S'organiser pour moins travailler

« Eleveur laitier ? Trop contraignant ! On n'a plus de vie ? » Invités à intervenir sur la question lors de l'assemblée générale des agriculteurs de Chartreuse, Sophie Chauvat, de l'Institut de l'élevage, et Guy Jauneau, de la chambre d'agriculture de l'Isère, se sont efforcés de démontrer qu'il était possible de s'organiser pour rationnaliser le travail sans perdre en productivité ni en compétitivité. Sophie Chauvat a ainsi expliqué qu'il fallait « améliorer son temps disponible calculé » (temps qu'il reste aux exploitants une fois effectués le travail d'astreinte et les tâches saisonnières). Comment ? En mettant en place des solutions pour alléger les contraintes de travail. Ces solutions passent par la rationalisation de la conduite d'exploitaiton, l'innovation et l'externalisation. Il s'agit à la fois de réduire l'astreinte (par le changement de mode d'alimentation, la robotisation ou la mise en pension de génisses par exemple), de recourir à une force de travail extérieure (salariat, salariat partagé, entraide, banque de travail, service de remplacement...), voire de diminuer les « besoins en travail du système » par le biais de la réduction de la fréquence de traite ou du nombre de période de mise bas, l'achat de fourrage ou encore la simplification des façons culturales.
Stratégies gagnantes
Guy Jauneau a donné des exemples de « stratégies gagnantes ». Il a notamment évoqué le cas de deux frères installés en 1996 dans l'Ain, hors cadre familial. Pour ce jeune Gaec, tout est à construire, mais avec un objectif clair : concilier rentabilité économique et vie sociale. Les deux frères veulent en effet conserver intacte leur passion du métier et avoir du temps libre pour se consacrer à autre chose qu'à leurs vaches. Ils ont ainsi recherché des solutions alternatives et innovantes (fermeture de la salle de traite durant une partie de l'été, élevage des génisses sous des vaches nourrisses, regroupement des vêlages à l'automne...), quitte à « transgresser quelque peu les habitudes ou les croyances ancrées dans le monde de l'élevage ». Ces conduites techniques n'ont nécessité aucun investissement, mais ont abouti à des résultats économiques probants tout en libérant du temps aux deux éleveurs pour leur vie personnelle et leur responsabilités professionnelles.
Le technicien de la chambre a également passé en revue les outils collectifs (Cuma, entraide...) permettant un allégement conséquent du travail. Il a rappelé le fonctionnement d'une banque de travail, celui des groupements d'employeurs ou du remplacement organisé entre éleveurs. « La première chose, c'est de se fixer des objectifs en termes de niveau de production et de temps libre dégagé pour réaliser ses envies », conseille Guy Jauneau. Jean-Philippe Goron, du Contrôle laitier, invite les éleveurs à échanger entre eux : « Chacun a ses petits trucs et astuces : il faut que vous en parliez entre vous. » Jean-Claude Darlet, nuciculteur et président de la chambre d'agriculture iséroise, souligne quant à lui que l'organisation du travail, « c'est d'abord un état d'esprit : si on n'a pas mis quelque chose à la place du travail, indéniablement, on va travailler. » Plutôt que de s'autoriser à profiter de la vie...
MB
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