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Sud Grésivaudan

Paysans - lycéens : dialogue en cours

Souhaitant recréer du lien avec les habitants de leur territoire, cinq agriculteurs du Sud Grésivaudan sont allés parler métier avec des classes de première du lycée La Saulaie à Saint-Marcellin. Les fruits de ces échanges seront récoltés le 14 février, lors de l'assemblée générale du comité de territoire.
Paysans - lycéens : dialogue en cours

A la ville comme à la campagne, l'agriculture interroge. Elevage, pratiques, modes de production, circuits de commercialisation : les Français s'intéressent autant à l'évolution des paysages qu'au contenu de leurs assiettes. Pour répondre à ces interrogations « autrement par la justification », le comité de territoire du Sud Grésivaudan (CTSG) a décidé de miser sur la pédagogie. Son idée : faire dialoguer les producteurs d'aujourd'hui avec les consommateurs de demain. « On voit que la société est de plus en éloignée de la réalité agricole, constate Olivier Gamet, agriculteur à Chatte et président du CSTG. A nous de recréer du lien avec les habitants du territoire. » C'est ainsi qu'avec quatre collègues (un autre producteur de noix, deux éleveurs et un maraîcher), le nuciculteur s'est porté volontaire pour causer métier avec des classes de première L, S et ES du lycée La Saulaie, à Saint-Marcellin.

Remettre les pendules à l'heure

Ce matin du 7 février, c'est au tour de Cyril Meyer-Guenego de se prêter à l'exercice. Le maraîcher de Notre-Dame-de-l'Osier arrive les mains dans les poches parler agronomie, vie des sols et rythme des saisons à des adolescents qui, pour la plupart, n'ont jamais eu le moindre contact avec le monde agricole. « J'ai accepté de le faire parce que sur les marchés, j'ai beaucoup de clients qui me demandent des tomates en avril, confie le maraîcher. J'ai l'impression que les gens sont en complet décalage avec les saisons. C'est important de remettre les pendules à l'heure. Notre agriculture est contrainte de s'adapter aux cycles de consommation : on veut tout, tout de suite. »

Face aux élèves, Cyril Meyer-Guenego essaie donc de remettre du réel dans la vraie vie. Avant d'entamer la séance, Perrine Mignot, professeur de SVT, en rappelle l'objectif : « Il s'agit de se concentrer sur ce qui se pratique aujourd'hui en agriculture, sachant que le 14 février, nous nous rendrons au forum organisé par le comité de territoire pour poser nos questions sur l'agriculture de demain. » Message reçu.

Le maraîcher commence par dresser un portrait rapide de son exploitation et décortique sa pratique à grand renfort de croquis au tableau : « Je ne fais pas de labours, je travaille avec un machine à bêcher qui permet de préparer le sol tout en conservant sa structure. Est-ce qu'il y en a parmi vous qui ont déjà repiqué une plante ? » Personne. Le maraîcher poursuit son exposé, adapte son propos. « Pour semer des plantes, il faut préparer le sol. Il y a différentes manières de faire. Moi, j'ai envie que mon sol soit vivant, qu'il soit plein de vers de terre, de champignons, d'algues, de micro-organismes, de façon à bien nourrir mes plantes. » Studieux, les élèves écoutent, prennent des notes, recopient les schémas. Parfois une main se lève : « Les champignons et les micro-organismes, à quoi ils servent ? » Cyril prend le temps d'expliquer : il est là pour ça.

Lien avec le territoire

Les échanges se poursuivent sur des quantités de sujets. Ça cause engrais, compost, anaérobie, arrosage, lutte contre les prédateurs, outils, rendement, prix des légumes... « Sur une même surface, vous produisez autant qu'un agro-système ? » Après avoir demandé à l'élève ce qu'il entendait par « agro-système », Cyril répond qu'il est en bio, qu'il récolte moins, mais qu'il utilise également moins d'intrants. Le maraîcher en profite pour faire le lien avec le territoire et rappeler une réalité dont les adolescents n'ont pas forcément conscience : « Si on devait nourrir les habitants avec ce qui est produit ici, dans le Sud Grésivaudan, il n'y aurait pas assez. A l'inverse, il y a beaucoup de production de noix, mais tout n'est pas consommé sur place. »

Petit à petit, le maraîcher, comme ses quatre collègues, fait comprendre aux élèves la complexité du fait agricole. Dans chacune des séances, les agriculteurs ont conduit les jeunes à s'interroger sur leurs besoins, le coût réel des aliments et les conséquences de leurs attentes parfois contradictoires. « On ne peut pas être contre l'élevage intensif et avoir envie d'un burger au poulet à deux euros ! », résume Raphaël Gaillard, éleveur de bovin viande qui s'est prêté au jeu dans une autre classe. Autant de petites graines semées dans les esprits... qui finiront peut-être par germer un jour.

Marianne Boilève