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Gestion de l'eau

Redessiner la Bourbre pour améliorer la qualité de ses eaux

Après avoir travaillé à réduire les sources de pollution de la Bourbre, l'heure est à l'amélioration de la qualité physique de la rivière. Le SMABB conduit un important projet de renaturation en ce sens.
Redessiner la Bourbre pour améliorer la qualité de ses eaux

Aider la nature à faire du bon boulot : c'est en substance la logique du projet de renaturation de la Bourbre que le SMABB (1) entend mettre en œuvre à l'horizon 2017, avec le soutien de la Capi (2). En effet, entre Bourgouin-Jallieu et Charvieu-Chavagneux, le cours d'eau, aménagé en canal de dessèchement au début du XIXe siècle, a perdu nombre de ses atouts naturels. Vers la confluence du Catelan, son caractère rectiligne et le peu de végétation sur les berges l'ont transformé « un secteur écologiquement médiocre » (il y a deux fois moins d'espèces de poissons que dans une rivière « normale » du même type) et fonctionnellement peu efficient. La rivière n'est notamment plus en capacité de s'auto-épurer, alors même que deux rejets importants de station d'épuration « rendent très sensibles l'eau de la rivière et de la nappe souterraine ». En outre sa configuration et le tassement des zones tourbeuses alentour favorisent les « dysfonctionnements » en tout genre, à commencer par les débordements et les inondations (accélération des crues par effet « canal »). Qui n'a le souvenir, en hiver, de vastes champs disparaissant sous l'eau ? « La tourbe, sur laquelle sont installés les terrains agricoles, se minéralise, se recompacte, se tasse et s'enfonce, explique Vivian Visini, expert en génie écologique. Les surfaces agricoles se retrouvent ainsi à un niveau inférieur à celui de la Bourbre : l'évacuation des eaux de surface est difficile. » D'où l'effet produit, inverse de ce qui avait été pensé à l'origine.

 

La Bourbre.

Situation d'équilibre

Comment revenir à une situation d'équilibre ? C'est toute la réflexion que conduit le SMABB à travers le projet de restauration du lit et de végétalisation des berges de la Bourbre. L'idée est de redonner à la rivière les caractéristiques d'un cours d'eau dit « naturel ». « Ce type d'intervention permet d'augmenter la diversité des écoulements et des milieux, et, à terme, d'améliorer la qualité de l'eau de la rivière en agissant sur sa capacité d'auto-épuration », indique François Bataille, chargé de projets Hydromorphologie au SMABB. Le syndicat conçoit ce vaste chantier comme un véritable projet de territoire, impliquant les acteurs locaux et conciliant les milieux naturels, les usages, les risques. « Il ne s'agit pas d'opérer un retour en arrière dans la gestion de la rivière (rectification de la Bourbre pour un usage agricole), précise le technicien, mais comme les enjeux ont changé du fait de l'évolution démographique, nous cherchons à rendre compatibles tous les objectifs et les usages de la rivière. »
Démarrée l'an dernier, une première phase d'études a abouti à différents scénarios d'aménagement, établis sous forme d'esquisses. Ce travail doit permettre d'évaluer précisément les impacts hydrauliques des aménagements (augmentation du risque inondation, stabilité des ponts...), ainsi que les conséquences sur les remontées des niveaux d'eau dans la rivière et sur les terrains. Pour chaque tronçon de la rivière, trois scénarios de renaturation sont envisagés (R1, R2 et R3), l'ambition - et le budget - de chacun allant croissant.

Enjeu pour les propriétaires

Après les études, la concertation. Le SMABB organise des visites de terrain depuis le mois de juin pour présenter le projet aux membres du comité de pilotage, ainsi qu'à tous les acteurs du territoire concernés par les futurs aménagements. En octobre dernier, agriculteurs, sylviculteurs, élus et représentants d'association se sont ainsi retrouvés entre Villefontaine et Chamagnieu pour visualiser le projet sur le terrain. Patiemment, schémas à l'appui, les techniciens détaillent les différents scénarios, leurs avantages et leurs inconvénients. « Si je comprends bien, l'enjeu, c'est d'atteindre un équilibre stable pour ne pas avoir à recommencer les travaux tous les dix ans », résume Jean-Bernard Griottier, conseiller communautaire à la Capi. Chacun réagit en fonction de son implication. « Si l'on peut redonner vie à la vie à la Bourbre en faisant quelques méandres, c'est intéressant, estime Michel Amattler, élu à La Verpillère. C'est une belle rivière, qui a le droit de retrouver de l'oxygène. » Les pêcheurs voient eux aussi d'un bon œil les évolutions proposées. Exploitants agricoles et sylviculteurs sont en revanche plus critiques : « Il y a un gros enjeu pour les propriétaires, fait remarquer Jean Claustre, de l'association Valfor. C'est une perte de terrains très riches, propices à la culture du maïs et du peuplier. » Pour le moment, rien n'a encore été arrêté. Chacun peut faire valoir ses arguments : la phase de concertation va se poursuivre jusqu'en mars 2016. Il faudra alors se prononcer sur un scénario, prenant en compte les limites et les contraintes objectives, notamment sur le plan financier.

Marianne Boilève

(1) Syndicat mixte d'aménagement du bassin de la Bourbre.

(2) Dans le secteur Bourgouin-Villefontaine, la Capi intervient comme co-maître d'ouvrage dans le projet de renaturation de la Bourbre : cela fait partie des mesures de compensation prévues dans le cadre de l'agrandissement de la station d'épuration de Traffeyère.

 

ENCADRE 
Esquisses pour des opérations de renaturation de type R2.
Conception TEREO

 

 

Trois scénarios pour un cours d'eau

R1, R2, R3... Derrière ces noms de code, trois types d'opérations plus ou moins ambitieuses censées permettre à la Bourbre de renouer avec ses équilibres naturels. Du simple aménagement du lit mineur avec léger retalutage des berges et impact foncier quasi nul (restauration de type R1) jusqu'à la création d'un nouveau lit par terrassement des francs bords avec diversification de toutes les composantes du milieu naturel et impact foncier conséquent (R3), les scénarios correspondent à trois niveaux d'aménagement avec une gradation d'ambition technique. « Nous sommes dans la phase de préconception, explique Vivian Visini, du bureau d'études Gen-Tereo. Plus l'aménagement sera conséquent, plus il sera efficace écologiquement. »
Le niveau R1 correspond à un travail sur le lit mineur et, à la marge, sur les berges. Le niveau R2 consiste à diversifier le lit mineur et le lit moyen, le second débordant sur le premier selon l'amplitude des sinuosités : il s'agit d'impulser « un phénomène d'érosion maîtrisé ». Le scénario R3ambitionne en revanche de redonner à la rivière l'espace dont elle a besoin pour « atteindre son équilibre hydro-sédimentaire ». Le SMABB reconnaît que l'impact foncier sera important. Une politique de maîtrise foncière sera menée en concertation avec les exploitants agricoles des secteurs concernés, avec l'appui de la Safer.
MB