Parasitisme porcin : surveillez les vers !

Chez le porc, le parasitisme interne (endoparasitose) revêt différentes formes. Les plus répandues sont les helminthoses et la coccidiose, une maladie digestive très fréquente chez le porcelet de 10 à 15 jours d'âge. Généralement peu spectaculaires, les helminthoses sont des maladies provoquées par les vers (helminthes). L'infestation se produit par ingestion d'œufs (ascaris, trichures), de larves (hyostrongylus, œsophagostomum), de l'hôte intermédiaire (métastrongylus, stephanurus), par pénétration de la peau (strongyloides, stephanurus) ou par passage transplacentaire.
Sous-diagnostiquées, les helminthoses peuvent entraîner des maladies influant sur les performances zootechniques de l'élevage (consommation alimentaire, retard de croissance...). Elles risquent de provoquer des dommages mécaniques sur les animaux (lésions, irritations se traduisant par des diarrhées, de la toux, une implantation de bactéries...), déclencher une anémie (pour les vers qui se nourrissent de sang), un inconfort et jouer un rôle majeur dans la baisse des défenses immunitaires. « Quand un cochon est parasité, un état d'équilibre s'installe, explique le docteur Patrice Naval, du réseau Cristal. L'état est le plus souvent asymptomatique, mais le parasite n'est pas ignoré par le système immunitaire : le cochon doit s'en débarrasser. Si l'animal est fortement parasité, son système immunitaire n'a plus la capacité de réagir, ce qui peut avoir des conséquences sur son état sanitaire ou en cas de vaccination. »
Coûteuses impasses
Pour limiter les risques, il est important de vermifuger les animaux, même si l'on est tenté de passer outre pour faire des économies. « C'est une impasse qui peut coûter très cher en termes de conséquences sanitaires », avertit le docteur Naval. Comme il n'existe pas de produit miracle, pas d'autres solutions que de mener une lutte adaptée aux parasites présents dans l'élevage (un bilan parasitaire qualitatif et quantitatif est un bon outil d'aide à la décision). Il faut aussi surveiller les animaux à risque (truies, porcs à l'engraissement, élevage en plein air...), cibler la période prépatente (1) et le spectre d'action (larvicide, adulticide...) et bien penser les séquences de traitement (rythme, durée, doses, rémanence). Sans oublier de choisir ses traitements en fonction de leur facilité d'administration et de leur coût.
De toutes les endoparasitoses, l'ascaridiose et la trichurose sont considérées comme majeures dans leurs effets. Donc à surveiller de près. La plus fréquente est l'ascaridiose, qui concerne surtout les porcs à l'engraissement. Ses symptômes cliniques étant peu nombreux, l'ascaridiose se voit surtout à l'autopsie : vers dans l'intestin, lésions sur le foie et les poumons, « taches de lait » sur le foie (cause de saisie classique à l'abattoir). L'éleveur peut cependant réaliser une coproscopie pour mettre en évidence la présence d'œufs ou une sérologie (test Serasca) « En cas d'infestation massive, le cochon se met à tousser : c'est un signe de pneumonie, indique Patrice Naval. Si un cochon tousse en plein air, il faut penser aux vers. » La contamination se fait par le sol (avec des œufs ou des larves). Les larves migrent dans le corps et se développent dans l'intestin, où chaque vers peut pondre un million d'œufs par jour pendant deux mois...
Vermifugation stratégique
Lorsqu'un bâtiment est infesté d'ascaris, il est très difficile de s'en débarrasser. L'éleveur peut essayer de diminuer la pression par le nettoyage et la désinfection. Les ascaris étant très résistants et peu sensibles aux désinfectants classiques, il est recommandé de procéder à des lavages réguliers à l'eau chaude (+ de 60 °C) ou à la vapeur. Pour les élevages en plein air, si le soleil direct peut faire baisser la viabilité des formes infestantes (ascaris résiste tout de même de -5 à 30 °C...), le mieux est de privilégier la rotation des parcours, en prenant soin d'en laisser un vide pendant six à huit mois. « Attention, c'est bien, mais ça ne fait pas tout disparaître », prévient le vétérinaire. Dans tous les cas, l'éleveur doit mettre en place une lutte associant vermifugations stratégiques à base de levamisole ou de piperazine (en ciblant les reproducteurs pour limiter l'infestation chez les porcelets, les porcs à l'engraissement pour limiter l'infestation et l'excrétion...) et mesures de conduite adaptées au type de sol (« tout plein, tout vide », rotation des parcours...).
Marianne Boilève
(1) Période qui sépare l'ingestion de formes infestantes de l'excrétion des premiers œufs.
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