Sous le chapeau du burger

Au bleu, au bacon, au foie gras ou classique, le burger n'a pas son pareil pour jouer les séducteurs.
D'après l'étude réalisée pour Equiphotel en octobre dernier, il occupe désormais la carte de 75% des restaurants de l'Hexagone. Même les plus grands chefs se sont pris au jeu et la clientèle en redemande.
« C'est la deuxième vente en France après le sandwich ! », signale Jean-Fabrice Quirin, propriétaire depuis 2014 du restaurant la Guinguette à Barraux.
Le burger, tronqué de son « ham » est devenu tendance, imposant à la filière de se mettre en ordre de marche.
Depuis l'éleveur qui espère valoriser ses avants, jusqu'au restaurateur, ravi de proposer un plat profilé pour marger, le burger fleure bon l'aubaine.
« A la base, il s'agissait d'une option sur la carte », affirme Nicolas Cuisin, qui a ouvert l'Esquisse à La Tour-du-Pin, il y a trois ans et demi. Aujourd'hui, le burger représente 70% des ventes du petit restaurant de 24 couverts, qui vient de doubler son chiffre d'affaires.
Sa spécialité est le burger à composer, fait maison, qui attire non seulement une clientèle locale, mais venue de tout le Nord-Isère.
Même constat au Grizzly à Méaudre, lancé il y a quatre ans par Gaëlle et Séverin Pagano. Ce restaurant traditionnel a vu le burger s'imposer dans près de 60% des ventes.
En phase
« Ce qui fait la différence, c'est la façon de le préparer et les produits », affirment de concert ces champions du hamburger isérois.
« Le burger est arrivé avec le chef, il y a un an et demi, alors on l'a appelé le burger à Paulo, reprend Jean-Fabrice Quirin. Il faut être en phase avec la clientèle ».
Le « plat en plus » occupe déjà environ 20% des ventes, surtout l'hiver. L'été, il a tendance à être remplacé par le tartare. On reste dans la viande hachée.
Autant de restaurants, autant de fournisseurs différents. Depuis le 100% local, jusqu'au 100% frais, les viandes, les pains et les fromages n'ont pas tous suivi le même réseau de distribution. « Il y a une réalité économique », prévient le restaurateur de Barraux, qui emploie cinq personnes. Il s'approvisionne en steaks hachés frais charolais de 180 g sous vide chez le grossite Métro où le choix est varié.
« Ils offrent un très bon rapport qualité/prix », insiste-t-il. Le burger est accompagné d'une crème de reblochon, d'oignons et de lardons confits. Il est vendu 19 euros à la carte du soir.
Burger bison
Nicolas Cuisin a choisi l'option du surgelé Bigard charolais 100% français, façon bouchère. « Parce que j'en ai essayé plusieurs et c'est le mieux qui puisse exister. »
Il écoule près de 400 burger par mois à raison de 13 euros le plat.
« Notre marge est un peu plus basse que la moyenne nationale, mais nous sommes dans une petite ville, proche de notre clientèle », reprend le restaurateur qui travaille de façon beaucoup plus locale avec les autres ingrédients. Les fruits et légumes sont pris chez les des maraîchers alentour, le pain à Rochetoirin et la viande qui compose les autres plats chez le boucher du secteur.
Dans le Vercors, le Grizzly s'approvisionne pour sa part chez un boucher lyonnais qui lui hache et lui conditionne la viande.
Ses burgers français, proposés à 16,50 euros, peuvent s'accompagner d'une crème au bleu du Vercors. Pour le reste, ce sera Métro, oui, mais haut de gamme et en frais.
S'ils ont essayé les produits locaux, ces restaurateurs n'y ont pas tous encore trouvé leur compte : tarifs, régularité d'approvisionnement, variété de l'offre, « c'est compliqué », reconnaît Jean-Fabrice Quirin, qui se tourne vers les circuits courts pour la pomme de terre et la tête de veau.
Pour autant, dans le Vercors, le Grizzly s'intéresse de près à la viande de bison. « Nous travaillons avec Lilian Rochas, éleveur à Méaudre, depuis quelques années pour proposer du burger de bison », annonce fièrement Séverin Pagano. Il devrait faire son entrée sur la carte en décembre.
Segmenter le marché
Devenu exigeant, le consommateur de burger s'intéresse autant à l'élaboration qu'à la qualité du produit.
Les industriels, comme le groupe Bigard et sa filiale Charal, ne s'y sont pas trompés, capables de proposer du haut de gamme à des prix attractifs.
Et pour cause. « Il faudrait arriver à segmenter le marché du steak haché », informe Eric Chavrot, le président de la coopérative Dauphidrom, filiale du groupe ligérien Sicarev qui abat, découpe et transforme la viande issue des élevages régionaux.
Aujourd'hui, le charolais n'est pas mieux valorisé que la vache laitière de réforme lorsqu'il sort en steak haché. « Or, 50% de la viande consommée est de la viande hachée , poursuit Eric Chavrot. En 2015, ce volume a progressé de 10%. »
Ce qui plonge le monde de l'élevage dans un véritable dilemme. « Le steak haché tire la consommation de viande de bœuf, explique le président de Dauphidrom, mais le troupeau laitier apporte de la viande bon marché. Or en ce moment il y a beaucoup de sorties de vaches laitières. Ce qui pose la question de la place de la viande charolaise considérée de moyenne catégorie. »
L'opportunité est donc mince pour le troupeau allaitant.
« Nous devons développer des débouchés au-delà de la GMS », explique Eric Chavrot en citant quelques exemples de contrats spécifiques passés par Sicarev. « Il faut tenir le marché », insiste-t-il.
Valoriser les avants
Paul-Dominique Rebreyend, éleveur et dirigeant de l'abattoir de La Mure, est encore plus sévère. « La viande hachée va tuer l'élevage allaitant. C'est une menace pour le métier. »
Son inquiétude porte également sur l'absence de distinction entre vache de réforme et race à viande.
« Broyer une viande n'abîme pas sa qualité », insiste-t-il. Le risque est de voir des charolaises entières - et pas seulement les bas morceaux - réduites en viande hachée, au même prix que la montbéliarde.
L'intérêt de la viande hachée réside dans la possibilité qu'elle offre de valoriser les avants et d'atteindre le fameux équilibre matière recherché par les abattoirs.
C'est la raison pour laquelle certains établissements comme La Mure ont déposé une demande d'agrément* pour créer une saucisserie et proposer de la viande hachée salée sous forme de steak.
« On n'est jamais totalement hors d'un marché, rappelle le gérant de l'abattoir sans cesse à la recherche de nouveaux débouchés. L'effet de masse a toujours une incidence et une façon de nous protéger est de sécuriser la clientèle. »
C'est pourquoi, le petit abattoir s'arme pour proposer de la viande hachée, y compris aux éleveurs qui pratiquent la vente directe.
L'abattoir de Grenoble épouse la même stratégie en ouvrant lui aussi un atelier pour la viande haché assaisonnée en 2017. « Il faut y aller, c'est un marché porteur », estime Eric Rochas , son dirigeant.
Des solutions
Car il convient de proposer des solutions aux éleveurs, qui n'hésitent pas à faire parcourir des kilomètres aux carcasses pour les faire transformer en viande hachée.
Direction les établissements Carrel à Hières-sur-Amby. L'entreprise de 75 salariés développe trois métiers : la découpe de viandes rhônalpines multiespèces, la fabrication de steak hachés surgelés et la fabrication de charcuterie.
La viande est issue majoritairement de ses propres abattoirs, situés à Bourg-en-Bresse ou Valence. Mais l'entreprise effectue de la prestation de service pour le compte d'éleveurs.
« Nous avons démarré une activité de viande hachée en frais depuis deux ans, pour répondre à la demande de la restauration hors foyer, explique Stéphane Carrel, Pdg du groupe. Et nous avons un projet de développement sur cette ligne de fabrication.»
L'opérateur régional propose du hachage à la demande, la présentation du steak sous forme artisanale ou façon bouchère ayant la cote.
Les pièces vont de 45 à 200 grammes, en fonction de la clientèle, de la restauration scolaire à la restauration commerciale. L'établissement produit par ailleurs 1 200 tonnes de steak surgelés par an, sous sa propre marque ou en prestation de service.
Stéphane Carrel reconnaît que le marché du haché a considérablement évolué dépassant la seule clientèle des jeunes. « Aujourd'hui, le consommateur recherche autre chose, des races à viande ou du bio », confirme-t-il.
Sur la question de la valorisation, il préconise une plus grande commnication autour du charolais, du bio, voire du limousin.
Quant à la crise que traverse le monde de l'élevage, l'industriel estime que la réponse réside dans la commercialisation. « Nous apportons beaucoup de flexibilité et nos portes sont ouvertes pour toutes les prestations de services », rappelle-t-il.
Isabelle Doucet
* Il existe différentes catégories de viandes hachées en fonction de leur composition, de leur préparation et de leur mode de conservation. Les agréments portent sur des appellations spécifiques (viande hachée, préparation de viande hachée assaisonnée etc.)
Burger 100% maison
« Une poignée en Isère »
« C'est un plat qui marche très bien. Nous faisons tout » , déclare Xavier Castillan, président des maîtres restaurateurs de l'Isère et chef de la Table du Campagnard à Treffort.« Nous venons de finir de préparer le ketchup de tomates pour la saison prochaine », reprend-il.

Il énumère : la farine du Trièves sert à confectionner le pain bis, la viande vient directement de la ferme Maubleu à Sinard, le bleu est du Vercors, les oignons confits d'ici.
Le restaurant est équipé d'un hachoir réfrigéré pour hacher sa viande. « Nous utilisons les bas morceaux et les avants », explique le restaurateur.
Arrivé à la carte il y a quatre ans, le burger se positionne en cinquième position parmi les plats proposés.
Il n'y a plus d'âge pour choisir un hamburger, constate Xavier Castillan. « Seuls les plus anciens hésitent encore un peu.»
Beaucoup de main-d'œuvre, des belles matières premières, ce n'est pas sur le burger que la maison Castillan marge le plus. Le plat est proposé à 17 euros.
« C'est la mode, reprend le maître restaurateur. Mais ceux qui le font entièrement ne sont qu'une poignée en Isère. Il y a de tout. Il y a une différence entre le fait maison et le tout fait maison ! Un bon burger se prépare avec de bons ingrédients, souligne-t-il avant de mettre en garde : si la viande suinte, si la farine est sans goût et le cheddar élastique », passez votre chemin.
Etude
Quel est le prix d'un burger ?
Le salon des professionnels de l'hôtellerie restauration EquipHotel, qui se déroule à Paris jusqu'au 16 novembre, a missionné Gira Conseil pour la réalisation d'une étude auprès de 500 restaurants dans 13 régions en France.Selon « l'indice burger Equiphôtel », le prix moyen du burger s'établit à 11,58 euros. En restauration rapide, il est de 5,73 euros.
On retrouve le burger le plus cher en région parisienne (13,06 euros en moyenne, tous circuits confondus). En Rhône-Alpes, il s'établit à 11,56 euros, ce qui le place dans la moyenne des tarifs pratiqués.
A noter : en ville, le prix du burger grimpe avec le nombre d'habitants.
Devenu « fréquentable », le burger a envahi jusqu'aux meilleures tables françaises.
Il est présent à la carte de 75% des 145 000 restaurants français.
En 2015, 1,19 milliard de burgers ont été consommés en France avec une progression de +11,21%.
Il représente 30% des repas consommés en restauration commerciale, indique l'étude.
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