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Conversion BIO

"Nous n'avons pas franchi le pas"

Le Gaec de Genevais à Saint-Savin, participe à la quinzaine bio, pointant les obstacles d'un passage en bio.
"Nous n'avons pas franchi le pas"

Michel Lyobard (à g.) et François Garcin sont les deux associés du Gaec de Genevais à Saint-Savin.

« Le bio, tout le monde s'y intéresse, mais ce n'est pas si simple. Nous avons fait un diagnostic. On se croyait prêt, mais on en était bien loin ! »  François Garcin et Michel Lyobard sont les deux associés du Gaec de Genevais à Saint-Savin. C'est une exploitation mixte, céréales et élevage laitier. Elle dispose d'un quota de 460 000 litres de lait qu'elle réalise grâce à un troupeau de 60 vaches laitières, des montbéliardes et des prim'holstein. L'exploitation s'étend sur 130 hectares, dont 80 de céréales (maïs principalement, mais aussi triticales et blé) et 20 hectares ensilés. « Les céréales prennent cinq fois moins de temps que l'élevage pour un même revenu », reconnaissent les deux agriculteurs. Pour autant ils savent que leur modèle économique est basé sur l'équilibre entre les deux activités. « Il faut être bien organisé », poursuit Michel Lyobard, qui a réussi à réunir des terres autour de l'exploitation.

« Tout s'enchaîne »

Dans le courant de l'année, le Gaec a été approché par la chambre d'agriculture pour réaliser un diagnostic et estimer les implications d'un passage en bio. « Nous nous étions agrandis et avions trouvé 20 hectares de terres supplémentaires, alors nous nous sommes posés la question du bio, surtout que nous pensions que nous n'en étions pas si éloignés. Nous utilisons peu d'engrais, et tout notre fumier, nous n'achetons pas grand-chose pour les rations, hormis du soja. Les génisses consomment seulement du foin et des céréales maison », explique l'exploitant. L'étude a été réalisée cet été et les conclusions ont été rendues courant septembre. Les exploitants ont déchanté. « C'est complexe, tout s'enchaîne. Nous serions obligés de passer toute l'exploitation en bio. Nous pensions pouvoir y aller progressivement, commencer par les céréales. Mais à 50 ans, c'est difficile de changer entièrement le fonctionnement d'une exploitation qui tourne bien », explique Michel Lyobard. Le traitement sanitaire des animaux est clairement le deuxième point bloquant. Antibiotiques, produits de tarissement, hormones sont en effet bannis. « En bio, les génisses sortent dès cinq mois, alors que nous ne les faisons pas sortir pendant la première année. Elles vêlent à trois ans systématiquement, alors que nous les faisons vêler à deux ans ». Les exploitants craignent également de voir leur rendement descendre de 8 000 à 6 000 litres. Cela implique aussi de passer de 20 à 30 hectares en luzerne, d'opérer des rotations, de s'engager dans des productions comme le soja qu'ils n'ont pas l'habitude de cultiver. Ils se demandent, en outre, comment lutter contre l'ambroisie en bio, véritable fléau dans le secteur. Par ailleurs, ils estiment l'entretien mécanique des parcelles irréalisable en raison de leur déclivité, l'exploitation s'étendant sur 50 hectares de coteaux. Enfin, ils doutent des rendements céréaliers qu'annonce l'étude, supérieurs en bio à ceux qu'ils réalisent en conventionnel.

Valorisation du lait

Pour compenser la perte d'hectares céréaliers, il conviendrait d'agrandir le troupeau, donc la stabulation, qui est pleine. Et les deux agriculteurs n'ont pas envie de réaliser de nouveaux investissements alors que l'exploitation est entièrement amortie. Ils ont récemment procédé à l'entière rénovation de la station lait et changent régulièrement de tracteur, qu'ils achètent d'occasion. Les vaches sont renouvelées après leur troisième lactation et s'ils doivent songer à des investissements, c'est plutôt en vue de l'acquisition de terres à l'occasion de successions alentour, la ferme n'étant propriétaire que de 30 hectares.  Moyennant quoi, le Gaec affiche un chiffre d'affaires de 390 000 euros, « qui varie en fonction du cours du lait et des céréales », explique François Garcin.

Les deux agriculteurs reconnaissent cependant certains avantages au bio, comme la réduction des charges, la meilleure valorisation du prix du lait et des céréales et les trois années de prime à la reconversion. « Mais tout recommencer, ça fait peur. Pour celui qui s'installe, c'est sans doute bien, admet Michel Lyobard. C'est probablement plus simple pour les petites fermes et les circuits courts, pour ceux qui ont des filières intégrées, mais ici, nous n'envisageons pas de transformer le lait, c'est une ferme moyenne. » Echaudés par l'expérience de l'Union régionale des coopératives de vente de lait (URCVL) en 2009,  ils sont désormais collectés par la fruitière de Domessin. « Nous avons eu de la chance. Nous hésiterions à remettre de l'argent dans une coopérative. Or, en bio, il n'y a que des coopératives et on ne peut pas nous dire qu'une coop ne peut pas couler ! » Pour Michel Lyobard et François Garcin, le diagnostic a été riche en enseignements, les invitant à se questionner sur leurs pratiques. Mais leur conversion n'est pas encore pour demain.

Isabelle Doucet

L'exploitation a bénéficié d'un diagnostic bio référençant l'ensemble des étapes à franchir pour une éventuelle conversion.