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Solidarité

Trousse de secours pour situation d'urgence agricole

Le 12 juillet, le Conseil de l'agriculture départementale de l'Isère a tenu une réunion publique à Tullins, en présence de nombreux élus et responsables professionnels, dont Joël Limouzin, vice-président de la FNSEA. Objectif : faire le point sur les dispositifs en faveur des exploitants touchés par les récentes intempéries.
Trousse de secours pour situation d'urgence agricole

L'ambition est claire : mobiliser tout le monde pour « ne laisser aucun agriculteur dans la détresse ».

Le 12 juillet dernier, le Conseil de l'agriculture départementale de l'Isère (CAD) a tenu une réunion publique à Tullins pour exposer les mesures d'urgence prises en faveur des exploitants touchés par les intempéries de ces dernières semaines. Près de 150 agriculteurs, la plupart désarmés, très marqués, ont répondu à l'appel.

 

Une centaine d'agriculteurs ont assisté à la réunion publique d'information organisée par le conseil de l'agriculture départementale.

 

Face à eux, élus, locaux et nationaux, agents de l'Etat, responsables professionnels et syndicaux, dont Joël Limouzin, vice-président de la FNSEA en charge des dossiers calamités et gestion des risques, ont détaillé le contenu de la boîte à outils mise à leur disposition.

Recenser les besoins

Jean-Claude Darlet, président de la chambre d'agriculture, et Jérôme Crozat, président de la FDSEA, ont rappelé leur priorité absolue : recenser les besoins et parer au plus urgent. 

« Surtout, si vous connaissez des gens en difficulté, signalez-nous pour que nous n'oublions personne. C'est capital ! », a insisté Jean-Claude Darlet.

L'élu consulaire a également invité les nuciculteurs, arboriculteurs et viticulteurs à retourner au plus vite le formulaire envoyé par la chambre début juillet pour évaluer le travail à faire, réaliser des appels d'offre auprès des entreprises (déblayage, déchiquetage, dessouchage, achat de piquets...), proposer des chantiers groupés et faire remonter aux collectivités territoriales les besoins financiers.

Sur ce point précis, Jérôme Crozat a mentionné les aides déjà débloquées : cinq millions d'euros de la Région, qui sont passés à six selon le vice-président Yannick Neuder, et un don de 50 000 euros de la fondation Carrefour.

 

 

« Nous attendons aussi que les banques, les assurances et la MSA fassent un effort », a déclaré le président de la FDSEA, ajoutant que le syndicat travaillait à « récolter des fonds via la plateforme Miimosa » et allait « contacter les grandes entreprises pour abonder ces fonds solidaires ».

Chantier hors norme

Bertrand Dubesset, directeur-adjoint de la DDT de l'Isère, a ensuite dressé un bilan rapide des pertes. « 51 communes touchées : un chantier hors norme, qui atteint tout le monde, notamment pour l'organisation du repérage des dégâts, une phase indispensable dans la mise en œuvre des procédures d'indemnisation », a-t-il souligné.

Et d'en profiter pour saluer la « prise de conscience du Département », représenté par son vice-président à l'agriculture, Robert Duranton, qui s'est engagé à financer, avec l'appui de Groupama, la cartographie précise des dommages via une flotte de drones.

Une démarche pilote qui devrait faire école dans d'autres départements, car elle va permettre de présenter des « éléments irréfutables » au Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA).

Perte de fonds, perte de récolte

Le directeur-adjoint de la DDT et les représentants syndicaux ont toutefois prévenu que toutes les pertes ne seraient pas indemnisables.

Ne seront en effet prises en compte au titre de calamité agricole que les productions et les biens non assurables.

 

 

« Un arbre à terre est perdu : c'est de la perte de fonds, a expliqué Bertrand Dubesset. C'est indemnisable selon un barême établi en accord avec la profession. En revanche, si les abricots sont par terre, c'est de la perte de récolte. C'est assurable, donc pas indemnisable au titre de calamité agricole. »

La situation se complexifie avec les arbres redressés. Certains vont repartir, d'autres pas. « Il faudra refaire un passage piéton l'an prochain pour actualiser les situations », a précisé le représentant de l'Etat.

Solidarité

« Le fonds calamités agricoles (FAC) est bien spécifique, a résumé Joël Limouzin, fin connaisseur du dossier. Pour les grandes cultures ou la viticulture, comme les récoltes sont assurables, les pertes ne sont pas éligibles. Pour les arboriculteurs, c'est un peu différent. La partie grêle est assurable : les pertes de récolte ne seront donc pas indemnisées au titre des calamités. En revanche, pour la perte de fonds, il n'existe pas d'offre assurantielle acceptable et accessible aux arboriculteurs. Elle sera donc prise en compte. Dans une situation comme celle-ci, il est logique que la solidarité joue. Mais il faut que tout le monde comprenne qu'on ne peut pas accompagner ceux qui font délibérément le choix de ne pas s'assurer. »

Justifier de 13% de pertes

Pour ce qui est de l'indemnisation, les agriculteurs devront par ailleurs justifier d'une perte d'au moins 13% du produit brut d'exploitation.

Or, « pour les exploitations diversifiées, il est parfois difficile d'atteindre ces 13% », a averti le vice-président de la FNSEA.

C'est le cas de pas mal d'exploitations du secteur qui sont en polyculture-élevage et comptent sur les noix pour compenser le prix du lait, selon Bruno Neyroud, éleveur et président du CISM.

Yves Borel, le président du CING, a suggéré de déposer à la DDT une demande collective de dérogation pour brûler les bois de noyer dans les parcelles isolées, afin de simplifier la vie des agriculteurs l'hiver prochain.

Prise en charge partielle des cotisations MSA

Enfin, à ceux qui s'inquiètent d'être en mesure d'acquitter leurs cotisations, Françoise Thévenas, présidente de la MSA, a assuré que la « souplesse » serait de mise.

Un courrier électronique a été envoyé à l'ensemble des agriculteurs des communes touchées.

Pour les cotisations 2019, la date limite de paiement du deuxième apport provisionnel, intialement prévue en août, a été reportée à la fin de l'année. Mais les sommes demeurent « exigibles légalement ».

Il est cependant possible de demander une prise en charge partielle des cotisations, qui sera calculée en fonction des pertes subies.

« Pour les années suivantes, vous avez la possiblité de moduler vos appels fractionnés pour que la baisse de vos revenus soit prise en compte », a ajouté la sous-directrice de la MSA Alpes du Nord.

En 2020, les agriculteurs pourront ainsi demander une « option N-1 », de façon à ce que les apppels de cotisation soient calculés sur les revenus 2019, et non sur l'assiette triennale. Une maigre consolation pour ceux qui, cette année, espéraient pouvoir « faire l'impasse complète » sur les échéances à venir.

Marianne Boilève

 

 Dégâts / Suite aux intempéries, les exploitaitons en polyculture-élevage doivent parfois opérer des arbitrages.

L'heure des choix

Agriculteurs à Poliénas, René et Cédric Ruzzin n'ont pas tout perdu. Mais ils se retrouvent à l'heure des choix.
Avec une centaine d'arbres arrachés, cinq hectares de prairies hachés, les bâches du poulailler trouées et la bergerie « foutue », le père et le fils vont devoir arbitrer : les dégâts engendrés par les récentes intempéries ont sérieusement mis à mal l'équilibre de l'exploitation.
C'est ce qu'ils ont expliqué aux responsables professionnels et syndicaux venus leur rendre visite le 12 juillet avant de participer au Conseil de l'agriculture départementale organisé à Tullins.« Les 30 hectares de noyers, c'est ce qui fait notre revenu, confie Cédric Ruzzin. Or, nous avons perdu 70 à 80 % d'une récolte qui s'annonçait bonne cette année. Pour le poulailler, le crédit court jusqu'en 2025. Du coup, ce sont les moutons qui se retrouvent en sursis. »
 
Joël Limouzin, vice-président de la FNSEA, est venu chez les Ruzzin, à Poliénas, pour constater l'ampleur des dégâts occasionnés par les récentes intempéries.

Entre le poulailler et la bergerie, les réparations s'élèvent à 16 000 euros.
Certes, l'assurance va en rembourser une partie. Mais « avec le coefficient de vétusté, on ne va pas toucher grand chose, anticipe le jeune agriculteur. Et on ne va pas remettre 7 000 euros dans une bergerie alors que je vais peut-être arrêter les moutons quand mon père sera à la retraite ».Leur situation pourra-t-elle être prise en compte au titre des calamités agricoles ? Pour la perte de fonds, sans doute. Soit un hectare de noyers. Sans compter la cinquantaine d'arbres qu'ils sont parvenus à relever et à étayer.
Mais pour le reste, c'est l'incertitude. « Avec mon père, on s'est dit qu'on allait rendre nos terres en location et faire avec nos parcelles en propre. Mais si ça se reproduit, qu'est-ce qu'on fait ? »
Une question que beaucoup se posent.
MB