La prévention plutôt que les traitements. C'est l'un des fondements de l'agriculture biologique. Mais, selon Catherine Experton, responsable du pôle élevage à l'Itab (Institut de l'agriculture et de l'alimentation biologiques), « il faut aller plus loin que cette affirmation et donner des clés pratiques aux agriculteurs pour qu'ils puissent l'appliquer ». D'où la mise en place de « Panse-bêtes », un outil pour aider les éleveurs à changer d'approche. En enregistrant l'ensemble des éléments se rapportant à un troupeau, « Panse-bêtes » permet d'identifier plus facilement les causes à l'origine des problèmes, et donc de chercher d'autres solutions que les traitements allopathiques pour y remédier. Disponible en version numérique sur le site www.panse-betes.fr et en version papier (il suffit d'imprimer le PDF présent sur le site), l'outil, conçu par  l'Itab, en collaboration avec des éleveurs, des techniciens et des vétérinaires, est décliné pour les espèces de ruminants suivantes : bovins lait, bovins viande, ovins lait, ovins viande et caprins.

Seuils d'alerte

Partant du principe que les impressions et les souvenirs ne sont pas des éléments fiables sur lesquels s'appuyer en cas de problèmes sanitaires, les concepteurs de « panse-bêtes » ont imaginé un document qui, par les questions qu'il pose, collecte des données - des indicateurs - sur l'état du troupeau. Répartis au sein de cinq pôles d'observation : le regard global sur le troupeau, la reproduction du troupeau, l'allaitement et les mamelles, le parasitisme, la santé des jeunes et la santé des pieds, le questionnaire aborde de nombreux sujets tels que l'état des bêtes, le taux de réforme, l'existence de troubles digestifs, le taux d'infertilité, l'existence d'avortements, la mortalité, les troubles respiratoires, les boiteries... A l'issue de ce remplissage, l'application met en perspective le bilan obtenu avec des seuils d'alerte. « Ces seuils d'alerte ont été choisis. Ils sont discutables car tous les éleveurs ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Ils dépendent de la conduite d'exploitation de chacun », reconnaît Catherine Experton. « Mais ils permettent aux utilisateurs de l'application d'avoir des valeurs de référence qui mettent en évidence les causes de déséquilibre et une fois celles-ci connues de se poser les bonnes questions », explique Michel Bouy, vétérinaire à Barbière, qui a mis au point la version informatique de « Panse-bêtes ». Et celui-ci de donner comme exemple l'utilisation qu'il a faite de l'outil pour un troupeau de 323 préalpes du sud. Ne connaissant pas du tout l'exploitation, il a rempli le document lors de sa première rencontre avec l'éleveur. L'application leur a permis d'avoir un bilan global de la santé du troupeau et de constater que toutes les difficultés rencontrées renvoyaient à des causes en lien avec l'alimentation. Ensemble, ils ont pu élaborer un plan d'actions et un calendrier qui avaient pour objectif d'améliorer la situation de l'élevage.

Si l'outil a été conçu pour les éleveurs en agriculture biologique, il est évidemment utilisable en conventionnel. « Les éleveurs peuvent s'en servir seul, mais nous estimons qu'il est encore plus performant lorsqu'il est utilisé en binôme ou en groupe. Dans ce cas, il crée un débat, une dynamique et le changement de pratique est facilité. Nous nous sommes aussi rendus compte qu'il est particulièrement efficace quand il est utilisé conjointement par l'éleveur et son vétérinaire », souligne Catherine Experton.

Isabelle Brenguier