Rémunérer et classer, les deux épines du bois

« Le secteur de la R&D* est fulgurant en matière de transformation forestière », constate avec enthousiasme Charles Galvin, vice-président du conseil général de l'Isère en charge de la forêt, lors de la rencontre sur les nouvelles techniques de caractérisation mécanique des bois. Cette réunion organisée à Clelles le 29 novembre par l'Association forestière Trièves-Beaumont-Matheysine (AFTBM) avait pour but de présenter de nouvelles méthodes, une de caractérisation, l'autre d'identification des bois.
« Rhône-Alpes possède parmi les meilleurs bois de France », n'hésite pas à affirmer Maxime Robin, directeur opérationnel d'Innodura, une société d'ingénierie dans les technologies de la filière bois. Si le jeune homme l'indique, c'est que près de 1 000 planches ont été analysées par son entreprise dans le cadre d'une évaluation grandeur nature de la machine à classifier le bois. Le principe existe déjà depuis quelques années : on frappe le bois pour le faire « sonner ». La résonnance rapprochée de la densité du bois permet de déterminer l'élasticité de la pièce. On peut avoir une bonne idée de la résistance à la rupture grâce à cela. Mais Innodura est allé plus loin en analysant finement le signal sonore obtenu, car le bois est une matière hétérogène qui peut cacher quelques défauts. « La méthode visuelle est insuffisante, surtout quand on classe les billons, commente Maxime Robin. Des planches ou des madriers tirés d'un même tronc au départ peuvent avoir des caractéristiques mécaniques très différentes, d'où l'intérêt d'etre plus précis ».
Des bois de grande qualité
Alors, les résultats de classification obtenus après plusieurs mois de recherche pour le compte de l'entreprise semblent flatteurs. Sur les 1 000 planches d'épicéa contrôlées, lorsqu'un lot présentait 100% en catégorie C18, la machine en a trouvé 99% ; en C24, quand le réel atteignait 85%, la machine relevait 82% et en C30, 57 et 51%. « En moyenne, on arrive à 70% de C30 en Rhône-Alpes, un très bon niveau, mais qui est loin d'être valorisé », regrette le responsable technique. Un constat qui désole évidemment les propriétaires forestiers présents dans la salle, qui ne doutent pas de la haute valeur mécanique des bois tirés de leurs forêts. En dehors de grandes entreprises telles que Bois du Dauphiné, capable d'investir dans du matériel très performant car elle peut également l'amortir, Innodura vise aussi un marché de petites scieries, qui auraient beaucoup à gagner en caractérisant finement leur production. Elle propose donc des machines, moins performantes en termes de volume de tri, mais tout aussi fiables et surtout beaucoup moins onéreuses.
Caractériser les performances mécaniques, c'est bien, mais encore faut-il que l'information reste connue tout au long de la chaîne de production. Jean Bernard, vice-président de la démarche Bois des Alpes, s'est chargé de la présentation d'une étiquette équipée d'une puce RFID, système analogue à celui des antivols présents dans les grandes surfaces. L'intérêt est de pouvoir emmagasiner de nombreuses informations (dont la provenance et les caractéristiques mécaniques par exemple) et d'être lisibles à distance, sur un camion ou dans un tas de bois. Mais fixées à la surface du billon, elles sont soumises aux risque de perte ou de détérioration et ne concernent que la pièce de bois brute sur laquelle elles sont apposées, pas ses déclinaisons débitées ultérieurement. L'innovation technique a donc encore ses limites vis-à-vis de la traçabilité du produit.
Cacophonie de filière
Mais, au-delà de considérations techniques certes importantes, il n'en demeure pas moins qu'une certaine cacophonie règne encore à l'intérieur même de la filière bois, chaque maillon regardant avec une très grande méfiance, celui d'avant ou d'après dans la chaîne de transformation, n'hésitant pas quelquefois à gratter le volume acheté ou les prix accordés. Patrick Lambouroud, directeur de l'interprofession Créabois l'a souligné : « Il ne faut pas se tromper d'ennemi : ceux du bois, ne sont pas les acteurs eux-mêmes mais les autres filières de matériau, béton, fer... Ce sont elles qui prennent des marchés. Le vent sociétal est derrière nous et nous pousse, il doit porter le bois dans son utilisation dans la construction ».
Jean-Marc Emprin