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Cinéma

"Même pas mal" : le bien-être animal, c'est pas du cinéma

Et si on se faisait du bien en écoutant nos vaches ? Tel est le propos de "Même pas mal", un documentaire écrit par Patrick Morel et Thierry Hétreau, qui sera projeté au cinéma Le Cartus de Saint-Laurent du Pont le 2 avril à 20 h 30. La projection du film sera suivie d'un débat avec les auteurs.

"Même pas mal" : le bien-être animal, c'est pas du cinéma

Co-écrit par Thierry Hétreau, vétérinaire au Centre d’élevage de Poisy et fin connaisseur de la profession, "Même pas mal!" aborde plusieurs situations potentiellement douloureuses pour l'animal... et stressantes pour l'exploitant. Un vêlage expliqué avec force détails et gestes précis, un écornage de veau, le quotidien des éleveurs est transcrit sans détour et sans voile. Normal : le film est d'abord réalisé à leur intention.

Symbiose homme-animal

Mais le documentaire n'aborde pas seulement le vécu. Il fait intervenir des scientifiques de tous ordres : un neurobiologiste de l'Inra-Agro Paris tech, une professeur d'école vétérinaire, une maître de conférence de l'Oniris, un philosophe également... Chacun parle avec son regard pointu de la douleur et de sa gestion par l'éleveur. Les uns expliquent scientifiquement les mécanismes engendrant la douleur, les autres exposent les nouvelles possibilités de prévention ou de traitement de cette dernière. Car la douleur, chez un animal, n'est pas inéluctable. Sans tomber dans des excès d'antropomorphisme dans lesquels certains voudraient les entraîner, la douleur ne doit pas être ignorée par les éleveurs. Mais de cela, ils en sont déjà persuadés. « Quand plusieurs vaches dans un troupeau boitent, l'éleveur va mal, témoigne Yves Boursier, président du GDS. Un parage permet de rétablir les animaux et le moral de l'éleveur avec ». Les conditions de travail également. Thierry Hétreau le souligne : « Avec l'agrandissement des troupeaux, la relation à l'animal se distend. Vous les approchez finalement presque uniquement quand il y a un problème. Le risque c'est qu'il vous associe uniquement à un mauvais moment pour lui. Que ce soit dans le cadre d'un écornage ou d'une mammite, c'est pareil. Du coup, il peut craindre votre contact et devenir violent ou imprévisible. Il faut éviter d'en arriver là »

Bienveillance du public

Les éleveurs méritent-ils la mauvaise image que l'opinion publique peut parfois recevoir au travers des médias ? Non, estime Patrick More, le réalisateur du film : « Les éleveurs ont un capital de bienveillance du public. Ils se voient eux-mêmes, plus négativement que la majorité silencieuse. Ce film est là pour les aider à faire voir qui ils sont, ce qqu'ils font et qu'ils le font bien. Il montre que ce sont des professionnels, qu'ils agissent en connaissance de cause et queils gardent un rapport très fort avec l'animal ».

Jean-Marc Emprin
Gestes

Les analgésiques, outils efficaces

La douleur chez l'animal peut s'anticiper et souvent largement s'atténuer. Des possibilités existent. Le film « Même pas mal » le démontre et l'explique grâce à plusieurs témoignages et cas concrets. En projection publique, ce qui fait le plus souvent débattre les éleveurs est le sujet de l'écornage. Même si Thierry Hetreau, vétérinaire, le compare en termes de douleurs, à un arrachage de dent chez un humain, il vaut mieux éviter au maximum un ressenti négatif pour l'animal, car il met toujours mal à l'aise l'éleveur. La pâte ou le crayon chimiques encore utilisés, ont de moins en moins les faveurs des paysans, car ils ne font que déplacer dans le temps la douleur ressentie.
Prévention
Le film nous apprend que l'on peut utiliser un anesthésique local injectable au moment de l'utilisation de l'écorneur électrique, et un anti-inflammatoire permettant de largement atténuer les sensations post-opératoires. Ce geste de prévention reviendrait aux environs de trois euros par écornage. « Il y a moyen de ne pas laisser l'animal seul face à la douleur, indique Delphine Holopherne, professeur à l'école vétérinaire de Nantes. On peut recourir à un analgésique local (qui coupe la transmission de l'information douloureuse vers le cerveau), un anti-inflammatoire (qui agit directement sur l'inflammation), de la morphine (qui diminue le message vers le cerveau) ou un tranquilisant qui calme et aide à mieux supporter la douleur. Dans le cas du renversement de la matrice lors d'un vêlage, on peut panacher ces moyens : un sédatif pour calmer, une anesthésie locale pour insensibiliser la zone et un anti-inflammatoire pour prévenir l'après ».
Confort des logettes
Mais une bonne prévention passe également par un bon environnement. Ainsi, le documentaire conduit le spectateur dans des bâtiments où les logettes mesurent 1,25m de large, 1,85m de long, trois mètres en tout par rapport au milieu du couloir de distribution. Elles ont une marche de 20 cm de haut et un matelas de 5 cm, une légère pente pour ne jamais être mouillée, des barres latérales souples... Autant de précautions qui ne coûtent pas vraiment plus chers à la construction, mais proposent un environnement parfait à la vache. « Un bovin doit se retourner environ trois fois par nuit. S'il est gêné, il ne le fera pas et restera donc sur le même flanc. Avec des risques de douleurs ultérieures », précise Thierry Hétreau.
JME