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Menus de fête

Quand les fermes se font auberges

Les exploitations qui ont fait le choix de se diversifier en proposant une activité de restauration sont rares en Isère. Ces adresses sont d'autant plus recherchées à l'approche des fêtes pour qui veut passer un réveillon aux saveurs dauphinoises.
Quand les fermes se font auberges

Elles sont si rares qu'on peut les compter sur les doigts d'une main.

Les fermes auberges, ou auberges paysannes iséroises cultivent cet art délicat du poêlon et de la binette, en marge des principaux circuits économiques.

Certaines cuisinent entièrement leur production, d'autres pour partie, mais il règne autour de ces tables un irréfutable parfum d'authenticité recherché par une clientèle bien plus souvent locale que touristique.

Spécialistes des grandes tablées, ces établissements savent répondre présent lorsqu'approche la fin de l'année et que se multiplient les repas de groupes, de clubs, d'entreprises.

Ils restent à pied d'œuvre pour les repas de Noël et du Nouvel an.

« J'aime bien Noël, car c'est un jour chaleureux, souligne Jocelyne Mihatsch de la ferme des Charrières à Herbeys. Ici, les gens viennent en famille, lorsqu'ils ne se sentent pas de recevoir beaucoup de monde à la maison, parce qu'ils n'ont pas la place ou encore pour des raisons d'accessibilité. »

 

La ferme des Charrières. 
(Crédi photo : ferme des Charrières)

Des cardons pour Noël

Pour les fêtes, elle propose un menu à 36 euros composé, en entrée, d'un velouté aux châtaignes, de toasts de foie gras, d'une assiette festive avec une mousse de poisson sur son lit de salade et, en plat principal, une oie aux pommes avec sa garniture : courges pomme d'or et l'inévitable gratin dauphinois, « ainsi que les cardons, car on ne peut y échapper à Noël », glisse l'aubergiste.

Jusqu'aux fromages et à la ronde de desserts, tous les produits sont issus des productions alentour, à commencer par celle de la ferme elle-même (œufs, légumes).

Puis en première intention, les produits viennent des Jardins épicés, exploitation qui a un passé commun avec l'auberge.

« Je suis attachée à l'éthique paysanne. Je travaille avec des produits de base, qui sortent de la ferme », insiste Jocelyne Mihatsch qui est adhérente du réseau Accueil paysan.

Les fermes de Belledonne sont largement mises à contribution, surtout celles qui approvisionnent le magasin de producteurs Herbe et Coquelicot à Herbeys : Gaec du Thicaud, ferme de Montgardier, ferme d'Allicoud, mais aussi la ferme de Pré Palon pour les volailles.

« La clientèle recherche une cuisine de produits locaux et traditionnelle à dominante bio. Je ne suis pas certifiée en agriculture biologique car les volailles ne le sont pas, mais ce sont des volailles fermières », précise la chef restauratrice.

 

La clientèle de la ferme des Charrières recherche les produits et le savoir-faire maison.
(Crédit photo : La ferme des Charrières)

 

Elle cuisine beaucoup de volailles et sait mettre en avant tous les légumes à travers des recettes de terrines, de potages, de salades et d'assiettes colorées.

« Je me suis posé la question de proposer une cuisine plus élaborée, mais les gens qui viennent ici veulent une cuisine de grand-mère et apprécient le frais et le local. Les légumes n'ont pas fait plus de 30 mètres ! »

Aux portes de la ville

Une ferme auberge, c'est aussi un cadre champêtre, une terrasse où il fait bon flâner, un accueil comme à la maison ou presque. Le domaine du Rocher Saint-Loup, à Vif, fait également partie du réseau Accueil paysan.

C'est un endroit insolite à la fois isolé et aux portes de la ville. Le réseau de transports en commun métropolitain peut déposer les clients au pied de la propriété, à qui il reste à gravir les 2,5 km de piste forestière.

« Pour les personnes âgées, ou lorsqu'il y a des bagages nous venons les chercher en 4X4 », rassure Stéphane Veyrat, qui a ouvert l'établissement il y a dix ans.

Pour les enfants, c'est encore plus drôle car les ânes viennent à leur rencontre.

La ferme auberge développe plusieurs activités.

C'est un ranch ou sont élevés des chevaux paint horses et quarter horses, des ânes et des chèvres.

C'est aussi une basse-cour avec ses poules, oies, canards mais aussi pigeons, paons, lapins ou  cochons d'Inde.

Les clients viennent le soir juste pour le repas et profitent du charme du retour à la lampe frontale ou bien choisissent de dormir sur place dans les yourtes. « Nous avons un large panel d'activités », explique l'aubergiste qui est aussi guide de montagne.

« On tue le cochon »

L'endroit est un peu magique, si bien que les réservations sont allées bon train pour le réveillon de Noël et du Jour de l'an.

L'auberge propose ces repas de fêtes entre 30 et 35 euros.

« Nous tuons le cochons pour l'occasion et nous proposons deux entrées dont une de boudins. En viandes, nous nous orientons vers du gibier - du daim – ou alors une oie », déclare Stéphane Veyrat. 

 

Réveillonner dans un endroit insolite comme au domaine du Rocher Saint-Loup.
(Crédit photo : Domaine du Rocher Saint-Loup)

 

« Sur place, les gens voient comment nous nourrissons nos volailles, ajoute-t-il. Quand ils arrivent sur la table, les poulets ont six ou sept mois, ce que l'on ne voit nulle part ailleurs. »

C'est son épouse qui est aux fourneaux, qui préparera également les tartes meringuées en dessert ou les bûches de Noël. Bien entendu, les fromages frais ou secs sont ultra locaux.
Le couple assure seul le service et la restauration.

« Pour les soirées, nous sommes aidés par une amie, également agricultrice. Nous pratiquons l'échange de main-d'œuvre ! »

Les restaurateurs reconnaissent que la ferme auberge est une activité particulière, un choix de vie.

« Nous ne fermons jamais et certains week-ends, nous ne dormons que deux ou trois heures », reprend Stéphane Veyrat pour qui le seul objectif est celui de la qualité : de l'accueil, des repas, de la vie.

La clientèle ne s'y est pas trompée qui remonte à Oriol d'une année sur l'autre et surtout fait fonctionner le bouche à oreille.

Suite logique

A Allevard, la ferme-auberge du Bessard, la seule du réseau Bienvenue à la ferme, ne sera pas ouverte en cette fin d'année.

Elle marque une pause dans la restauration jusqu'au mois d'avril tout étant très présente sur les tables de fêtes.

Et pour cause, les producteurs de foie gras sont en plein pic d'activité.

Avec un troupeau de moutons et 900 canards gras en Belledonne, Michel Lopez a fait le choix de la diversification en ouvrant une ferme-auberge et un gîte. Une question d'équilibre entre les activités.

« Le métier de restauration nous plaît car il est la suite logique de l'exploitation », explique le producteur.

« En Isère, les fermes sont davantage tournées vers la transformation et la vente directe. C'est peut-être ce qui explique qu'il y ait si peu de fermes-auberges, note enfin Jacqueline Rebuffet, référente du réseau Bienvenue à la ferme Isère. Les exploitants ne peuvent pas être sur tous les fronts, c'est une question de choix et de répartition du temps de travail. »

Pour pallier la rareté de ces bonnes tables paysannes, les fermes de l'Isère ne sont pas avares de produits festifs présents dans les magasins de producteurs ou en vente directe.

Isabelle Doucet

 

Autosuffisance

A la bonne franquette aux Tables d'Ophélie

« Gagner sa vie avec trois vaches ? C'est possible, quand on gagne un peu sur tout ». Paysan et aubergiste, Laurent Allegret a lancé la ferme auberge Les tables d'Ophélie à Trept il y a dix ans.
Journaliste, il a repris l'exploitation familiale pour se consacrer à ce projet.
« Nous proposons essentiellement les produits de l'exploitation. Il n'y a pas de carte prédéfinie », précise l'aubergiste.
Trois jersiaises, quelques moutons, de la volaille, du maraîchage : l'établissement est quasi autosuffisant, d'autant que la main-d'œuvre est aussi familiale.
« Lorsque j'envoie un veau à l'abattoir, alors j'en mets au menu pendant deux à trois mois », explique Laurent Allegret. « Ce sont les premiers clients qui appellent qui fixent le menu pour les autres en fonction des disponibilités de la ferme », précise-t-il.
 
Les tables d'Ophélie à Trept offrent un cadre familial. 
(Crédit photo : Les Tables d'Ophélie)

Pour les fêtes Les tables d'Ophélie, qui affichent complet, proposent un repas amélioré à 36 euros.
Le chef préparera un rôti de veau en croûte avec sa sauce au foie gras, une purée de potimarron du jardin ainsi qu'une purée de pommes de terre à l'huile de truffe.
Les entrées seront des foies gras parfumés au vin de noix – une fabrication maison - avec une confiture de tomates vertes ramassées avant le gel. En dessert, il y aura sûrement des omelettes norvégiennes.
« J'essaie d'adapter et de valoriser les productions, note l'aubergiste. Un repas n'est rentable que s'il comporte un maximum de produits de la ferme. »
La force des Tables d'Ophélie est « de proposer quelque chose qui sort de l'ordinaire ».
L'adresse draine une clientèle depuis l'est lyonnais, mais aussi des touristes qui aux beaux jours visitent Crémieu ou Morestel.
Ici aussi, le côté familial est recherché, « à la bonne franquette. Il n'y a pas que le repas, il y a aussi le cadre ».
Les Tables d'Ophélie comptent 60 couverts, soit à l'intérieur, soit en terrasse. La ferme auberge organise aussi des fêtes familiales, baptêmes et mariages.

 

 

Une charte pour les fermes auberges 

L'appellation ferme-auberge identifie les établissements ayant souscrit à une charte. La plus répandue est celle du réseau Bienvenue à la ferme que gèrent les chambres d'agricultures. En 2014 ce réseau comtait 370 fermes auberges en France.
D'autres établissements ont fait le choix du label Accueil paysan.
Ces chartes garantissent un accueil chaleureux et à taille humaine, l'authenticité des produits et une valorisation des productions animales et végétales de l'exploitation.