Promo chez Leclerc : le prospectus qui ne passe pas

Sur les prospectus, c'est écrit en toutes lettres : « Nos régions ont du talent. » L'enseigne qui les diffusent n'en a pas moins : E. Leclerc est capable de baisser le prix des produits laitiers de 50% à 80% alors que la rémunération des éleveurs est au plus bas. Tour de force ou provocation ? Lorsque Sébastien Poncet, éleveur à La Bâtie-Montgascon, a découvert la pub dans sa boîte aux lettres, son sang n'a fait qu'un tour : « Quand j'ai vu ça, j'ai appelé les collègues pour faire quelque chose. Nous avons décidé de nous rendre dans le magasin le plus proche pour faire remarquer au dirigeant qu'il se permettait de faire de grosses promotions alors que la crise du lait n'est même pas terminée. »
Ni une, ni deux, samedi dernier, en début d'après-midi, six éleveurs laitiers du Nord Isère (trois JA et trois adhérents de la FDSEA) ont improvisé une rencontre avec le PDG du centre Leclerc de Bourgoin-Jallieu. Prospectus à la main, ils ont demandé des explications. « C'est un coup de pression en vue des négociations de février entre les industriels et la grande distribution, explique Sébastien Poncet. Les GMS mettent une pression énorme sur les industriels qui nous paient déjà le prix du lait à moins de 300 euros. Le but, ce n'est pas de tout casser, mais de montrer que nous sommes vigilants. »
Politique du moins disant
Face aux éleveurs, Pierre Marmonier, le PDG du centre Leclerc, a argué que la responsabilité de ce type de promotion incombait à la politique de prix conduite par les industriels. « Mais nous lui avons fait remarqué que tant que la grande distribution mènera une politique du moins disant, nous n'arriverons à rien, déclare Aurélien Clavel, vice-président des JA de l'Isère. Leclerc est une association de PME indépendantes. Chaque PDG siège en commission nationale. Donc chaque PDG a du poids et peut faire remonter des infos, ce que nous espérons que M. Marmonier fera. Ce n'est pas comme si les enseignes étaient franchisées ! » Lundi soir, le PDG de l'enseigne nous informait par mail « avoir remonté [lundi] après midi auprès de la centrale nationale (le GALEC) les échanges avec les éleveurs laitiers de ce samedi » et que « des discussions avec l'industrie laitière sont déjà en cours sur cette problématique ».
Les six éleveurs isérois comptent bien sur cette « gentille » pression pour infléchir la politique tarifaire en faveur des produits laitiers. Pas simple : le « prix bas » est le premier des Dix commandements des tables de la loi Leclerc. Le PDG de l'enseigne de Bourgoin-Jallieu a beau jeu de mettre en avant le partenariat noué avec les producteurs locaux de la région, les éleveurs ne sont pas dupes : « Leclerc soigne son image en communiquant sur le fait qu'il achète du local, souligne Sébastien Poncet. Mais s'ils le font, c'est pour s'acheter une image et parce qu'il y a une demande. » Tout en reconnaissant que la conjoncture internationale ne joue pas en faveur des éleveurs laitiers, Aurélien Clavel dénonce la « double attitude » de l'enseigne : « Leclerc est assez souple avec les producteurs locaux, mais ils fixent des prix toujours plus bas de l'autre côté, ce qui ne permet pas aux producteurs d'obtenir des prix d'achats rémunérateurs. »