La place de l’agriculture dans un monde qui bouge
À l’échelle internationale, locale ou privée, les mutations du monde interpellent les agriculteurs. Trois experts sont venus donner des clés d’analyse aux congressistes de la FNSEA.

« L’autonomie est vue comme une ardente obligation. » Le géopolitologue Pascal Boniface est intervenu lors de la table ronde organisée le 27 mars, au troisième jour du congrès de la FNSEA de Grenoble, avec une analyse sans concession quant à la situation de la planète.
Trois experts se sont succédé pour répondre à la question « Comment naviguer en responsabilité dans l’incertitude ? ».
Le sociologue Jean Viard a invité le monde agricole à davantage participer à la société.
Le spécialiste des réseaux sociaux Julian Perez a pour sa part conseillé aux agriculteurs amateurs de publications de « poster avec prudence et d’anticiper les réactions ».
« Ne pas sacrifier l’agriculture »
Car le monde change, touchant notre sphère privée, professionnelle et tout notre environnement. « Il n’y a pas d’affaire qui soit étrangère », déclare Pascal Boniface qui ajoute : « Les véritables révolutions stratégiques sont rares, mais nous sommes en train d’en vivre une. »
Pascal Boniface c ID TD
L’accession de Donald Trump au pouvoir de la première puissance économique et militaire mondiale rebat les cartes des équilibres mondiaux. L’axe Washington-Moscou qui se dessine oblige les Européens à s’organiser.
Le mépris des États-Unis envers le vieux continent peut être apprécié comme « une émancipation ». « Les vieilles thèses françaises sur l’autonomie soutenues par le général De Gaulle et considérées comme un piège sont aujourd’hui prises en considération », estime le politologue.
Il reprend l’adage des agriculteurs : « ne pas importer en Europe des produits que l’on n’a pas le droit de produire. Les européennes ont trop longtemps voulu protéger les consommateurs et pas assez les producteurs. Il faut voir les produits que nous pouvons cibler pour résister ».
Si la priorité est « de constituer une base industrielle et technologique », Pascal Boniface insiste sur le fait « qu’il ne faut pas méconnaître nos intérêts » et donc « ne pas sacrifier l’agriculture », car la puissance alimentaire est un atout européen.
Une société urbaine qui se ruralise
Observant les mutations de notre société, Jean Viard, décrit lui aussi un monde qui change. Il s’intéresse à « la société urbaine qui se ruralise », s’appropriant « un discours sur l’économie, les modes de vie et une définition de la campagne » selon leur prisme, largement répercutée dans les médias. Il en résulte « des concurrences sur les territoires ».
Jean Viard c ID TD
Pour casser ces certitudes qui se développent, il conseille aux agriculteurs « d’intégrer plus de gens qui ne sont pas du monde agricole dans vos questions », de les inviter dans les fermes, pour que « celui qui mange connaisse celui qui produit ce qui mange ».
Enfin, dans un monde qui bouge vite, les réseaux sociaux bougent encore plus vite. Problème « vous êtes très exposés face à des militants très organisés », assure Julian Perez, de Visibrain (1). Incontournables, les réseaux sociaux présentent des risques : cyberharcèlement, réputation, surcharge mentale.
Il délivre quelques conseils pour naviguer sans être submergé : éviter de donner trop de détails sur son exploitation, poster avec prudence et anticiper les réactions, s’entourer d’autres agriculteurs, profiter de sa communauté.
Julian Perez c ID TD
Julian Perez confie quelques résultats d’une étude menée par Visibrain et dévoilée au salon de l’agriculture.
Sur le réseau très en vogue Tik Tok, il a repéré 42 profils d’agri influenceurs (plus de 8 000 followers). « C’est le canal idéal pour capter l’attention et démocratiser un. secteur d’activité », assure-t-il.
Parmi les thèmes privilégiés, on retrouve la vie de l’exploitation, la vulgarisation du métier, les nouvelles technologies ou encore la profession version féminine.
Mais, quel que soit le réseau sur lequel l’agriculteur publie, Facebook, Instagram, Youtube, LinkedIn ou encore Snapchat, la règle de base reste « répondre avec honnêteté, sincérité et transparence », le meilleur moyen de fédérer une communauté.
Isabelle Doucet
(1) Visibrain : Plateforme de social listening : plus d'1 milliard de posts publics sont postés chaque jour sur les réseaux sociaux et Visibrain est une société de services qui facilite l'anticipation, la compréhension, et la prise de décisions.