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Filière nucicole

Un avenir prometteur pour les mouliniers

Michel Rovon a recréé en 2008 le domaine du Pressoir à Rovon, dans une ancienne bâtisse du XVIe, siècle qu'il ouvre régulièrement au public.
Un avenir prometteur pour les mouliniers

Il faut suivre la petite route traversant les noyeraies de Rovon pour atteindre l'ancienne bâtisse du XVIe siècle qui abrite, depuis 2008, le domaine du Pressoir. Lovée contre le Vercors, baignée par la Drevenne, cette ancienne maison a renoué avec son passé de moulin à huile, grâce à la passion d'un moulinier, Michel Ageron. En 2008, cet ex-animateur du comité d'entreprise d'HP Grenoble s'est engagé dans une reconversion professionnelle. « Au bout de 35 ans, j'avais fait le tour de mon métier et surtout, je ne m'occupais plus beaucoup d'animation », concède-t-il. Propriétaire de cet ancien moulin dans lequel il bricolait depuis une trentaine d'années à des fins personnelles, il a ainsi décidé de franchir le pas en 2006, rattrapé par ses racines paysannes. « Je l'ai entièrement remis en état et équipé de nouvelles machines », poursuit le désormais chef d'une entreprise familiale où il travaille avec sa fille Mary-Lou. Il a ainsi investi 300 000 euros dans la création de son moulin à huile.

 

«L'huile sera belle»

Le moulin du Pressoir se décompose en deux chaînes de travail. Il dispose à l'étage d'un atelier de cassage et d'émondage des noix, qu'il loue ou qu'il utilise pour son compte, tandis que la production d'huile s'effectue au rez-de-chaussée. La casseuse, fournie par un constructeur local, assure un rendement de 50 kilos à l'heure. « Plus on casse vite et moins le tri est délicat », rappelle le moulinier. Réglable, la machine peut casser et trier des cerneaux pour la pâtisserie ou de la matière première pour le pressoir.

Au rez-de-chaussée, dans le ventre du moulin, les choses deviennent plus techniques. « Je traite chaque client séparément. S'il amène de beaux cerneaux, l'huile sera belle, déclare Michel Ageron. On a l'huile que l'on mérite. » On peut solliciter le moulin pour seulement 20 kilos de noix ou 3 tonnes, avec des cerneaux ou des noix en coques cassées sur place. La marchandise étant déposée le matin, l'huile peut être récupérée dans l'après-midi.

Les cerneaux passent d'abord au broyeur, « qui n'est pas une meule », insiste Michel Ageron, de façon à obtenir des miettes et non pas de la poudre. La matière première est alors chauffée dans une grande cuve inox, alimentée au gaz, « ce qui me permet de régler la température de façon précise », indique le moulinier, thermomètre laser à la main. Chauffée pendant quelques minutes à 80°, « mais cela dépend de la façon de chauffer et de la qualité de la noix. Ici, c'est un peu long, mais le produit ne brûle pas », la préparation est ensuite placée dans la presse inox.

 

«Tout est bon»

Michel Ageron tire une grande fierté de ce prototype spécialement réalisé pour ses besoins. La machine est puissante : 400 kg/m2 de pression, « c'est une des plus solides de la région », un vérin de 350 tonnes et une centrale d'une puissance de 700 bars garantissent un travail de pro. « Nous avons positionné le vérin en dessous du bac de façon à ce qu'il n'y ait aucun risque de fuite », précise le spécialiste. Une fois que l'huile s'écoule dans le seau adjacent, il ne reste plus, à l'intérieur de la presse que le tourteau, une matière extrêmement sèche. « Tout est bon dans la noix », ne manque pas de préciser Michel Ageron. Les tourteaux obtenus à partir d'une noix pure servent de matière première en pâtisserie ou en boulangerie ; ils sont transformés en panure ou en muesli. Les autres partent en aliment pour le bétail. « On utilise la fleur de noix pour l'apéritif, le bois pour fabriquer des meubles et les coquilles pour chauffer ou en jardinage ». Il faut moins d'une heure pour réaliser une pressée de 14 kg. Rappelons que 5 kg de noix entières donnent 2 kg de cerneaux et 1 litre d'huile en moyenne. Le meilleur rendement est obtenu à partir de noix espagnoles. Car le moulinier reçoit des cerneaux de l'Europe entière qu'il travaille à façon.

20 000 litres d'huile

Le domaine du Pressoir ne connaît pas la crise. « Nous ne sommes pas nombreux et il y a beaucoup d'anciens », constate le moulinier. Un équipement performant est en effet nécessaire pour obtenir un bon rendement dans un moulin à huile. Aujourd'hui Michel Ageron, qui extrait environ 20 000 litres par an pour un chiffre d'affaires de 100 000 euros, se trouve limité dans sa capacité de production, alors que le marché existe et est demandeur. Son moulin fonctionne toute l'année. « Je ne prospecte pas car je ne peux pas fournir ». Le chef d'entreprise envisage de passer le relais à sa fille et sait que la bonne santé du moulin lui permettra d'investir dans de nouvelles machines pour accroître sa capacité de production. Le domaine du Pressoir compte plus d'une centaine de clients. Des producteurs de noix désireux de faire casser leurs cerneaux et/ou produire de l'huile, transformateurs et partenaires, utilisant son savoir-faire et sa matière première pour produire de la bière, du nougat, de la moutarde, du savon, du vinaigre, des croquants... Le domaine fabrique également sa propre gamme de produits : huile de noix ou de noisette, poudre, cerneaux, vins de chatons ou de noix vertes, la vente directe représentant 65% de son activité.

Ne reniant pas son passé d'animateur, Michel Ageron cultive le contact avec sa clientèle et accueille volontiers des groupes. Depuis trois ans, il participe aux journées portes ouvertes organisées au mois d'octobre par la CCI de Grenoble.

Isabelle Doucet

Les moulins en Isère

Ils sont artisanaux et fonctionnent encore avec des vieilles meules de pierre ou ont été modernisés à l'image du domaine du Pressoir. Ils émaillent le Dauphiné, témoins ancestraux du passé et de l'avenir mucicole du département. Les moulins à huile de l'Isère n'ont jamais été autant sollicités. Beaucoup sont ouverts à la visite. Ils sont installés chez des particuliers, revivent grâce à des associations ou sont exploités par des structures commerciales. En voici une liste non exhaustive :
Moulin à huile de Revel (piloté par l'Association pour la protection du patrimoine agricole de Revel), huile de noix et noisettes, tél. : 06 14 53 60 12
Moulin de Léon à Chatte (1830), huile de noix, tél. : 04 76 64 59 65
Moulin de Chardeyre à Mens (XVIIe), farine bio et huile de noix, tél. : 04 76 34 61 35
Moulin de Chogne à Bouvesse-Quirieu, huile de noix, noisettes et sésame, tél. : 04 74 88 63 57
Moulin à huile de Merlas, huile de noix et noisette, ferme du XVIIIe, moulin de 2005, tél. : 04 76 07 19 58
Moulin Pion-Vignon à Saint-Siméon-de-Bressieu, huile de noix et noisettes depuis cinq générations (1855) tél. : 04 74 20 13 44
Des moulins artisanaux : moulin de Biol, moulin de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, pressoir à huile de noix de Marsa, à Panossas.