe Wack. En effet, il existait déjà une MSP portée par la communauté de communes du Pays du Grésivaudan, il a donc fallu négocier et ajuster.
Relancées par la loi Notre, les créations de MSAP (voir encadré) s'opèrent au cas par cas.
Destinées à éviter la désertification des services publics en milieu rural ou défavorisé, elles sont créées à partir d'une feuille vierge ou sur les bases d'anciennes MSP ou relais d'information.
Les MSAP peuvent être portées par des collectivités locales, des associations ou un groupement.
Depuis 2015, La Poste est un partenaire de premier rang, qui donne la possibilité de transformer ses bureaux en MSAP dans les zones rurales et plus particulièrement dans les communes de moins de 2 000 habitants, où les créneaux d'ouverture hebdomadaires oscillaient entre 21 et 27 heures.
C'est le cas de trois d'entre eux en Isère : Roybon, Saint-Hilaire-du-Touvet et Monestier-de-Clermont.
Le contrat de présence territoriale de La Poste trouve ainsi un écho dans le schéma défini par la préfecture en accord avec le Conseil départemental.
Dans ce cadre-là, « les bureaux de poste ne changent pas, insiste Thierry Bas, adjoint au directeur régional, en charge du réseau des bureaux de poste de l'Isère. Les chargés de clientèle de La Poste rempliront les missions de service public. »
La Poste à part entière
Dans le cadre de sa réorganisation, l'établissement a noué plus de 160 partenariats en Isère, avec des mairies pour créer des Agences postales communales (APC), ou avec des commerçants, pour créer des Relais poste commerçant (RPC).
Sur les 300 points de contact en Isère, plus de la moitié ne sont donc plus des bureaux de poste à part entière.
Chaque annonce de transformation ou de fermeture est difficilement vécue par les élus et les populations, surtout en milieu rural, qui a vu disparaître ses trésoreries et ses casernes de pompiers.
« La MSAP est une solution pour pérenniser notre présence et pour que davantage de clients viennent à La Poste », reprend le responsable de La Poste.
Cependant l'établissement pose une condition : les agents de la MSAP restent des chargés de clientèle de La Poste, qui effectuent pour les autres partenaires des opérations de premier niveau et de conseil.
Ce qui explique des possibles situations de doublon comme à Saint-Hilaire-du-Touvet où il y avait déjà un animateur de MSP.
« Nous allons rapidement procéder à une clarification pour les habitants, insiste le maire de la commune, mais au moins, il y aura toujours un bureau de poste. » Sa hantise était le risque de transformation en agence postale, « portée par la commune et sans aucune garantie que l'aide de La Poste perdure ».
Accès simplifié
« C'est une présence numérique », souligne Aline Carrel, en charge du partenariat MSAP pour la MSA Alpes du Nord.
L'organisme de sécurité sociale agricole est présent à Morestel, La Côte-Saint-André, Saint-Chef et bientôt à Saint-Hilaire-du-Touvet.
C'est un poucet par rapport à des organismes comme la Caf ou Pôle emploi, mais qui sait profiter de la dynamique.
« La MSA se positionne au cas par cas, explique la responsable. Notre objectif est qu'il y ait au moins de 20 km entre deux lieux d'accueils d'adhérents ».
Chaque agent de MSAP est formé une journée avec chacun des partenaires de la maison. « Qu'est-ce que la MSA, qui sont ses adhérents, quelle est la population du secteur, comment fonctionnent nos services et le site internet ? », pour répondre à ces questions, la MSAP offre un accès simplifié aux sites des organismes, par l'intermédiare de bornes comme le Visiocaf ou la mise à disposition de postes informatiques.
Christine Nemoz, la responsable de la MSAP de Morestel, connaît bien ses partenaires. « La clé, c'est de savoir qui appeler et appeler avec la personne qui nous pose une question, c'est déjà un pas dans la résolution des difficultés. »
Lieu ressource, lieu de réseau où se tisse le lien social, chaque Maison de services au public imagine l'animation de son territoire au grès des besoins.
A Saint-Hilaire-du-Touvet, la publication d'une newsletter permet aux 3 000 habitants du plateau d'apprécier la vigueur du tissu associatif.
« Nous montons des projets communs avec nos partenaires, des expositions, des matinales, des journées goûter-santé par exemple », détaille pour sa part Christine Nemoz.
« Ce n'est pas parce que nous sommes en milieu rural que nous devons rester isolés », insiste le maire de Roybon, qui multiplie les initiatives pour favoriser l'accès à tous les services.
Isabelle Doucet
MorestelRayon de soleil au Pays des couleurs
C'est la première labellisée de l'Isère et une des plus anciennes structures mutualisées de service au public de l'Isère. Elle est devenue MSAP du Pays des couleurs depuis le 1er janvier dernier.Christine Nemoz, la responsable de la MSAP, a le service public chevillé au corps. « La plupart du temps, nous répondons à des situations complexes avec plusieurs problématiques. L'objectif est de ne pas renvoyer les personnes d'une administration à l'autre. »

La MSAP reçoit 6 000 visiteurs par an issus des 20 communes alentour. Les conseillères assurent aussi des permanences aux Avenières et à Montalieu.
« Nous somme dans un territoire avec des problématiques de mobilité », signale Christine Nemoz.
Le public est varié, tous âges, et 46% d'hommes pour 54% de femmes. Les actifs représentent 72% des visiteurs.
Les méandres de l'administration, l'accès aux droits représentent le quotidien de la MSAP.
« Nous avons une forte demande sur l'emploi – 33% des visites – qui tend à se résorber », énumère Christine Nemoz. Connexion internet, élaboration d'un CV, répondre à des offres : le conseil est individuel.
L'action sociale représente également un tiers des interventions. Caf, Carsat, MSA, l'aide apportée va du dossier retraite aux questions de surendettement, de RSA, d'insertion et de protection sociale.
Les questions de vie pratique représentent 13% des demandes. Elles relèvent de la justice, des impôts, du logement, des assurances, des fournisseurs d'accès à internet et de « beaucoup de médiation ».
Traiter les demandes, essayer d'y répondre, réorienter : le métier de conseiller est complexe et complet. Il est le visage humain de l'administration.
« Il faut expliquer, rassurer, désamorcer », reprend la conseillère.
Elle connaît bien ses visiteurs. Il y a les piliers, les demandeurs d'emploi qui ne feront leur réactualisation qu'à la MSAP parce que c'est rassurant, et puis ceux qui n'ont qu'un besoin ponctuel, notamment pour des changements de situation avec la Caf. « Nous voyons aussi des situations qui se dégradent au moment des divorces. »
La conseillère navigue au bord de l'intime. « Nous ne faisons pas ce métier par hasard », explique la fonctionnaire.
Son cap, c'est « aboutir à une réponse à la question initiale. Le point positif c'est qu'il n'y a pas d'argent entre nos mains. Nous n'avons pas de position décisionnelle et ce n'est pas notre rôle de faire un signalement. »
Parfois, elle s'autorise à « obliger les gens à une certaine réaction », mais reconnaît « qu'il y a toujours des personnes à la marge, des laisser pour compte d'une structure. Le point d'accueil touche des gens qui ont des difficultés passagères ou de longue date. »
La loi Notre et les MSAP
En créant les Maisons de services au public, la loi Notre a eu pour objectif d'assouplir et de renforcer le dispositif déjà existant des Maison des services publics (MSP) créées en 2000, ainsi que des Points d'information et de médiation multi services (Pimms).En France, les structures existantes étaient au nombre de 317. La loi a pour ambition la création de 1 000 MSAP d'ici la fin de l'année. Il y en aurait une douzaine en Isère.
Leur mission demeure identique : « améliorer l'accessibilité et la qualité des services en milieu rural et urbain, pour tous les publics ».
La nouvelle loi ouvre la porte à des opérateurs privés. La condition préalable à l'émergence d'une MSAP version loi Notre est la présence de deux partenaires en lien avec l'action sociale et le monde de l'emploi.
Le tout est régi par une convention cadre, qui fixe la participation financière des opérateurs.
Les projets labellisés par la préfecture bénéficient du soutien de l'Etat en investissement et en fonctionnement. Le Fonds d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) couvre 25% des frais de fonctionnement. Il peut être doublé par le Fonds inter opérateurs qui regroupe les partenaires nationaux contributeurs (Caf, MSA, Carsat, CPAM, GRDF, Pôle emploi et La Poste).

Les MSAP labellisées en Isère sont celles de Bourg-d'Oisans, Morestel, Pont-de-Beauvoisin, La Côte-Saint-André (portées par les communautés de communes), Saint-Hilaire-du-Touvet (portée par La Poste).
Les projets imminents sont la MSAP de Pont-en-Royans (portée par la commune), les MSAP de Roybon et Monestier-de-Clermont (portées par la Poste), ainsi que Grenoble, Pont-de-Claix et Villefontaine (ex-Pimms transformés en MSAP).
D'autres projets devraient encore émerger dans le cadre du Schéma départemental d'amélioration de l'accessibilité des services au public dans le Trièves, la Matheysine et la plaine de Beaurepaire.
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