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Stratégie d'entreprise

Sodiaal construit sa compétitivité

Laurent Vial est éleveur laitier en Isère. Administrateur de Sodiaal Union il est aussi vice-président de Sodiaal Sud-Est et a participé aux travaux prospectifs pour dessiner les contours de la Sodiaal 2020. Une puissante coopérative qui rassemble 14 000 producteurs dans 71 départements, collecte 4,6 milliards de litres de lait et réalise plus de 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
Sodiaal construit sa compétitivité

La stratégie de la Sodiaal consiste à se muscler encore pour atteindre la très recherchée taille critique. Celle sans laquelle les entreprises, qu'elles soient privées ou coopératives, risquent de ne plus compter dans la redoutable compétition internationale ouverte par la mondialisation des marchés. Laurent Vial rappelle que cette course à la compétitivité, la Sodiaal l'a déjà engagée avec le rachat d'Entremont. D'un coup, le mix-produit de la coopérative s'en est trouvé modifié. De coopérative essentiellement laitière, la Sodiaal a diversifié ses productions : 30 % en activités fromagères, 25 % en lait de consommation, le reste en produits frais, en beurre ou en lactosérum. Ce mix-produit rééquilibré permet à la coopérative d'accéder aujourd'hui au quatrième rang des entreprises laitières européennes. Car, depuis la reprise d'Entremont, la Sodiaal multiplie les rapprochements et les reprises. La dernière assemblée générale, le 9 janvier 2014, a validé son rapprochement avec la coopérative toulousaine 3A et l'intégration de la Copab, la coopérative de Leyment dans l'Ain, a été actée.

Des outils « euro compétitifs »

Ce développement externe de la Sodiaal, Laurent Vial le justifie par la nécessaire amélioration de la performance économique de ses outils industriels qui doivent tous devenir « euro compétitifs ». Car une insuffisante compétitivité laisserait à d'autres le marché européen, « l'un des seuls solvables au monde », observe Laurent Vial. Pas question non plus de ne pas répondre à l'appel de l'Asie dont les consommateurs sont inquiets devant la répétition des scandales alimentaires et demandent un lait d'une qualité certifiée. Pour répondre à cette demande, « la Sodiaal a conclu avec Synutra, le troisième opérateur chinois, à Carré dans le Finistère, un partenariat qui mobilise dans la durée 300 millions de litres de lait tracé. Les Chinois ont investi 100 millions d'euros dans deux tours et la Sodiaal assurera, dès 2015, leurs besoins en lait de l'usine et apportera son savoir-faire technique ». L'Asie, encore, avec la récente installation de la Sodiaal dans la province du Sichuan où elle ouvre une dizaine de boutiques à lait et où les consommateurs viennent découvrir les produits Candia puis achètent sur Internet du lait de France vendu 3 euros le litre. Mais si le marché chinois est important pour prendre des positions, il reste un marché balbutiant. En gestionnaires prudents, les administrateurs de Sodiaal Union veulent diversifier leurs débouchés « pour ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier ». Aussi Laurent Vial souligne l'importance du marché européen où la Sodiaal écoule déjà 1,2 milliard de litres de lait et où les efforts commerciaux engagés permettent à l'emmental de regagner des parts de marché. Il cite également « la révolution industrielle qui touche la production d'ingrédients issus du lactosérum et permet à la Sodiaal, avec ses outils rénovés de Saint-Martin Belle Roche près de Mâcon et Bas-en-Basset en Haute-Loire, de passer « dans la production de poudre de lait de l'animal à l'humain » et de répondre ainsi à l'explosion de la demande mondiale en lait infantile.

Des éleveurs veulent doubler leur production

Avec un nouveau président, Damien Lacombe (1), la Sodiaal sait d'autant plus où elle va qu'elle a arrêté sa stratégie en s'appuyant sur une enquête réalisée auprès de ses sociétaires. Il fallait cerner l'état d'esprit des éleveurs alors que se profile, en avril 2015, la sortie des quotas. Laurent Vial cite comme principales demandes des coopérateurs adressées à la Sodiaal : « Qu'elle crée de la valeur ajoutée, qu'elle vise l'international et qu'elle permette à ses éleveurs de produire plus. Au global, les éleveurs de la Sodiaal envisagent de produire 800 millions de litres le lait de plus d'ici 2020 et, surprise, ce n'est pas dans l'Ouest où s'accumulent les problèmes environnementaux et de disponibilité foncière que la demande est la plus forte. C'est dire si des régions comme les nôtres doivent, sans attendre, se préparer à la sortie des quotas... »

Performances d'entreprise et prix du lait

Mais si les éleveurs se déclarent prêts à produire plus ce n'est pas à n'importe quel prix. Laurent Vial, éleveur lui même, connaît l'immense attente des producteurs quant au prix du lait. En acceptant le 9 janvier dernier de majorer de 2,50 euros par mille litres tous les volumes livrés en 2013, les administrateurs de la Sodiaal ont voulu adresser à ses adhérents un message de compréhension et fixer le prix du lait en moyenne 2013 à 343 euros les mille litres. Mais Laurent Vial ne cache pas la nécessité absolue de poursuivre le chantier de restructuration des outils industriels et la diversification des produits pour s'attacher les nouveaux marchés émergents à forte valeur ajoutée. « On se donne encore trois ans pour atteindre nos objectifs de performance économique », indique Laurent Vial. Alors, la Sodiaal appliquera son plan stratégique en matière de prix du lait qui consiste « à payer le lait au prix du marché calculé sur le mix-produit de l'entreprise. Puis, au-delà, de renvoyer aux coopérateurs des compléments de prix en fonction des performances économiques et financières de la coopérative ». C'est là que réside la différence entre l'entreprise privée et l'entreprise mutualiste. La première distribue ses résultats sous forme de dividendes à ses actionnaires pendant que la seconde renvoie à ses sociétaires les fruits de ses performances...

 

(1) Damien Lacombe est le fils de Raymond, l'exemplaire syndicaliste aveyronnais qui fut président de la FNSEA de 1986 à 1992

Serge Berra

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