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Cultures spécialisées

« L'horticulture et la pépinière sont des productions de la terre »

Les professions de l’horticulture et de la pépinière font partie de la diversité des métiers de l’agriculture. Leur constante adaptation aux marchés, au changement climatique, aux contraintes qui pèsent sur le secteur, est indispensable à leur pérennité.

Par Isabelle Brenguier
« L'horticulture et la pépinière sont des productions de la terre »
Damien Vivier et Dominique Bonnardon sont pépiniéristes à Penol et La Côte-Saint-André.

En ce mois d’avril, l’activité des horticulteurs et des pépiniéristes bât son plein. Comme chaque année à cette époque, les professionnels du secteur mettent les bouchées doubles pour satisfaire les attentes de leurs clients. S’ils ne cultivent pas du blé ou du maïs, leurs productions sont bien des cultures issues de la terre et leur activité est bien agricole.

Les responsables du syndicat Verdir, qui rassemble des horticulteurs et des pépiniéristes des départements de l’Isère, de la Drôme, et de l’Ardèche, rappellent cette évidence et toutes les facettes de leurs métiers, qui travaillent avec le sol, le cycle de la nature et respectent les cycles de plantation et de taille.

Comme le souligne Dominique Bonnardon, gérant des Pépinières du Chuzeau, à La Côte-Saint-André, « nos activités n’ont pas toujours existé, elles émanent de l’agriculture. Et elles ont été créées parce que nos aînés faisaient partie du monde agricole et disposaient de surfaces et de matériel ». Très diversifiées, elles vont de la production de plantes coupées, de plants de légumes, de fleurs, de vivaces, d’annuelles, de bisannuelles, à celles d’arbustes ou de conifères…

Le bon produit au bon moment 

Les plantes profitent d’un intérêt accru depuis la pandémie et les effets du changement climatique. Le fort engouement et l’envie de retour aux sources connus pendant les confinements n’ont pas perduré, mais la nécessité de verdir les villes, les bâtiments, les écoles, pour garder la fraîcheur s’est imprimé dans les esprits.

« Nos métiers ont pris plus de sens dernièrement. Avant, l’univers de la pépinière et de l’horticulture relevait de la décoration. Aujourd’hui, il est aussi considéré comme un piège à carbone important », souligne Damien Vivier, pépiniériste installé à Penol, président du syndicat Verdir.

Les chefs d’exploitation ont toujours diversifié leurs productions conformément aux attentes de leurs clients, mais ces dernières années, ils ont dû davantage revoir leurs gammes pour s’adapter au changement climatique, et éviter que leurs plants ne souffrent trop. La période de gel a raccourci. Le repos végétatif est de plus en plus court. Certains plants restent toujours en sève, et quand ils sont replantés, les reprises sont difficiles. Même si ce n’est pas toujours aisé, surtout avec les arbres d’ornement qui ont besoin de sept à dix années pour être commercialisables, les professionnels se doivent d’avoir toujours « le bon produit au bon moment ».

Qu’ils la commercialisent en vente directe, aux jardineries, aux entreprises du paysages, aux collectivités, ou même qu’elle soit destinée à l’export, la distribution de leur production fait partie intégrante de leur activité. Chacun doit trouver ses débouchés.

La conjoncture de la filière est contrastée. Le secteur est très concurrencé par les producteurs étrangers. Les entreprises qui destinent leur production au marché du paysage connaissent une embellie permise par les grands travaux commandés par les collectivités qui veulent verdir leur territoire.

La situation est plus difficile pour celles qui sont organisées en vente directe et qui souffrent d’un affaiblissement du marché de la construction et de la baisse de pouvoir d’achat des consommateurs. De nombreux petites structures horticoles ont malheureusement disparu dernièrement faute de repreneurs. Mais ceux qui restent, ont trouvé leur équilibre économique. La qualité de leurs produits et de leurs conseils sont reconnus par leurs clients.

Besoins de main-d’œuvre

Les métiers de l’horticulture et de la pépinière sont techniques et spécialisés. Ils font appel à de solides connaissances en agronomie et en végétaux. « Il n’y a plus de formation spécifique dédiée, estiment les deux responsables. Nous sommes sur un tronc commun de maraîchage et d’horticulture rassemblant toutes les filières végétales trop large. Alors que nous avons besoin de connaissances de plus en plus pointues (1), nos formations le sont de moins en moins », déplorent-ils.

Aussi, l’expérience se construit beaucoup « sur le tas et tout au long de la carrière professionnelle ». « Même si nous recherchons du personnel qui dispose déjà d’une petite base technique, nous n’avons pas d’autre choix que de former nous-mêmes nos salariés dans nos exploitations », insiste Damien Vivier.

Gros employeur de main-d’œuvre, le secteur continue d’avoir des besoins. L’embauche en contrat saisonnier permet aux employeurs de détecter les personnes qui ont le sens de la terre et la main verte. Si elles sont intéressées, ils les forment par la suite.

« Comme l’ensemble des métiers de l’agriculture, nous souffrons d’une mauvaise image en termes de pénibilité et de rémunération. Pourtant, nos activités se sont mécanisées, notre tâche s’en est trouvée facilitée et les conditions d’embauche sont intéressantes », assure le responsable de Verdir.

Apports précis et localisés

Les horticulteurs et les pépiniéristes sont très concernés par la problématique de l’accès à l’eau. « Nous avons besoin d’irriguer tout au long de l’année, surtout pour les productions hors-sol. Alors qu’auparavant, il s’agissait davantage d’apports qui sécurisaient nos productions les années de sécheresse, aujourd’hui, nous avons besoin de procéder à des petits arrosages peu importants, mais indispensables », explique Damien Vivier.

Adhérents aux ASA (Associations syndicales autorisées), à l’ADI, (Association départementale des irrigants) de l’Isère, ils connaissent les mêmes difficultés que les agriculteurs à obtenir des volumes d’eau supplémentaires quand ils ont de nouveaux besoins.

« Pour autant, grâce aux nouvelles technologies basées sur des systèmes de sondes et d’automates, nous sommes devenus plus performants. Nos apports sont plus précis et localisés, ce qui nous permet d’être plus économes », ajoute-t-il.

Isabelle Brenguier

1) Les horticulteurs et les pépiniéristes importent aujourd’hui des plants qui jusqu’à maintenant n’étaient pas adaptés à notre climat, mais qu’ils sont contraints de rajouter à leur gamme et qui demeurent encore peu connus.

Filières végétales

Une gamme toujours renouvelée

Une gamme toujours renouvelée
Les Pépinières du Chuzeau produisent des arbres, des arbustes d’ornement et d’alignement, ainsi que des conifères.

L’activité des Pépinières du Chuzeau implantées à La Côte-Saint-André en 1920, propriété de Dominique Bonnardon depuis 1995, aurait pu tourner court. Mais grâce à la reprise d’un groupe allemand propriétaire d'une pépinière à Düsseldorf, qui était à la recherche d'une pépinière en France pour produire une gamme d'arbres de taille moyenne, elle se poursuit.

« Il est certain que j’aurai préféré la céder à un de mes fils ou de mes salariés, mais comme cela n’a pas été possible, je suis content qu’elle perdure en l’état, et que le personnel ait été gardé. C’était pour moi l’essentiel », explique Dominique Bonnardon, devenu gérant de la structure le temps d’un tuilage avec son successeur.

15 nouvelles variétés chaque année

Installées sur 90 hectares de sol limono-argileux favorables à l’enracinement et propices à ce type de plantations, les Pépinières du Chuzeau produisent grâce à leurs 15 équivalents temps plein, des arbres, des arbustes d’ornement et d’alignement, ainsi que des conifères.

« Chaque année, nous ne cessons d’adapter notre gamme et mettons en place 15 nouvelles variétés. Actuellement, nous privilégions une orientation ciblée sur les végétaux qui résistent au sec et au chaud. Nous sommes en capacité maintenant de cultiver des plants de type méditerranéen que nous n’avions pas avant à cause du gel », détaille Dominique Bonnardon. La pépinière commercialise sa production auprès de collectivités, de paysagistes et d’autres pépinières implantées dans 60 départements de France et exporte occasionnellement en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse et en Angleterre. 

IB

Le plus grand nombre d’adhérents

Le syndicat Verdir fédère une trentaine d’horticulteurs, de pépiniéristes, de rosiéristes, et de producteurs de légumes, des départements de l’Isère, la Drôme et l’Ardèche. Il a un rôle de défense et de représentation de la profession et son activité porte sur la promotion des productions et des métiers.

Tous les deux ans, les adhérents participent au salon Pépidéal, dédié aux professionnels du paysage, de façon à faire connaître au monde du paysage toute la production locale dont il peut profiter.

Ils sont aussi présents aux congrès des maires et mènent également des actions avec les Comités de fleurissement des départements dans lesquels ils évoluent.

« Nos activités sont bien présentes dans nos territoires. La région Auvergne-Rhône-Alpes est la deuxième productrice derrière celle des Pays de la Loire et notre syndicat est celui qui compte le plus d’adhérents », détaille fièrement le président de la structure, Damien Vivier.

IB