Un artisan très en forme
On ne s'imagine pas le nombre d'étapes nécessaires à la fabrication d'une chaussure avant qu'un pied puisse se glisser dedans. Mais avant de se gainer de cuir, la chaussure n'est qu'un bout de bois. En effet, pour en déterminer le volume chaussant, il faut partir d'une forme, bien dessinée, conciliant cambrure parfaite et confort absolue. Et cette forme, ce prototype tout en bois, seul un modéliste-formier peut la réaliser. Bernard Fermond, artisan à Colombe, est l'un des derniers à exercer ce métier en France. Un Mohican, dont le talent a été récompensé par un trophée CA d'or « coup de cœur » en décembre dernier. L'association Mécénat Crédit agricole sud Rhône-Alpes salue ainsi le maintien d'un savoir-faire identifié comme rare par l'Unesco.
Formier pour la mode et l'industrie du luxe depuis plus de trente ans, Bernard Fermond a lancé Formod en 2009, une (toute) petite entreprise qu'il a créée après s'être retrouvé sur le carreau lors la fermeture de l'usine Charles-Jourdan, de Romans-sur-Isère. Un établi, quelques outils, une meuleuse, le voilà qui « gratte » depuis six ans pour des signatures prestigieuses comme Karl Lagerfeld, Dior ou Paul Cox. Partant du dessin du styliste, l'artisan a pour mission de réaliser une étude de base qui aboutira à la création d'un « corps de forme », autrement dit d'un moule servant à dupliquer les paires de formes plastiques utilisées pour la réalisation des chaussures finales. Un métier peu banal, quasi disparu en France, qui exige une connaissance pointue de la morphologie du pied, des étapes de fabrication de la chaussure et une précision extrême.
Sculpture sur bois
Le travail consiste à réaliser l'adaptation du volume chaussant dessiné par le styliste. Tel un sculpteur sur bois, l'artisan commence par tracer les lignes du soulier sur un bloc de bois, puis il découpe, taille, râpe, retouche... Peu à peu, il façonne un modèle, respectant les lignes, les critères et les mensurations fournies par le chausseur. Un travail exigeant, minutieux, qui l'a conduit, au fil des ans, à créer sa propre base de chaussant « idéal ». Sa clientèle va de l'industrie du luxe à la fabrication sur mesure. Le modeliste travaille également pour un industriel espagnol qui, ayant rencontré un problème de chaussant sur l'un de ses produits, lui a demandé de reconstitué tout son parc à formes. Mais l'artisan compte bien sur le coup de cœur du Crédit agricole pour lui donnera un coup de pouce en matière de notoriété.
