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Paturin

Tisser des complicités de territoire

Le comité de territoire Paturin a relancé son projet de charte "bien vivre ensemble" dans le territoire d'Isère Porte des Alpes. L'occasion de nouer le dialogue entre usagers et acteurs de l'espace rural, qu'ils soient agriculteurs, élus ou habitants.
Tisser des complicités de territoire

Mieux se comprendre pour mieux se respecter. En lançant son projet de « charte de bien-vivre », le comité de territoire Paturin veut engager le dialogue entre élus, agriculteurs, habitants et usagers du territoire d'Isère Porte des Alpes. « Une action essentielle compte tenu de l'urbanisation de nos espaces ruraux », précise Roland Seigle, agriculteur et président de Paturin. Démarré en 2011, le projet a repris du service le 6 mai dernier avec une soirée débat qui a réuni une quarantaine de personnes à Bourgoin-Jallieu. Objectif : jeter les bases d'une charte permettant de définir une manière de « mieux vivre ensemble » tout en ménageant les intérêts et les sensibilités de chacun. Si les organisateurs ont pu déplorer « la non présence des gens des associations de protection de l'environnement », ils se sont en revanche félicités de la participation des agriculteurs, venus en nombre, et des nouveaux élus, très intéressés par les problématiques soulevées.

Dialogue constructif

Répartis en trois « familles » (agriculteurs, élus et habitants), les participants avaient pour mission de répondre à trois questions : quelles sont les raisons qui poussent les gens à venir habiter à la campagne ? Comment les territoires ruraux ont-ils évolué ? Que faudrait-il faire pour favoriser une meilleure entente entre les différents usagers du territoire ? Si chacun avait sa petite idée, parfois bien arrêtée, un dialogue étonnamment constructif s'est rapidement engagé entre usagers du territoire. Les points de vue, parfois éloignés, se sont confrontés, mais sans animosité. Venus pour exprimer leur agacement à l'égard de ce qui leur est couramment reproché (épandages malodorants, tracteurs qui encombrent les routes...), les agriculteurs ont été notamment surpris d'entendre les habitants leur demander s'ils comptaient évoluer vers le bio ou proposer des produits de qualité en vente directe...

Sur la question du foncier et de la préservation des paysages, chacun a constaté que l'évolution de l'agriculture avait engendré celle du paysage. « Avant, les structures étaient plus petites, il y avait plus de haies, fait remarquer Guy Servet, le maire de Châtonnay. Aujourd'hui les cultures ne sont plus les mêmes : de nombreuses exploitations ont disparu, il y a moins de prairies et plus de grandes cultures. Mais les céréaliers, ils n'aiment pas ça, les haies. » Et l'élu de rappeler que les agriculteurs sont devenus de vraies chefs d'entreprises qui ont besoin qu'on leur préserve leur outil de travail : la terre. Mais comment arbitrer entre le maintien du foncier agricole et le développement d'une commune rurale ? « Pas facile », reconnaît Guy Servet.

Manque de communication

Chacun s'accorde à dire que la solution ne peut venir que de la concertation. Une stratégie d'autant plus efficace que les générations ont changé et les pratiques évolué. « Aujourd'hui, il y a beaucoup de jeunes agriculteurs qui ont des niveaux d'étude élevés, estime un élu. Ils sont moins « butés » que certains de leurs aînés. En peu de temps l'agriculture a pris une autre dimension. Les échanges sont peut-être plus faciles... » De son côté, Hubert Michon, agriculteur à Châtonnay, regrette le manque de communication de sa profession : « Notre problème, c'est que parfois, par manque de savoir, les gens nous critiquent. Personnellement, je n'ai jamais eu de problème, parce que je suis en agriculture raisonnée. Si par exemple il y a des promeneurs au bord du chemin où je pulvérise, j'arrête. D'autant que j'ai des enfants... »

Il n'en reste pas moins que les problématiques divergent selon les territoires. Entre une ville nouvelle comme L'Isle d'Abeau et une commune rurale comme Châtonnay, l'enjeu foncier et le rapport à l'espace ne sont pas les mêmes. Les élus des communes rurales le savent bien. Ils rencontrent souvent des problèmes de déprises agricoles et comptent sur les agriculteurs pour entretenir des paysages parfois menacés de fermeture. Mais aussi sur les néo-ruraux pour maintenir une vie dans leur commune et leurs écoles. Alors comment faire pour ménager la chèvre et le chou ? Une « charte du bien vivre » suffira-t-elle à tisser une complicité entre usagers du territoire ? Sans doute pas, mais elle peut sérieusement y contribuer.

Marianne Boilève