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DEBARDAGE

Un chantier pas comme les autres

L?Office national des forêts pilote un chantier par câble dans la commune de Vaujany. Il fait appel pour la première fois à un câbliste isérois.
Un chantier pas comme les autres

Juste au-dessus du bourg de Vaujany, une parcelle communale d?environ 960 hectares fait l?objet d?un chantier de débardage par câble. Le seul accès, pour rejoindre cette coupe pentue, est une route EDF qui conduit à une cheminée d?équilibre du barrage de Grand?Maison. C?est ici que l?ONF a choisi de mener ce chantier original en faisant appel à Étienne Seillier, câbliste installé depuis quelques mois seulement. « Le câble était très utilisé dans les années 50 et plus particulièrement par les Italiens. Cela permet d?aller chercher des bois dans des endroits où il y a peu de desserte. Mais cette technique a été abandonnée pour la création de pistes forestières. Depuis plus de dix ans, nous observons une relance de ce type d?exploitation », avance Christian Bazin, responsable du secteur de l?Oisans de l?ONF. En 2006, un plan câble (voir ci-dessous) a été lancé en Rhône-Alpes afin de renouer avec cette technique. « Son objectif est de parvenir à exploiter des zones difficiles, de sortir du volume sans engager de gros équipements, tout en préservant l?environnement et de permettre l?installation de nouveaux câblistes », résume le forestier. Car ce métier est devenu très rare en France. Ils sont moins d?une vingtaine répartis dans l?ensemble des massifs.

Christian Bazin, agent de l'ONF, pilote le chantier de Vaujany.

Deux lignes de vie

Vaujany est le premier chantier d'Étienne Seillier, dont les engins viennent juste d?arriver de Slovénie. Pour les besoins de la coupe, deux lignes de vie de 220 mètres chacune ont été ouvertes. Ce sont des trouées relativement fines, d?à peine quelques mètres entre les arbres. Le principe est simple : un câble porteur est tendu suivant l?axe d?ouverture. Il est tiré en amont depuis un mât d?environ 4,50 mètres, la plupart du temps porté par un tracteur, et haubané. A l?aval, il est fixé à un arbre massif. Le débardage s?opère le long du câble grâce à un chariot télécommandé et relié à un treuil. A Vaujany, les troncs remontés seront stockés sur la plateforme du plateau du Bessey. Le chantier permettra de débarder deux des cinq hectares de la parcelle par câble, le long des deux lignes de vie, et le reste s'effectuera au tracteur. L?ONF a procédé au martelage de 136m3. La coupe se compose d?épicéas trentenaires. La valorisation du bois est très fluctuante et dépend des cours internationaux ; le mauvais bois peut être vendu autour de 38 euros le m3 et le joli bois environ 70 euros, soit le double du prix de son exploitation.

Questions techniques

Le chantier se partage entre une dizaine de jours de bûcheronnage déjà effectué et une quinzaine de jours de débardage-bûcheronnage. Pour l'aider, Étienne Sellier a fait appel à Louis Rozeau, bûcheron indépendant qu?il a rencontré en formation. Tous les deux font donc leurs armes avec ce premier chantier de coupe à câble. « Nous allons devoir nous organiser , reconnaît le bûcheron. En effet, en attendant le matériel, les deux hommes ont lancé la coupe et le bois à terre observe une petite tendance mikado. « L?idéal est d?ouvrir la ligne de câble et d?éclaircir autour », poursuit le bûcheron. Autant de questions techniques qui seront abordées lors de la journée de formation réservée aux professionnels vendredi 21 juin à Vaujany.

Isabelle Doucet

 

INSTALLATION / Étienne Seiller vient de s?installer en tant que câbliste à La-Salette-Fallavaux. Ferbois est la seule entreprise iséroise dans ce domaine d?activité. Son premier chantier est à Vaujany.

Câbliste, un métier branché

« C?est une métier d?avenir. Beaucoup de forêts vont redevenir exploitables grâce à cette technique. Elle avait été délaissée du fait de la mécanisation, mais il existe une partie du patrimoine forestier de montagne à l?abandon, faute de moyens d?exploitation appropriés », explique Étienne Seillier, ex-officier de l?armée de terre reconverti dans le débardage par câble. Son entreprise, Ferbois, qu?il a créée au mois de février dernier à La-Salette-Fallavaux, est la première implantée en Isère. En région, les chantiers n?étaient jusqu?alors réalisés que par des entreprises savoyardes ou étrangères. « Il existe une demande », poursuit le câbliste qui a fait le choix d?investir dans un matériel léger. « Moins compliqué à mettre en oeuvre, il présente des coûts de revient moindres et donc, offre des seuils de rentabilité intéressants, y compris lorsque les taux de prélèvement sont limités. Cela permet d?opérer des interventions plus raisonnables dans les forêts, de faire des coupes de jardinage, du martelage pied par pied, de prélever juste ce qui est nécessaire à l?entretien de la forêt, de faire des éclaircies ou même de couper du bois de chauffage, qui est peu valorisé ». Le câbliste d?une trentaine d?années défend ainsi une technique de sylviculture « plus raisonnable ». Cet isérois de coeur a été séduit par cette activité forestière qui implique de l?engagement sur le terrain dans le respect du patrimoine. « J?ai l?impression de faire oeuvre utile, en dépit de l?image liée à l?exploitation forestière, qui n?est pas toujours positive ».
Le bûcheron Louis Rozeau (en photo) est venu prêter main-forte au câbliste Étienne Seillier.

Des investissements importants

Étienne Seillier a suivi une formation pour adulte au CFPPA de La-Motte-Servolex en Savoie afin d?obtenir un BP de responsable de chantier forestier. Il a ensuite effectué quelques stages chez des câblistes savoyards. « Ce qui m?a conforté dans mon idée de me lancer. Mais sans le plan câble, cela n?aurait pas été possible, car une installation suppose des investissements importants et des chantiers suffisants ». Le câbliste a investi 120 000 euros dans l?achat de ses engins, un mât sur un tracteur de la marque slovène Tajfun, spécialisée dans le matériel forestier et distribuée par la société iséroise Moyne-Picard. Il a bouclé son budget grâce à un prêt d?honneur consenti par Isère Sud initiative qui lui a permis de booster son prêt bancaire et a bénéficié d?une subvention régionale, européenne et de la part de l?Etat, à hauteur de 40% du montant du matériel, pilotée par la Draaf au titre de son installation en tant que câbliste.

Commande publique

« C?est un matériel de débardage léger et récent. Il me permet de tirer des lignes courtes tout en offrant la possibilité de sortir jusqu?à trois tonnes de bois », poursuit le câbliste. A Vaujanay, où le matériel est arrivé à peine trois jours avant la fête de la forêt de montagne, il a bénéficié de toute l?assistance du constructeur et du distributeur. « J?ai un bon suivi sur le terrain », reconnaît-il. Il est accompagné dans ses premiers pas par les techniciens de l?ONF. Soutenu par la commande publique, le créateur d?entreprise se lance dans son activité avec un carnet de commandes lui garantissant un volume de chantier soutenu. Ses prochains débardages sont prévus en Chartreuse et en Belledonne. Mais il n?exclut pas la possibilité de s?ouvrir à la commande privée. « La technique de débardage par câble est adaptée aux parcelles de taille modeste que détiendraient des propriétaires forestiers ayant renoncé à les entretenir ». Étienne Seillier espère atteindre un chiffre d?affaires de 80 000 euros au terme de sa première année d?activité et 200 000 euros à moyen terme. Il envisage de recruter deux salariés d?ici un an, voire de créer une autre équipe en investissant dans un deuxième matériel.
Isabelle Doucet

GESTION /
Un plan câble pour le massif alpin

Depuis 2006, l?Office national des forêts a mis en place, en région Rhône-Alpes, un plan câble afin de relancer l?exploitation forestière en montagne par le développement du débardage par câble. Ce type d?exploitation permet de remobiliser une partie de la ressource en bois, notamment la plus éloignée des voiries forestières (jusqu?à 1 500 mètres). Il se substitue à la piste. La gestion des coupes s?opère alors sur un mode par trouées. L?ONF s?engage à garantir l?activité des câblistes existants et à soutenir la création de nouvelles structures. Ce plan est soutenu par la région Rhône-Alpes, les départements et le CRPF. Pour accompagner le développement des entreprises de débardage par câble, l?ONF s?est fixé pour objectif, en 2013-2014, de proposer un programme de coupes afin d?optimiser l?organisation des chantiers et offrir ainsi une visibilité aux entreprises qui ont consenti de lourds investissements. Après un état des lieux des territoires, l?ONF devrait pouvoir proposer une offre de coupes à câble locale sur trois ans. L?Office a pour ambition de mobiliser 100 000 m³de bois par câble, par an en Rhône-Alpes. Aujourd?hui, ce chiffre avoisine les 40 000m³ par an.