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Territoires

Mariages de raison

La nouvelle carte des intercommunalités vient d'être soumise aux collectivités. Qui se marie, qui fusionne en Isère ? Quelques surprises font déjà réagir aux limites du département.
Mariages de raison

Le nouveau schéma de coopération intercommunale (SDCI) proposé par le préfet de l'Isère aux collectivités fin septembre parachève un travail de longue haleine mené dans le département pour regrouper les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou communautés de communes et rationaliser la carte des syndicats. Il y avait 37 EPCI à fiscalité propre en 2011, ramenés à 27 en 2015. Ils ne devraient être plus que 18 après l'adoption de ce nouveau schéma. Côté syndicats, l'Isère est à l'image de ses 532 clochers. Il y en a beaucoup : plus de 200 dont certains sont à objet unique. Le but est d'en supprimer une cinquantaine.
Obligés de se marier, c'est la loi Notre du 7 août 2015 (pour nouvelle organisation territoriale de la République) qui le dit. Sauf exception des communes de montagne, les communautés de communes ne pourront compter moins de 15 000 habitants. Il s'agit aussi de chasser toutes les superpositions de compétences entre les syndicats et ou les EPCI, de favoriser le transfert de compétences vers les EPCI, ainsi que la création de communes nouvelles.

Sujet délicat

« L'objectif majeur est d'aller vers des bassins de vie », explique Gérard Seigle-Vatte, président de l'association des maires ruraux (AMR), tout en reconnaissant que « le sujet est délicat. » En effet, pour les élus, tout se joue dans le deuxième round, celui du débat local. « Si une collectivité a envie de changer d'intercommunalité, pour des raisons économiques, interdépartementales ou autre, elle doit pouvoir le faire. Le conseil municipal doit être souverain », insiste le représentant des communes rurales. Concrètement, cela va surtout bouger dans l'est du département. A commencer par la communauté de communes du Massif du Vercors qui rejoindrait les communautés de communes drômoises de Royans et du Vercors. La Chartreuse avait initié ce schéma interdépartemental, qui pourrait donc s'appliquer au Vercors, conformément à une logique de PNR. En remontant, le grand Sud Grésivaudan, verrait la fusion des communautés de communes de la Bourne à l'Isère, du pays de Saint-Marcellin et de Chambaran-Vinay-Vercors. Les discussions seront sans doute plus âpres le long de l'axe de Bièvre où la préfecture a prescrit le rattachement de la communauté de communes de Beaurepaire, à celles de Bièvre-Liers et de la Région saint-jeannaise. Pour autant, la question de l'attractivité des bassins de vie viennois ou grenoblois n'est sûrement pas tranchée pour le territoire de Beaurepaire. « Le schéma a été accueilli froidement », glisse avec une extrême prudence Philippe Mignot, le maire de Beaurepaire. C'est la prescription qui dérange, d'autant que la communauté de communes de Beaurepaire, avec ses 15 000 habitants pourrait aussi continuer à faire cavalier seul. « Nous avons deux mois pour prendre une délibération et réagir collectivement afin que cela se passe le plus correctement possible ». Il est vrai que les communautés de communes du Pays roussillonnais et du Pays viennois (ViennAgglo) auraient probablement accueilli favorablement le rattachement du secteur de Beaurepaire. Las, elles se marieront avec la région de Condrieu, dans le Rhône.

1er janvier 2017

Enfin, dans le nord du département, la communauté de communes des Vallons du Guiers, qui était restée esseulée, a pour obligation de rejoindre celles des Vallons de la Tour, de la vallée de l'Hien et de Bourbre-Tisserands. Idem pour les Balmes dauphinoises, obligées de se rapprocher des communautés de communes du Pays des couleurs et de l'Isle Crémieu. L'objectif est que ces 18 nouvelles EPCI aient effectué leurs fusions au 1er janvier 2017. Dans le sud, rien n'a bougé, les intercommunalités ayant fait de très gros efforts dans le cadre du précédent schéma, en 2011.

Avant qu'il ne soit proposé aux communes, le nouveau schéma a déjà fait l'objet en amont d'un travail de concertation avec les collectivités. « Certains secteurs, comme la Bièvre, opèrent des fusions tous les ans et n'attendent pas que la question se pose au schéma. D'autres sont moins dans l'anticipation », constate M. Morel, de la préfecture. Pour autant, la baisse des dotations de l'Etat force la réflexion et certaines communes mesurent l'intérêt de la mutualisation.

« Additionner les compétences »

C'est le deuxième objectif du nouveau SDCI : donner plus de pertinence aux syndicats intercommunaux et faire converger les compétences vers les EPCI. « Il faut avancer sur la question des compétences en matière d'eau, d'assainissement, de petite enfance, à l'intérieur des communautés de communes, ou au niveau intercommunal. Mais il faut être clair sur les compétences et les périmètres », reprend Gérard Seigle-Vatte. Le président de l'AMR plaide pour la lisibilité dans les projets de territoire. Il cite en exemple le Pays voironnais qui a récupéré la compétence de l'alimentation en eau potable de ses 34 communes. « Nous discutons aujourd'hui pour la culture, la petite enfance et le sport. Si l'on veut apporter de vrais services aux populations, il faut additionner les compétences des collaborateurs. Les communes ne peuvent pas assumer seules toutes les compétences, elles ont besoin de gens pointus. » La loi Notre prévoit que les compétences en matière de collecte et traitement des déchets, de tourisme, d'aires d'accueil reviennent aux communautés de communes en 2017. L'eau et l'assainissement seront regroupés en 2020. Ces transferts pourraient permettre aux intercommunalités de se réapproprier la chose publique, à l'image des grandes villes qui dénoncent leurs DSP. En mutualisant les moyens, elles peuvent recruter des profils de haut niveau pour retrouver une vision sur la gestion de l'eau, de l'assainissement ou encore des techniciens compétents pour instruire les permis de construire.

Isabelle Doucet

Le calendrier :

Le SDCI a été présenté aux EPCI et aux communes fin septembre. Les collectivités ont deux mois pour délibérer (décembre). Leurs délibérations (favorables ou non) argumentées reviendront ensuite en préfecture. Ces documents seront examinés par les membres de la commission départementale de coopération intercommunale (CDIC) en vue d'une modification du SDCI (jusqu'au mois de mars). Les amendements présentés par la CDIC devront être votés par cette même commission. Le schéma modifié sera alors de nouveau soumis aux communes concernées qui auront 75 jours pour se prononcer à la majorité qualifiée. Le nouveau schéma prendra effet à partir du 1er janvier 2017.

 

(encadré)
Dionay et Saint-Antoine-l'Abbaye : une fusion comme une évidence.

 

Communes nouvelles

Qui déneigera à Noël ?

Dans le sillon d'Eclose-Badinières, qui a ouvert la voie en Isère, 21 communes ont montré leur intérêt pour un projet de fusion et trois sont en voie de concrétisation : Saint-Antoine-L'Abbaye-Dionay, Les Avenières-Veyrins-Thuellin et Pont-de-Beauvoisin Isère et Savoie. « Le rapprochement s'est fait naturellement, explique Christian Garnier, le maire de Dionay. Notre commune compte 121 habitants et se dépeuple. C'est un habitat dispersé et nous sommes très proches de Saint-Antoine-l'Abbaye. Les enfants sont scolarisés à Saint-Antoine. Les soins, les services de proximité, les commerces sont à Saint-Antoine. Nous avons deux associations à Dionay alors qu'il y en a 30 à Saint-Antoine ». Le maire est confronté à des questions concrètes : il n'y a plus d'agriculteurs à Dionay et plus personne pour déneiger les routes. Ce sont donc les services techniques de Saint-Antoine-L'Abbaye-Saint-Appolinard qui s'en chargent. L'employé communal de Dionay partant à la retraite, le rapprochement a été d'autant plus naturel. Quant à la secrétaire de mairie de Dionay, elle vient désormais en renfort administratif de Saint-Antoine. Les choses n'ont pourtant pas été aussi simples et il y avait bien des opposants pour dire que « nés à Dionay, ils ne voulaient pas mourir à Saint-Antoine », mais le maire est objectif. « Quel est le poids du maire d'un petit village dans une grande communauté de communes comme le Sud Grésivaudan ? ». La loi Notre a fini de convaincre les élus. « C'est une carotte réelle : la dotation de 2015 sera reconduite et majorée de 10% pour les communes de mois de 2 000 habitant », argumente celui qui deviendra maire délégué au 1er janvier 2016. Aujourd'hui, il aborde la phase administrative de la fusion : transfert de la comptabilité, mais aussi changement de syndicat des eaux. En effet, Dionay qui relève du syndicat de la Gallaure, c'est-à-dire de Bièvre-Valloire, passera à celui de Saint-Bonnet-Saint-Antoine. « Savez-vous que nous sommes la dernière commune de l'Isère à avoir été raccordée au réseau d'eau potable en 2000 ? », rappelle le maire du pays des sources.
ID