Accès au contenu
Théâtre

Manger : le spectacle qui envoie du lourd dans l'assiette

Primée à Avignon, la pièce de la compagnie Zygomatic lance une charge lourde et drôlatique contre l'agriculture productiviste et l'hyperconsommation. Dommage que les agriculteurs ne soient pas plus nombreux à s'inviter dans le débat qui suit la représentation.
Manger : le spectacle qui envoie du lourd dans l'assiette

Dans l'entrée, des panneaux et des post-it pour « alimenter le débat » qui va suivre. Dans la salle, 250 personnes venues pour Manger, mais aussi rire et boire la parole des Zygomatic. Invitée le 25 novembre par Alliance Pec Isère, le réseau des Amap iséroises, la compagnie retrace à sa manière l'histoire de l'alimentation, depuis les problématiques de stockage de nos lointains ancêtres néandertaliens jusqu'aux absurdités générées par nos sociétés contemporaines.

Danse du caddie

La pièce est drôle, et même cruellement drôle. Mais elle envoie une charge si violente qu'en sortant, les plus jeunes spectateurs se demandent s'ils vont continuer de manger ce qu'ils ont dans leur assiette à la cantine... Certes ces enfants-là n'ont pas eu à avaler le biberon préparé sur scène à grand renfort de ketchup, de mayonnaise, de saucisse et de Coca Cola : leurs parents sont trop vertueux, trop conscients, trop éco-responsables. Ils ne vont pas non plus, le samedi, déambuler dans les hyper assister au ballet des promos et à l'une de ces danses du caddie, magistralement interprétée Xavier Pierre : leurs parents ne cèdent pas aux injonctions consuméristes. Ils sont « consom'acteurs » et, à ce titre, membres d'une Amap ou clients de magasins de producteurs. Normal : on est à Crolles (Isère), entre gens de bonne compagnie, solidaires et « conscientisés ». Ces spectateurs-là savent que « les vers de terre ont disparu, comme les agriculteurs d'ailleurs », et que c'est à cause de Villemorin et de Monsanto. Ils rient à ce réquisitoire burlesque et glaçant contre l'agriculture productiviste. Qui omet un tout petit détail : c'est que le monde change, et les pratiques agricoles aussi. 

Lors du débat qui a suivi le spectacle, Christian Gaude, éleveur à La Tronche, a expliqué au public pourquoi il avait évolué vers l'agriculture biologique.

Le « débat » qui a suivi la pièce a permis de nuancer le propos, à la marge. A une question sur l'accueil du spectacle dans les lycées agricoles, Ludovic Pitorin, acteur et metteur en scène, reconnaît que « des choses commencent à bouger ». « Dans un amphi, une partie des élèves veulent rester dans le conventionnel, témoigne le comédien. Une autre a compris que l'on pouvait faire autrement, que la bio, c'était aussi l'avenir, notamment sur le plan économique. On a la sensation qu'on joue pour eux. C'est lent, mais c'est en marche… pardon : en route ».

Santé humaine

L'artiste, qui a écrit le spectacle et maîtrise son sujet, assure ne pas vouloir « pointer du doigt les agriculteurs. Pendant 50 ans, on leur a dit de faire comme ça ». Le seul agriculteur présent dans la salle, Christian Gaude, éleveur à La Tronche, appuie son propos : « Je suis passé en AB pour des raisons de santé humaine, pas pour l'environnement. Mais quand je l'ai fait, ça a été très marginalisé. Il a fallu la crise de la vache folle pour mettre en avant des méthodes qui étaient décriées. » On perçoit beaucoup d'émotion dans sa voix. Et l'on se prend à regretter qu'il n'y ait pas plus d'agriculteurs dans la salle pour expliquer l'évolution des pratiques.

Marianne Boilève

Prochaines représentations 

Le 29 novembre à Saint-Pierre-d'Allevard (19h à la salle des fêtes)
Le 30 novembre à Saint-Thibaud-de-Couz (20h30 à la salle la Thibaudia)
Renseignements et réservations : 06 31 92 97 92 /flo.zygo@yahoo.com
Calendrier des représentations à venir