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Gestion pastorale

Pâturer ou broyer : quelle est la meilleure méthode pour maîtriser la broussaille ?

Maîtriser l'embroussaillement d'une parcelle implique de choisir des techniques appropriées au terrain et au troupeau. C'est ce qu'explique Cyril Agreil, qui a effectué de longues recherches à l'Inra avant de mettre son savoir au service des éleveurs.
Pâturer ou broyer : quelle est la meilleure méthode pour maîtriser la broussaille ?

Quand on réfléchit aux moyens de sécuriser son système d'alimentation ou que l'on cherche à augmenter sa surface de pâturage, plusieurs pistes sont possibles. Y compris la reconquête de secteurs embroussaillés. Faut-il pour autant lutter partout contre la broussaille ? Et avec quels moyens ? Cyril Agreil, ancien chercheur à l'Inra devenu technicien chez Scopela, recommande surtout de bien réfléchir à ses objectifs d'évolution avant de choisir les techniques que l'on va utiliser pour maîtriser l'embroussaillement d'une parcelle : « Il est important de penser en amont pour voir s'il vaut mieux faire régresser les ligneux, maîtriser leur dynamique, ou au contraire les faire progresser », explique le spécialiste qui a suivi plusieurs éleveurs isérois dans le cadre d'une formation sur le pâturage des prairies permanentes. Car, sous leurs allures envahissantes, les ligneux présentent parfois un intérêt. « Lorsque la parcelle n'a pas les caractéristiques voulues et qu'il va être difficile de la faire évoluer uniquement par une modification de la flore herbacée, l'augmentation des ligneux peut permettre de favoriser certaines espèces, indique le technicien. Elle peut également contribuer à améliorer le report sur pied de l'herbe, augmenter la productivité de l'herbe sur des sols maigres ou peu fertiles, diversifier les ressources alimentaires et même apporter de l'ombre pour le troupeau en été. »

A chaque parcelle sa réponse

Il est donc important de commencer par réfléchir à la destination de la parcelle que l'on veut débroussailler. Si l'on souhaite rendre la végétation herbacée plus précoce, améliorer la productivité de la strate herbacée dans une parcelle assez fertile ou faciliter la circulation des animaux, il est nécessaire de lutter contre les ligneux. Mais comment ? Par la dent du troupeau ou celle du gyrobroyeur ? A chaque parcelle sa réponse. Globalement, on peut provoquer la mortalité des ligneux (peupliers, genêts cendrés, chataîgniers, frênes, chênes, genêts à balais, églantiers, prunelliers, aubépines, ronces, semis de résineux ou de feuillus, semis de broussailles épineuses…) en choisissant des pratiques qui diminuent « leur capacité à mettre en réserve ». Si l'on veut s'en débarrasser, il faut donc faire pâturer les ligneux (comestibles) au démarrage de végétation et surtout pendant leur période de croissance, au moment de l'élongation des nouvelles tiges ou de la mâturation des fruits pour diminuer fortement leur réserve racinaire. Attention : le pâturage en dehors de cette période, loin de les pénaliser les ligneux, leur permet une mise en réserve énergétique.

Les agnelles montrent l'exemple

Pour obtenir un résultat probant, il faut choisir des lots de bêtes « aptes à prélever la ressource ligneuse et pouvant venir sur les surfaces ciblées en période d'élongation des tiges », conseille Cyril Agreil. « C'est compliqué pour un animal qui n'a pas l'habitude : chaque broussaille a des épines différentes : il faut apprendre à les pâturer », témoigne d'expérience Romain Ollier, de la ferme de la Grangette. Nicolas Championnet, éleveur d'ovin, a pris le partie de lancer ses agnelles en éclaireuses : « Les jeunes sont très plastiques, explique-t-il. Comme elles n'ont pas d'a priori, elles ont montré la voie aux autres. Il est vrai que les vieilles ont plus de mal. D'où l'intérêt de bien faire ses lots. » 

Le broyage stimule la croissance

Il est également important de bien réfléchir la densité du troupeau débroussailleur : « Plus on serre les bêtes sur une parcelle, moins elles expriment leur préférence alimentaire », rappelle Cyril Agreil. Laure Collin, qui élève 45 charolaises à Sinard, en a fait l'expérience sur l'une de ses parcelles qui, chaque été, nécessitait un gyrobroyage des buissons de ronces. Le broyage stimulant la croissance et la multiplication des ligneux, l'entreprise a rapidement atteint ses limites. Sur les conseils du technicien, l'éleveuse a ajusté ses pratiques : les parcs ont été franctionnés, la taille du lot de bêtes mises à pâturer augmenté et un pâturage tournant a été instauré, ce qui a permis d'« augmenter le chargement instantané sur le parc embroussaillé afin de favoriser la consommation de la ronce aux mois de mai et de juin ». Résultat : les buissons de ronce ont diminué en taille et le parc a été rendu plus appétent.

Sans rejeter de facto le broyage, Cyril Agreil recommande de bien faire ses calculs. Une prestation de broyage peut être utile, mais elle a un coût : celui-ci est-il inférieur ou supérieur au coût d'achat du foin ? D'autant qu'il faut un suivi derrière le broyage : si l'on ne met pas les bêtes à pâturer au bon moment, les ligneux reviennent, plus gros que précédemment. C'est ce qui est arrivé à Julien Van Ee, éleveur à Nantes-en-Rattier : « Une fois qu'on a engagé un truc avec le broyeur, témoigne-t-il, il vaut mieux aller jusqu'au bout, sinon, c'est plus grave qu'avant ! »

Marianne Boilève