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Innovation

Seb : matière grise en campagne

Le fabricant français de petit électroménager investit régulièrement dans ses usines françaises de façon à rester à la pointe de l'innovation et maintenir l'emploi local. C'est le cas du site de Saint-Jean-de-Bournay, un des rares au monde à maîtriser la triple injection plastique.
Seb : matière grise en campagne

La nouvelle France industrielle, si chère au ministre de l'Economie, peut aussi avoir un sacré passé. A l'image de l'entreprise Seb, fleuron de l'industrie manufacturière française, qui emploie 26 000 personnes dans le monde, dont 6 000 en France et un millier en Isère.
Le groupe lyonnais créé en Bourgogne il y a 160 ans a fait de l'innovation et de la croissance organique à l'international ses moteurs de développement. Il réalise en 2015 un chiffre d'affaires de 4,77 milliards d'euros en progression de 8%. Son, PDG, Thierry de la Tour d'Artaise, livre quelques clés de la stratégie qui lui permet de maintenir des emplois en France. « Nous nous démarquons par l'innovation. Nous ne faisons pas de produits basiques. Ce serait illusoire de tout fabriquer en France. »

 

Thierry de la Tour d'Artaise, PDG de Seb.

 

Il est un des seuls fabricants de petit électroménager à produire encore en Europe. Le dirigeant poursuit : « Notre premier concurrent sur le petit équipement domestique, qui est Hollandais, fabrique tout en Indonésie où les coûts de production sont incomparables. »

Fers à repasser

Thierry de la Tour d'Artaise aligne quelques chiffres. Sur 31 sites industriels, 12 sont en France, qui couvrent 30% de la production mondiale. Dans la région, les sites de Rumilly et de Tournus produisent ainsi 200 000 poêles Tefal par jour, 45 millions par an. En Isère, le site Calor de Pont-Evêque a été racheté par Seb en 1972, de même que l'unité de production de plasturgie de Saint-Jean-de-Bournay. Le premier emploie 700 personnes auxquelles s'ajoutent une centaine d'intérimaires en saison haute (du printemps à l'été), et le deuxième 180 personnes. C'est la Mecque du fer à repasser. Accessoirement, de l'épilateur. Là aussi, les chiffres sont astronomiques : 4 millions de fer vapeur produits chaque année, 1,8 million de générateurs vapeur et 700 000 épilateurs.

 

A Pont-Evêque sont produits 1,8 million de générateurs vapeur par an.


Au-delà des volumes, l'entreprise s'est engagée dans un processus d'innovation en continu avec des moyens à la hauteur de ses ambitions. Elle a déposé 107 brevets en 2015. « Nous investissons 170 millions d'euros dans la R&D en France chaque année. Ce secteur emploie 1 300 personnes », avance le PDG. « La friteuse sans huile a demandé sept ans avant de sortir. Nous pensions que nous n'y arriverions jamais. Il faut tenir ! »

Injection trimatière

Un des principaux bénéficiaires de cette recherche est le site de Saint-Jean-de-Bournay qui maîtrise la triple injection. « Nous ne sommes que deux ou trois dans le monde à faire de l'injection trimatière », insiste Thierry de la Tour d'Artaise. L'entreprise saint-jeannaise a profité de lourds investissements issus des résultats de la recherche. En 2014, il a été équipé de cinq presses trimatière – sur un parc total de 50 presses - qui permettent de mouler trois pièces en une seule injection. L'investissement s'élève à 1 million d'euros (60% pour les presses et 40% pour le moule). Cette avancée technologique favorise la montée en compétence des équipes. Le site possède également un bureau d'étude de 60 personnes.

 

Le site de Saint-Jean-de-Bournay est un des rares à maîtriser la technologie trimatière.


« Nous renouvelons cinq gammes par an », explique encore le PDG. Seb consacre 3% de son chiffre d'affaires soit 150 millions d'euros par ans aux investissements industriels. La moitié des engagements est réalisée en France, dont environ 15 millions d'euros sur les deux sites isérois. C'est à ce prix que l'entreprise reste leader dans 25 pays sur les 150 où ses produits sont commercialisés. C'est le cas du générateur vapeur isérois qui pourvoit la moitié du marché mondial. Cette production en gros volumes d'une technologie avancée permet le maintien de l'activité en France et le dynamisme de territorires ruraux.

 

L'usine de Pont-Evêque est spécialisée dans l'emboutissage de pièces en aluminium et inox, dans le traitement de surface et la fabrication de cuves et de semelles.

Classe moyenne

A l'international, la stratégie de l'entreprise est basée sur l'agilité. Sa cible : la classe moyenne, qui représentera 5 milliards de personnes en 2030, dont 4 milliards dans les pays émergents. D'où le positionnement du groupe Seb en Inde, au Brésil, et surtout en Chine où elle est la seule société occidentale à avoir mis la main sur une société cotée à Shenzhen, en prenant le contrôle de la marque Supor. « Pour rester leader, nous respectons un équilibre entre le développement dans les pays matures et les pays émergents », explique Thierry de la Tour d'Artaise. Sa croissance externe a porté le groupe à la tête de six marques mondiales (Krups, Moulinex, Rowenta, Lagostina etc.) et une vingtaine de marques correspondant à des segments e marché ou des produits (Seb, Calor, Supor, OBH, Arno, T-Fal, Mirro, Wearever etc.)

Isabelle Doucet
Responsabilité environnementale

Les produits réparables 10 ans

Le groupe Seb affiche sa volonté de lutter contre le gaspillage, en lançant, fin 2015, le programme Produits réparables 10 ans. Une initiative qui tombe à pic avec l'entrée en vigueur du délit d'obsolescence programmée inscrit dans la loi sur la transition énergétique.
La démarche du groupe Seb consiste à garantir la disponibilité, pendant 7 à 10 ans, des 36 000 références de pièces détachées nécessaires à la réparation de ses produits. Sont concernées les marques Seb et Rowenta. Plus de 5 millions de pièces détachées sont stockées dans l'entrepôt du groupe à Faucogney en Franche-Comté. A terme, le dispositif s'appuiera sur un réseau de proximité de plus de 6 500 réparateurs agréés dans le monde, dont 250 en France. En amont, les produits sont conçus dès l'origine pour être plus aisément démontables par des professionnels. Ils sont le plus souvent composés de blocs assemblés et plus faciles à changer.
Le programme Produits réparables 10 ans doit être internationalisé en 2016. « Nous étions ringards sur le thème de la réparabilité, il y a 15 ans. Nous avons toujours insisté pour que les produits puissent être réparés, parce que c'est plus respectueux de l'environnement et c'est ridicule de jeter. Aujourd'hui, nous sommes très modernes », constate Thierry de la Tour d'Artaise. « Demain, nous pourrons réparer avec des pièces crées à l'aide d'un logiciel et d'une imprimante 3D. » Un programme est en cours de développement avec l'Ademe. L'entreprise soutient aussi la création de repair cafés, à Limoges, Périgueux et Tours.