Perraud sauvé par 29 PME

C'est une opération inédite et menée en toute discrétion qui en dit long sur l'évolution du milieu du transport de voyageurs. Le groupe Perraud, l'un des plus grands et plus anciens transporteurs isérois (300 véhicules), a été sauvé de la faillite par un consortium de 29 PME, dont une majorité d'autocaristes. Dans un secteur hyperconcurrentiel, où PME et géants des transports de voyageurs s'affrontent autour de l'attribution de marchés publics, qui représentent entre 50% et 80% de leur activité, l'équilibre économique des autocaristes est parfois fragile. A Tullins, Perraud a payé le prix fort qui, après le rachat hasardeux du groupe Eyraud, n'a pu retrouver une santé financière. Le recentrage de ses activités n'a pu combler ses pertes et l'entreprise a été placée en sauvegarde, assortie d'une période d'observation de 18 mois. « L'entreprise était adhérente de l'association Réunir*. Durant la procédure, nous nous sommes demandés comment cela se terminerait. Et ça ne pouvait pas bien finir », explique Alain-Jean Berthelet, PDG des cars Berthelet (300 salariés, 200 véhicules, CA : 22 millions d'euros) à Crémieux et président de Réunir. L'idée à ainsi germé de monter un dossier, trouver les 4 millions d'euros susceptibles de tirer l'entreprise du gouffre, mais surtout persuader les partenaires financiers de Perraud d'abandonner leur créances. « Il nous a fallu convaincre que le projet était pérenne et rappeler que nous serions à nouveau appelés à travailler ensemble », poursuit le président de Réunir. La SA Easynove, structure financière porteuse du projet, a ainsi été créée sur l'initiative de Frédéric Pinet (transports Pinet), devenu président du directoire du groupe Perraud, Alain-Jean Berthelet, Philippe Borini (Autocars Borini), président d'Easynove, et Yves Plessis (les Courriers Rhodaniens), ainsi que Gilles Pernaton, du cabinet Pokka. Elle détient 80% du capital de Perraud, Serge Perraud en conservant 20% et restant à la présidence du conseil de surveillance.
Les sauveteurs ont ainsi permis de conserver les 420 emplois de l'autocariste de Tullins en maintenant l'exploitation de ses lignes. Ils espèrent dégager un chiffre d'affaires de 25 millions d'euros au terme de leur premier exercice. Pour ces patrons de PME, cette gouvernance collégiale est une première. « Cela nous apprend à gérer une entreprise d'une autre manière », poursuit Alain-Jean Berhelet. Pour lui, l'opération Perraud « peut-être un bel exemple ». Il croit fort à la mise en commun des moyens des PME pour faire face à la fluctuation et à l'âpreté des marchés. « Perdre un marché ou en gagner un peut faire mourir une entreprise », explique-t-il. La question du périmètre humain, financier et matériel est essentielle. C'est la raison pour laquelle il n'était pas question de laisser filer les moyens de Perraud. Un dépôt de bilan aurait en effet signifié la possible récupération des marchés les plus intéressants, c'est-à-dire les marchés publics, par les majors nationaux ou suisses des transports, déjà très présents en Isère.
Isabelle Doucet
*Réunir, rassemble 200 entreprises de transports indépendantes, 8 000 salariés et 6 000 véhicules dans 19 régions, apportant à ses adhérents la mise en commun de fonctions support.