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Rentrée scolaire

Rythmes scolaires : un casse-tête pour les communes

Généralisée en 2014, la réforme des rythmes scolaires constitue une charge financière importante pour les communes qui proposent une offre périscolaire riche et diversifiée. Mais avec les moyens du bord.
Rythmes scolaires : un casse-tête pour les communes

C'est reparti pour un tour ! Le 1er septembre, les enfants ont repris le chemin de l'école... et des activités périscolaires. Deux ans après la mise en place d'une réforme qui était censée aboutir à un allègement des journées des enfants, quel bilan tirer de cette « réforme des rythmes à l'école primaire » qui s'est très vite transformée en « réforme du périscolaire » ? Pour le moment, aucune évaluation publique n'existe quant aux effets globaux de la réforme. Chacun développe donc son point de vue, avec un « impressionnisme » plus ou moins assumé.

Développer la curiosité des enfants

Aux yeux des « acteurs de la communauté éducative », le bilan est plutôt mitigé. S'il est encore trop tôt pour estimer les bénéfices de la réforme sur la réussite scolaire et le « développement de la curiosité intellectuelle » des enfants, un rapport de l'Education nationale souligne l'intérêt du retour à une cinquième matinée de classe : les enseignants ont plus de temps pour traiter le programme ou pour aider les élèves en difficulté. « La classe le mercredi matin, ça permet de travailler autrement, par exemple d'organiser des ateliers ou de travailler par groupe de besoins », confirme une institutrice à Saint-Jean-de-Moirans. Les inspecteurs n'en pointent pas moins la complexité et l'alourdissement des journées des enfants... auquel la réforme était censée remédier. De leur côté, les enseignants font valoir les difficultés de l'application de la réforme en maternelle, en dépit de la belle implication des agents spécialisés (Atsem). Ils évoquent également les problèmes matériels que cela peut poser (utilisation des salles de classe pour les temps périscolaires...) ou la fatigue accrue des élèves.
Pour les familles, la réforme est d'abord jugée au regard des changements d'organisation qu'elle implique (activités extrascolaires le mercredi, modification des horaires de travail, mode de garde...), des activités proposées à la sortie de l'école (intérêt, diversité, gratuité...) et de « la fatigue des enfants ». Les avis sont donc fonction de la situation de chaque famille, mais aussi de la commune dans laquelle les enfants sont scolarisés.

Inégalités territoriales

Contrairement à une idée assez répandue, les habitants des villes ne sont pas forcément mieux lotis que ceux des communes rurales. Tout dépend de l'implication des élus et de la concertation qui a été mise en place. Ou pas. Et c'est bien là que réside la plus grande inégalité, comme le soulève Laurence Béthune, maire de Saint-Jean-de-Moirans, professeur des écoles dans sa propre commune : « La réforme est très intéressante dans la mesure où elle permet aux élèves de bénéficier d'une ouverture en découvrant des activités auxquelles certains n'auraient pas accès dans un autre contexte. Je pense par exemple à la photo, à la magie, au théâtre ou à l'éveil musical. Mais je suis plus dubitative quant à ses effets en terme d'équité, dans le sens où le cadre n'a pas été assez précisé par le ministre. Chaque commune fait comme elle peut, comme elle veut. Tout dépend du bon vouloir et de la conviction de l'équipe municipale. »

Patois, cirque, tennis, musique, ou informatique : le temps périscolaire offre à de nombreux enfants la possibilité de découvrir des activités qu'ils ne pourraient faire autrement.
Crédit photo : centre social des Quatre-VentsVille-sous-Anjou et Assieu ont construit un projet commun et confie les activités au centre social des Quatre-Vents, qui leur facture les prestations des intervenants, qui ne doivent pas dépasser 50 euros de l'heure.
Crédit photo : centre social des Quatre-Vents

Aujourd'hui, la plupart des communes ont mis en œuvre un plan éducatif territorial (PEDT), sésame indispensable pour obtenir une aide financière de l'Etat. Mais toutes n'ont pas forcément mis la même ambition dans leur projet. Arguant un manque de moyens matériels et financiers, certaines se sont contentées de proposer aux enfants de leurs administrés une simple garderie. L'immense majorité a cependant pris la réforme à bras le corps et travaillé avec les acteurs de l'éducation (école, parents, élus, associations, centres sociaux, maisons pour tous...) pour construire une offre tenant compte des ressources et des contraintes locales. Il a fallu articuler temps scolaire et périscolaire, jongler avec les horaires de transport scolaire et surtout affronter d'épineuses questions, tant en matière d'organisation et de responsabilité, que de recrutement, de formation, d'encadrement, de locaux et bien sûr de financement.

Impact financier

Selon une enquête de l'Association des maires de France, l'impact financier de la réforme reste très lourd pour les communes, surtout dans un contexte de baisse des dotations de l'Etat. Dans les petites communes, le coût annuel moyen brut par enfant varie entre 150 et 220 euros par enfant et par an. Déduction faite des aides de l'Etat, les communes de moins de 2 000 habitants doivent débourser plus de 70% de la facture globale. « C'est lourd, mais nous avons prévu la somme dans notre budget communal et fait des arbitrages en ce sens », confie Pascal Baret, adjoint aux affaires scolaires de Saint-Honoré qui, comme la majorité des communes, a fait le choix de la gratuité, quitte à reporter certains investissements. D'autres équipes municipales ont préféré demander une participation aux familles. « Le fonds de soutien versé par l'Etat ne suffit pas, justifie Gérard Seigle-Vatte, maire de Paladru et président de l'association des maires ruraux de l'Isère. Pour couvrir les sommes investies dans le périscolaire, soit les communes augmentent les impôts locaux, soit elles sollicitent les familles. » Symbolique, forfaitaire ou calculée sur le quotient familial, cette contribution (de quelques centimes à 1 euro de l'heure) n'empêche pas les parents d'inscrire leurs enfants aux activités périscolaires, surtout en élémentaire. Plébiscitées par les enfants, celles-ci affichent en effet un taux de fréquentation entre 70 et 80% selon les communes.

Marianne Boilève

 

Les aides financières

Le fonds de soutien de l'État est versé à toutes les communes pour les écoles maternelles et élémentaires publiques ou privées sous contrat, ayant mis en œuvre la réforme et pour lesquelles les activités périscolaires sont organisées dans le cadre d'un projet éducatif (PEDT), soit 92 % des communes françaises. Le montant de l'aide s'élève à 50 euros par enfant et par an, plus 40 euros pour les communes éligibles à la dotation de solidarité rurale (ou à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale). Cette aide est accordée pour trois ans.
Les caisses d'allocations familiales (Caf) participent également à l'effort financier, via le soutien au développement des accueils collectifs de mineurs déclarés. Celui-ci est attribuée sous la forme d'une aide spécifique rythmes éducatifs (ASRE) de 56 euros par enfant et par an. Les accueils de loisirs périscolaires déclarés auprès des services départementaux en charge de la jeunesse sont également éligibles à la prestation de service accueil de loisirs sans hébergement (ALSH) qui s'élève à 0,52 euros/heure par heure et par enfant.

 

 

Système D… comme découverte

Pour mettre en place les activités périscolaires dans leur commmune, les élus ont sollicité toutes les ressources de leur territoire. Quitte à recourir à la mutualisation.
Foot, tennis, danse, théâtre, cirque, sciences, magie, couture, cuisine, jardinage, bricolage, poterie, photo, éveil musical ou musique assistée par ordinateur, club de patois ou... droit à la paresse. En Isère, l'offre de TAP (temps d'activité périscolaire) reflète l'état d'esprit dans lequel a été mis en œuvre la réforme des rythmes scolaires : peu de moyens, mais beaucoup de ressources. D'où un réel effort d'ouverture sur le monde offert aux enfants. Les élèves de Vatilieu ont ainsi découvert comment soigner un cheval, ceux de Cras et de Morette appris à fabriquer des briques et construire un mur en pisé, tandis que ceux d'Assieu ou de Ville d'Anjou ont pu acquérir des notions de diététique (avec une nutritionniste) ou s'intier aux gestes des premiers secours (avec une maman bénévole).
Dynamique territoriale
Faute de pouvoir s'appuyer sur leurs personnels ou les associations locales, certaines communes ont dû déléguer leurs TAP à des structures et des associations agréées, comme les centres sociaux ou les maisons pour tous. La grande majorité a pourtant su profiter de la réforme pour créer une dynamique territoriale, quitte à mobiliser ses agents et ses associations ou à s'associer avec d'autres communes. C'est le cas notamment de celles qui sont organisées en syndicats scolaires intercommunaux, comme le SSI de Cognin-les-Gorges/Saint-Gervais/Rovon, le Sivu (1) de Blandin/Chassignieu/Panissage/Virieu ou encore le syndicat des 5 écoles (2).
Pour parvenir à leurs fins, les élus tentent, autant que faire se peut, de mobiliser le tissu associatif local. Ce qui n'allait pas forcément de soi au départ : « Je craignais que la réforme n'enlève des adhérents aux associations, explique Laurence Béthune, maire de Saint-Jean-de-Moirans. Mais ça n'a pas du tout été le cas, car nous ne jouons pas dans la même catégorie. Avec le périscolaire, nous sommes dans la découverte, pas dans le perfectionnement. » Si les parents veulent que leurs enfants approfondissent les compétences acquises au cours des TAP, ils n'ont qu'une solution : les inscrire aux activités proposées par l'association qui les leur a fait découvrir.
MB
(1) Syndicat intercommunal à vocation unique.
(2) Le syndicat regroupe les écoles de Cras, Morette, Chantesse, Vatilieu et Notre-Dame-de-l'Osier. Dans le cadre des TAP, il propose des ateliers qui sont payants, mais pas obligatoires.