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Stratégie

Rendez-vous duo : du sur-mesure pour les éleveurs

Le plan de soutien financier à l'élevage mis en place en Isère l'an dernier s'est accompagné d'un suivi technico-économique des exploitations. Un dispositif plébiscité par les éleveurs, qui pourrait être étendu à d'autres filières en difficulté.
Rendez-vous duo : du sur-mesure pour les éleveurs

« Dans ma tête, j'avais la solution, mais j'avais besoin d'être soutenu. » Pour Stéphane Tirard, ça va mieux. Son Gaec, situé à Saint-Geoire-en-Valdaine (1), fait partie des 149 exploitations iséroises ayant bénéficié du plan d'urgence mis en place l'an dernier par le Département (2). Le jeune producteur laitier et son associée ont reçu un soutien financier pour faire face à leurs problèmes de trésorerie (cumulable avec les aides de l'Etat). Seule condition : accepter de se faire accompagner par un duo de conseillers proposant une double expertise économique et technique. Loin d'être pris comme une contrainte supplémentaire, ce couplage a été vécu par Stéphane Tirard comme une libération. « Ça a été l'occasion de se confronter avec des experts, de se mettre autour d'une table et de faire entendre des choses à mon associée », confie-t-il. Car si, techniquement, le Gaec « ne se débrouille pas trop mal » et que le troupeau présente un « bon potentiel laitier », la rentabilité n'est pas au rendez-vous. D'où l'intérêt stratégique de ce suivi technico-économique. Après analyse fine de la situation avec les éleveurs, les conseillers du Cerfrance et d'Isère conseil élevage ont proposé un plan d'action en quatre points : baisse du coût d'alimentation des bêtes, optimiser le renouvellement du troupeau, restructurer l'endettement de l'exploitation et améliorer les conditions de travail. « Ça m'a reboosté », confie Stéphane Tirard. 

Démarche de progrès

Ce couplage aide financière/accompagnement constitue la grande originalité du dispositif d'urgence isérois. Fruit d'un partenariat entre le Département, la chambre d'agriculture, Isère conseil élevage et Cerfrance, il a permis d'« engager les éleveurs dans une démarche de progrès », constate Pascal Denolly, président de la FDSEA. A chaque fois, la méthodologie est la même. Un duo de conseillers (3) se rend chez l'éleveur pour croiser les regards sur les performances technico-économiques de l'exploitation. Main-d'œuvre, troupeau, système fourrager, parcellaire, bâtiment, équipement : tout est passé en revue. Cette approche globale permet de réaliser un diagnostic corrélé à la situation réelle de l'éleveur et de proposer une feuille de route avec des objectifs accessibles en matière d'optimisation, de réduction des charges, d'organisation du travail, d'orientation stratégique et de trésorerie.

Elaboré en concertation avec l'agriculteur, le plan d'action ne se contente pas de lister les buts à atteindre. Il indique aussi comment y parvenir, qui doit y travailler et à quel horizon. Sont également recensés les opportunités et les atouts de l'exploitation (potentiel, dynamisme et réactivité de l'éleveur, qualité et stocks de fourrages...), les points de vigilance (alimentation, maîtrise des charges...) et les facteurs de risque (parcellaire, rapport avec les banques et/ou entre les associés...). Une approche très complète qui met en évidence les points forts sur lesquels s'appuyer, et les faiblesses auxquelles il faut remédier.

Quel avenir pour le dispositif ?

Plébiscités par les représentants de la profession et les éleveurs qui en ont bénéficié, les « rendez-vous duo » dressent une photographie intéressante de l'élevage en Isère. La plupart des éleveurs en difficulté reconnaissent un « besoin d'accompagnement sur la conduite du troupeau (reproduction, alimentation, insémination...) et sur l'autonomie alimentaire ». Malgré leur pertinence, ces rendez-vous ne seront pas reconduits tels quels l'an prochain, en raison des contraintes imposées par la loi Notre. Mais comme l'expérience a été très remarquée, notamment par la Région, un dispositif du même type devrait prochainement être mis en place. Et même élargi à d'autres filières en difficulté.

Marianne Boilève

 

(1) 2 UTH pour s'occuper 72 montbéliardes et leur suite, 108 hectares et une référence laitière de 602 000 litres.

(2) Le Département a versé 952 800 euros d'aide en faveur de 599 exploitations.

(3) Le Cerfrance a ainsi réalisé 90 rendez-vous, Isère conseil élevage 116 et la chambre d'agriculture 58.

 

Témoignage

« C'est du concret »

PHOTO ENCADRE
Eleveur à Vernioz, Nicolas Rousset a bénéficié d'une aide financière et d'un suivi technico-économique qui lui ont permis de « sortir la tête du guidon ».
Crédit photo : Nicolas Rousset
Nicolas Rousset n'a pas perdu son temps. En une demi journée, son rendez-vous duo lui a permis de « sortir la tête du guidon ». Installé à Vernioz en 2012, le jeune éleveur de bovin viande s'est rapidement laissé submergé par le volume de travail et les problèmes techniques liés à la conduite du troupeau. Sur le plan économique, les ventes sont allées croissant, mais les prix n'ont pas suivi. Nicolas Rousset s'est retrouvé dans une situation compliquée. Après une après-midi passé à décortiquer son système avec un duo de conseillers chambre (l'une de l'Isère, l'autre de la Drôme), Nicolas Rousset s'est vu proposer un plan d'actions sur-mesure allant de la conduite du troupeau à l'autonomie alimentaire en passant par la déclaration PAC.
Le diagnostic révèle qu'il existe une « marge de progrès importante pour améliorer la conformation et le poids des animaux à l'abattage » et que « l'alimentation des taurillons est à revoir », mais, globalement, le troupeau dispose de « gros atouts ». Les conseillers préconisent de faire trois lots de vaches pour éviter les vêlages à Noël et améliorer les résultats de reproduction, de produire quelques veaux rosés. Ils donnent aussi des clés pour améliorer le niveau génétique du troupeau. Ils recommandent également de donner le foin à l'auge, de modifier la ration des taurillons et de comparer les prix du tourteaux de soja et de colza avant d'acheter. Le jeune éleveur a par ailleurs été invité à visiter deux structures dans la Drôme, afin de s'inspirer de leur condutie technique. « J'avais suivi des formations à la chambre, mais ce n'était pas adapté, témoigne Nicolas Rousset. Ces rendez-vous duo, c'est intensif, mais c'est du concret : on remet tout à plat. Ça permet de prendre du recul. Ce serait bien si on pouvait bénéficier de ce suivi sur mesure dans le temps. Parce que tout seul, on ne se pose pas forcément les bonnes questions. »
MB